Citations sur Lockwood & Co., tome 1 : L'escalier hurleur (23)
L’intrus paraissait aveuglé par la lampe. Il leva le bras pour se protéger de la lumière.
– Oui, très bien, dit Lockwood. Les mains en l’air.
Le bras s’abaissa. Vers la rapière suspendue à la ceinture.
– On est trois contre un, souligna Lockwood.
Un bruissement métallique : il avait dégainé son arme.
– Soit, dit Lockwood.
Je le secouai fermement et le giflai.
– Réveille-toi, George ! George, je t’en supplie…
Un œil s’ouvrit.
– Ouille ! Cette joue était le seul endroit où je n’avais pas mal.
Un peu plus tôt, il promettait d’incinérer le médaillon. Soudain, c’était la solution à tous nos problèmes. Un peu plus tôt, il me passait un savon. Maintenant, j’étais la prunelle de ses yeux. C’était ainsi avec Lockwood. Ses sautes d’humeur étaient parfois si brutales que vous en aviez le souffle coupé, mais impossible de résister à son énergie et à son enthousiasme.
- Imaginez un peu qu’il ait oublié sa canne et qu’il soit obligé de revenir à toute vitesse pour la récupérer ? dit George. Ça gâcherait son effet, non ?
Ni Lockwood ni moi ne répondîmes. Maintenant que l’écho s’était tu, le silence impatient de la maison montait pour nous engloutir comme l’eau d’un puits.
Quelque chose m’avait retenue, quelque chose me tenait fermement. Et me ramena sur les dalles de pierre, à l’écart du danger.
Lockwood. Avec son visage hâve, ses cheveux en bataille, son long manteau déchiré et taché. Le sang coulait sur le col de sa chemise. Il resserra l’étau de ses bras autour de ma taille et m’attira vers lui.
- Non, Lucy, me dit-il à l’oreille. Non. Ça ne se passera pas comme ça.
- Je ne suis pas certaine que George partage cet avis, dis-je.
- Oh, lui aussi pense que vous sortez du lot. Il a été très impressionné par votre prestation lors de l’entretien.
Je repensai aux reniflements et aux bâillements émis par George et à son attitude ombrageuse ce soir.
- C’est sa façon d’exprimer son approbation ?
- [...] Le passé, c’est pour les fantômes. On a tous fait des choses que l’on regrette. Ce qui compte, c’est ce qui nous attend… Pas vrai, George ?
Il donna un grand coup de volant pour éviter un nid-de-poule et je me retrouvai de nouveau couchée sur les genoux de George. Celui-ci me toisa.
- Tu veux un coup de main ? Tu peux rester là si c’est plus facile.
Quand on pénètre dans une maison occupée par un Visiteur, il est toujours préférable de faire vite. C’est une des premières règles que l’on apprend : ne jamais hésiter, ne pas s’attarder sur le seuil.
– Oh, mademoiselle Carlyle.
Il se leva d’un bond et m’adressa un chaleureux sourire.
– Entrez donc, je vous en prie. Asseyez-vous où vous voulez, en évitant toutefois ce fauteuil marron dans le coin. C’est celui de Georges, et je crains qu’il n’ait la sale manie de s’y vautrer en caleçon. J’espère qu’il va y mettre fin, maintenant que vous êtes ici. Mais n’ayez pas peur, il ne viendra pas ce soir, il est déjà couché.