Citations sur Je m'appelle Lucy Barton (66)
A la maison, nous n'avions ni télévision, ni journaux, ni magazines, ni livres. dans l'année qui avait suivi leur mariage, ma mère avait travaillé à la bibliothèque municipale. Apparemment, comme l'a appris mon frère par la suite, elle adorait les livres. Mais, un jour, des gens ont dit à ma mère que le règlement de la bibliothèque avait changé et qu'il fallait posséder un diplôme pour y travailler. Elle ne les a pas crus. Elle a cessé de lire, et plusieurs années ont passé avant qu'elle s'inscrive à une autre bibliothèque d'une autre ville et recommence à rapporter des livres à la maison. Je mentionne cette histoire parce qu'on se demande souvent comment les enfants prennent conscience de ce qu'est le monde et de la façon de s'y comporter. (p. 20)
La solitude est le premier goût que m'a laissé la vie, et il ne m'a jamais quittée, toujours tapi dans les.interstices de ma bouche, comme un rappel.
J'ai la sensation que les gens pourraient ne pas comprendre que ma mère n'a jamais pu dire les mots "je t'aime". J'ai la sensation que les gens pourraient ne pas comprendre que ça n'était pas grave. (p. 148)
L'existence semble tellement reposer sur des spéculations.
Et je me promettais qu'une fois sortie de l'hôpital, je ne marcherais plus jamais dans la rue sans être emplie de reconnaissance à l'idée de faire partie de ces gens.
"Maman, quand tu écris un roman, tu peux toujours le réécrire, mais quand tu vis avec quelqu'un pendant vingt ans, c'est un roman que tu ne pourras jamais réécrire avec quelqu'un d'autre !"
Sans doute me suis-je tue parce que, comme si souvent dans ma vie, j'ai préféré passer sous silence les erreurs des autres que ne sont même pas conscients de leur indélicatesse. J'agis ainsi, je crois, parce que très souvent j'ai été dans le même cas. J'ai le pressentiment, même aujourd'hui, que je me suis souvent mise dans des situations embarrassantes, et cette impression me renvoie toujours à l'enfance, à ces pans entiers de connaissance du monde qui me faisaient défaut et n'ont jamais pu trouver leur place.
Lors de la petite fête de notre mariage, elle a dit à une amie : "Voici Lucy" . Et, sur un ton presque amusé, elle a ajouté : "Lucy vient de rien ". Je ne me suis pas vexée et, sincèrement, je ne me vexe toujours pas. Mais je pense : dans ce monde, personne ne vient de rien. (p. 163)
Votre histoire parle d'amour, vous le savez bien. C'est l'histoire d'un homme qui, tous les jours de sa vie, a été tourmenté par ses actions pendant la guerre. C'est l'histoire d'une femme qui est restée avec lui, parce que c'est ainsi que se comportaient la plupart des femmes de sa génération, et qui vient voir sa fille à l'hôpital.
J'étais vraiment perdue. Je n'arrivais pas à faire taire mon sentiment de panique, comme si la famille Barton, ses cinq membres - si déséquilibrés que nous ayons pu être -, formait une structure au-dessus de ma tête dont je n'avais jamais eu conscience avant qu'elle soit détruite. (...) Je me répétais que, tous les cinq, nous avions vraiment formé une famille malsaine, mais je voyais aussi combien nos racines étaient farouchement entremêlées autour de nos cœurs. Mon mari disait : 'Mais tu ne les aimais même pas.' Et, après cette remarque, je me sentais particulièrement effrayée.
(p. 160)