Pour qui aime la poésie, la découverte d'une nouvelle voix singulière, douce et forte à la fois, est un vrai plaisir.
Quand « Entre la page et les yeux / La tendre vigilance du poème » émeut, que les vers courts, cadencés, subtilement enchaînés les uns aux autres, déclenchent une réaction et ouvrent un espace inconnu mais néammoins évident : c'est très bon signe, signe que la magie opère. Ainsi m'est apparue L'insoupçonnée, la poésie de Muriel Stuckel :
« Quand les mots secouent
Les limites de la pensée »
ou « Sous le masque univoque des mots
S'enivrer du sens multiple »
Ce recueil est tout simplement très beau.
Douceur sensuelle de l'épais papier glacé qui accueille vingt reproductions pleine page de peintures abstraites de Laurent Reynès - Camaïeux de bleu griffés de blanc.
Poésie intime regroupée en six suites de poèmes ponctués de fragments de silence de l'auteur, respirations nécessaires peut-être pour apprivoiser l'espace de cette poésie et laisser infuser la réflexion personnelle.
« Le silence nous dévisage »
« Aux confins du silence
La poésie palpite
Chair du temps qui danse »
Et le magnifique
« Dans les failles de la phrase
Les yeux du silence s'infiltrent »
Ce recueil invite au voyage immobile, au dialogue visuel entre poésie et peinture, et même entre poètes. De nombreuses citations de grandes voix poétiques émaillent le recueil : Octavio Paz, Marina Tsvétaïéva, Adonis, Rilke, pour ne citer que mes préférés - Frissons de mémoire.
Un plaisir, je vous dis, de découvrir cette voix d'encre !
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Laisse le souffle de l’insoupçonnée
Te faire advenir dans le rythme des mots
Qui s’empressent sur la feuille bruissante
Là au seuil de l’émergence
Quand l’aube replie ses voiles
laisse le souffle de l’insoupçonnée
Te faire accéder à l’abandon de toi-même
Aux confins de ta source profonde
Où se disent les noces de l’eau et du feu
Proches de l’impétueuse transparence
Puisse le souffle de l’insoupçonnée
T’amener à l’incandescence
Des mots les plus enfouis
Avant qu’ils ne se fissurent
Sous l’imminence du chaos
Qui les dilapidera dans le néant
Une fois la ténébreuse recommencée
Femme nue femme bleue
à Pablo Picasso
pour sa Joie de vivre ou Antipolis
Tout au bord de notre vue
Une femme nue danse
Femme bleue qui jubile
Se balance d’idylle en idylle
Femme nue qui se délie
Femme bleue qui s’envole
S’auréole de musique
Femme nue qui se débride
Femme bleue qui s’emballe
Belle néréide folle spirale
Femme libre dont l’oeil pétille
La mer est ton miroir
Toi l’azur qui palpites
Au creux de notre mémoire
Quand des gouttes de lune
Nous éclaboussent les yeux
De blêmes étoiles
Nous cambrent l’âme
Rêvant d’une partition
De notes improbables
Seule une ligne de faille
Creuse notre désir d’infini
Comment ne pas s’affranchir
De ces notes de lune
Qui nous tourmentent l’ouïe ?
Dans la gravité du temple
Sous la majesté de l’archet
Le violoncelle pense
Se dit le poète
Jusqu’à l’extrême du silence
Entre la page et les yeux
Le tango du silence
Chuchote son rythme
Langoureux
Les mots s’en libèrent
Tissant leur éparpillement
Jusqu’aux nuages
Dans le ciel souverain
Où s’incrustent leurs éclats
Entre la page et les yeux
La tendre vigilance du poème
Pierre ciselée d’azur
Notre désir d’infini
Qui s’élève se pare
De ciels vagabonds
Où le goût de l’absolu
N’est qu’une intuition