Citations sur À l'est d'Éden (544)
Il est vrai que certains, lorsque leur chagrin s’émoussa, le remplacèrent par une sorte de fierté beaucoup plus arrogante et embarrassante. C’est très naturel, tout comme il est naturel qu’un homme dont le métier est de faire de l’argent en gagne avec la guerre. On ne blâmait pas un homme pour cela mais on attendait de lui qu’il investisse une partie de ses bénéfices en Bons de La Défense. A Salinas, nous croyions avoir tout inventé, même le chagrin.
Il me semble que vous ou moi, au moment de choisir entre deux voies, devons toujours penser à notre fin et vivre pour que notre mort ne fasse plaisir à personne.
Je sais qu'on utilise parfois le mensonge pour ne pas blesser, mais je ne crois pas que son effet soit bienfaisant. La douleur fulgurante de la vérité se dissipe, alors que la douleur lancinante du mensonge demeure. C'est un mal rongeant.
Or, aujourd'hui, le concept du groupe entouré de ses gendarmes entame une guerre d'extermination contre ce bien précieux : le cerveau de l'homme. En le méprisant, en l'affamant, en le réprimant, en le canalisant, en l'écrasant sous les coups de marteau de la vie moderne, on traque, on condamne, on émousse, on drogue l'esprit libre et vagabond. Il semble que notre espèce ait choisi le triste chemin du suicide.
Je ne sais pas ce que nous réservent les années à venir. De monstrueux changements se préparent, des forces dessinent un futur dont nous ne connaissons pas le visage Certaines d'entre elles nous semblent dangereuses parce qu'elles tendent à éliminer ce que nous tenons pour bon. Il est vrai que deux hommes réunis soulèvent un poids plus aisément qu'un homme seul. Une équipe peut fabriquer des automobiles plus rapidement et mieux qu'un homme seul. Et le pain qui sort d'une fabrique est moins cher et de qualité plus uniforme que celui de l'artisan. Lorsque notre nourriture, nos vêtements, nos toits ne seront plus que le fruit exclusif de la production standardisée. ce sera le tour de notre pensée. Toute idée non conforme au gabarit devra être éliminée.
À la minute de la grâce, l’homme devient source, et il est intarissable. Peut-être la place qu’il tient dans le monde peut-elle être mesurée par la qualité et le nombre de ses embrasements. C’est une onction individuelle, mais elle nous unit à la collectivité.
Si tu peux descendre aussi bas, tu monteras plus haut que tu ne peux le concevoir, et tu connaîtras une joie sans égale ; tu goûteras le plaisir d’une camaraderie qui vaut celle des anges dans le ciel. Alors seulement tu connaîtras les hommes. Mais, pour savoir tout cela, il te faudra d’abord toucher le fond.
La grâce éclaire le monde.
La notion du temps passé est une chose étrange et parfois contradictoire. Il serait raisonnable de supposer que des années passées dans la routine ou que nul évènement n'a égayées paraissent interminables. Il devrait en être ainsi, mais cela n'est pas. Ce sont les années mornes qui ne laissent pas de traces. Une période d'action où s'inscrivent les blessures du drame ou des craquelures de la joie laisse une impression de temps dans la mémoire, car il faut du temps pour se remémorer ce qui a marqué cette période. Les évènements servent de points de repère pour la mémoire. D'un point à un autre, il y a du temps passé. De rien à rien, il n'y a qu'un espace vide.
Peut être sont-ils trop riches. J’ai remarqué qu’il n’y avait pas de pire insatisfaction que celle du riche. Gavez un homme, cousez d’or ses vêtements, installez-le dans un palais, et il mourra de désespoir.