Probablement un de mes poètes préférés, découvert ces dernières années. Ses poèmes sont des fables, presque des paraboles. Dans des vers accessibles, il invite le lecteur au dialogue.
Dans Débarcadères, il apparaît en poète du voyage, nous nourrissant d'exotisme et de sensualité. L'homme se confronte à la nature. Celle-ci, brute, immuable et physique, rend l'homme petit, fragile, contingent, dérisoire....
Dans
Gravitations, presque surréaliste, mais pas tout à fait, il nous donne à voir un monde apparemment léger, évoquant les oiseaux, les nuages, les nuits étoilées, tout en s'appuyant sur les connaissances scientifiques de son temps.
Mais s'en tenir là serait méconnaître la profondeur de son exploration poétique, déformant le réel. Sous des dehors humoristiques et malicieux,
Jules Supervielle introduit le paradoxe, brouillant, dans une expression qui reste simple, le sens habituel des image et des mots... ce faisant, il nous fait toucher du doigt, avec modestie et lucidité, la réalité toute relative des choses. A sa lecture, on entre en méditation.
Partir, pour mieux se retrouver... à travers le voyage,
Jules Supervielle nous invite en fait à une quête intérieure et spirituelle. le but n'est pas le voyage en soi, mais le fait de s'embarquer. Paradoxe..., l'homme se met à rêver, et cette confrontation se révèle alors passage immobile, "débarcadère" , vers plus grand; Alternant vers réguliers et libres, il semble hésiter, pris dans la houle, questionnant l'univers..
Rien de cérébral dans cette exploration, qui s'appuie cependant sur une bonne connaissance scientifique. Il nous livre des clés, mais c'est à chacun d'interroger son être intérieur, après avoir laissé son ego gisant su rla bastingage. Sa démarche fait penser au questionnement des maîtres bouddhistes : sans rien forcer, partant des situations matérielles vécues par chacun, il nous amènent à toucher avec le coeur les ressorts cachés de nos actes, de la vacuité, le sens des choses au-delà des sens.
Dans
Gravitations aussi, l'espace et le temps perdent leurs amarres. Dans une démarche métaphysique que je rapprocherais de celle de Miro, il nous extrait des lourdeurs de ce monde sot disant "réel", tout en lui conservant l'empathie due à l'humanité . Cette démarche génère une certaine angoisse, car "graviter" c'est aussi se rapprocher de la mort, et s'extraire, c'est s'interroger sur le vide, le néant, et perdre tout repère, comme dans le voyage.
Mais au final la poésie de
Supervielle reste fraîche et optimiste, nous rassure, transcende les angoisses et difficultés, comme autant d'apparences vaines, et invite à une quête d'absolu, non par la connaissance mais par l'observation méditative d'un nuage, d'un oiseau, d'une nuit étoilée.
Supervielle, dans cette exploration du cosmos, qui confronte l'homme à ses peurs, est le poète-guide que je choisirais, plutôt que le surréalistes, Réda ou
René Char ; car il le fait avec douceur et légèreté, avec une retenue et une simplicité, qui ne nuisent pas au double-sens des images et des mots, que chacun peut ainsi assimiler à son rythme.