Citations sur Mémoires des Ténèbres (15)
L’esprit enterre l’horreur, certes, mais où ? Dans le corps. Ainsi mon foie dévasté – qui, me dit-on, pourrait me lâcher dans un an –, cette récente apparition dans mon scrotum, et la fatigue, la douleur et les nuits fiévreuses, inondées de sueur, qui semblent ne jamais finir.
Que cette femme, qui m’est parfaitement inconnue, puisse penser le contraire ne fait que confirmer une chose que j’ai toujours crue sur l’industrie du cinéma : tous ceux qui en font partie sont convaincus d’être le centre absolu du monde, ou au moins l’un des quatre points cardinaux. Et les autres sont tous des losers, comme moi, qui passent leur temps le nez appuyé contre la vitrine du saint des saints.
Il y a des choses dans la vie qu’un homme ne peut pas oublier. Je ne parle pas d’épiphanies rectales. Je n’évoque pas de simples bruitages odoriférants. Il s’agissait de colossales symphonies à faire exploser son pantalon.
La différence entre la dope et l’alcool, c’est que la bibine laisse plus de traces. Boire rend rougeaud, la seringue, verdâtre. Avec l’un tu te transformes en cauchemar et avec l’autre, en blague cauchemardesque. La dope, au moins, conserve.
Janine était une Italienne resplendissante toujours en train de se plaindre de la largeur de ses hanches. Elle aurait été une déesse à n’importe quelle époque, mais elle trouvait son cul trop gros et rien ni personne ne pouvait la faire changer d’avis. Comme chez tout bon névrosé, elle distribuait généreusement à autrui le mépris qu’elle éprouvait envers sa propre personne.
Toute ma vie j’avais craqué pour des femmes qui étaient légèrement à côté de la plaque. Je me voyais comme un lion lunatique ne s’attaquant qu’aux gazelles qui, de par une élégance extrême ou une charmante particularité physique, se tenaient à l’écart du troupeau.
Il faut comprendre jusqu’où la drogue peut te mener. Et comment l’impensable devient habitude et l’habitude, une fois installée, est une chose à laquelle tu ne peux jamais, mais alors jamais, penser. Tu n’en as pas besoin, si tu as la came.
Le fait d’avoir arrêté l’héro ne signifiait pas que je n’étais plus un junkie. Et les junkies mentent. C’est leur principale addiction. Non pas que je n’avais pas frôlé l’hémorragie cérébrale en imaginant une célèbre boule de poils en train d’essayer de pénétrer dans les toilettes tandis que je m’injectais un speed-ball tout en nettoyant comme je pouvais les flaques rouges et luisantes sur le sol avec des serviettes en papier.
Ce poison a pratiquement détruit mon foie. Et le foie, me dit-on, est l’homme à tout faire du corps. Il nettoie tout. Mon petit homme à tout faire a lâché face au trop-plein, et une multitude de virulents résidus de stupéfiants s’est d’une manière ou d’une autre accumulée en bas, sur le territoire des huevos.
une vie passée à réfuter le constat simple et agaçant que le fait d’être vivant signifie être conscient. Plus ou moins.