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Citations sur L'or du temps (8)

Chez Simenon, il n'y a que des victimes, y compris les criminels. Le monde les écrase tous, les broyant dans des structures mauvaises, qui ne sont pas réformables et qui leur ont faussé l'esprit et le coeur. On le voit à ce détail que tous, du clochard au bourgeois, habitent en termites des bâtiments trop grands pour eux, qu'il s'agisse des maisons de Samois, du château de Saint-Fiacre ou même sous un pont par-dessus la Seine. Simenon a dû faire cette expérience [...] Lui aussi a dû souffrir de ces vêtements trop grands. Il en est resté cet homme nu, qui est aussi celui des Pères du désert, l'espoir d'un salut, jamais évoqué, promis à nos destinées d'insectes, dont les trajets se perdent dans le noir de la mort, une oeuvre immense et la présence à nos côtés du commissaire Maigret.

[François SUREAU, "L'Or du Temps", récit, Gallimard, 2020 - page 127]
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La Seine est le fleuve sur le bord duquel j’aurai passé l’essentiel de ma vie. Je me suis aperçu très tard que cette mince coulée grise et verte formait le centre d’un territoire mi-parti, réel et imaginaire, dont je n’avais cessé de vouloir déchiffrer le secret. Car je suis sûr qu’il y a un secret. Je le pressentais déjà au sortir de l’enfance, jouissant d’un monde que la mort – celle des autres ou la mienne – ne bornait pas.(p.17)
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[ Sur Vauquelin des Yveteaux, poète excentrique , mort en 1649 ]
Il avait été un homme comme je les aime, du moins lorsque je suis d'humeur pluvieuse: ayant connu le monde du pouvoir, l'ayant jugé, l'ayant quitté sans phrases, sans reproches inutiles, sans amertume.
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En 1980, un petit groupe d’élèves de l’École nationale d’administration se réunissait chaque semaine rue de l’Université pour y étudier le droit des étrangers, sous la houlette d’un conseiller d’État nommé Combarnous, qui devait plus tard devenir le président de la section du contentieux, c’est-à-dire le premier juge administratif français. J’étais l’un d’entre eux.
Combarnous ne prêtait pas à rire et l’on ne pouvait discerner chez lui la moindre trace d’emballement sentimental. On peut voir son portrait au mur de cette salle dite du casino où sont rangées, au Palais-Royal, les gloires du passé. Quant à ses élèves, ils se distinguaient par l’ironie propre à cet âge, sous laquelle chacun cachait tant bien que mal l’ambition de parvenir très vite à de hautes fonctions dans l’État. Autant dire que personne ne se levait, ni même n’était appelé par Combarnous à le faire, lorsque le groupe recevait les hiérarques administratifs dont il avait sollicité le témoignage, préfets, magistrats, directeurs de cabinet ou d’administration centrale. Vint le jour où ces quinze élèves attendaient, assis et bavardant, l’arrivée d’un ancien conseiller d’État, devenu avocat à la cour, et dont le nom ne disait rien à personne. Ce n’était pas un homme en place. Il n’occupait aucune position de pouvoir. Il leur était indifférent. M. Combarnous arriva un peu en avance et dit, d’un ton inhabituellement grave : « Quand M. Mangin arrivera, je vous prierai de vous lever. » Un élève posa une question à laquelle il fut simplement répondu. M. Combarnous répéta : « Je vous prierai de vous lever. »
Les élèves étaient debout quand M. Combarnous fit entrer un homme d’une soixantaine d’années, qui ne portait aucune décoration et les remercia avec simplicité pour leur accueil et, sans attendre, leur parla des étrangers en France d’une voix qui tranchait sur ce qu’ils avaient l’habitude d’entendre.
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Et, comme un visiteur sans doute à son premier voyage, alors que j’étais né là, je me réjouissais d’être ainsi roulé comme un caillou dans ce fleuve sans fin.
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Ainsi pouvais-je penser que Bagramko, si nous eussions parlé de ces choses, n'eût pas pu me comprendre tout à fait, sauf dans la mesure bien sûr où il se fût senti exilé à la fois de sa patrie historique et d'une patrie personnelle, de même nature que la mienne. A le suivre de loin, à distance du temps, il m'a du moins fait passer à cet état de conscience sinon supérieur, du moins pour moi désormais inaltérable, où j'accepte ce qui à la fois m'attache à mon pays et m'en détache, et où je trouve dans ces liens, sans cesse noués et dénoués, comme la préfiguration des derniers moments de la vie, ceux où l'on se rapproche de la rencontre décisive qui marque le retour à la seule patrie véritable, à l'égard de laquelle ma curiosité n'a fait que croître au fur et à mesure que les années passaient.
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Au 55 de la rue du Faubourg-Saint-Honoré s’élève un palais de cocotte, à peine rédimé par le cérémonial gendarmesque, dont les occupants, sauf peut-être le général de Gaulle, auront disparu de la mémoire des hommes quand Babar y promènera toujours sa lourde silhouette familière. Ce serait à ce roi que pensent les Français lorsqu’ils élisent un président pour leur République, et lorsque peu de temps après ils s’en lassent. Tel est le sujet, qui n’est incongru qu’en apparence, des développements que vous allez lire.
Les historiens pèsent au trébuchet les conséquences du régicide, et regardent, chacun selon son point de vue, le « fauteuil vide du roi ». Ce fauteuil vide suscite autant de bêtises attendues que ses « deux corps », dont la théorie, à la supposer utile, ne sert plus aujourd’hui qu’à décrire un président suant sur son vélo. Les Français, dit-on, cherchent toujours un monarque. Ils seraient animés par le regret d’avoir mis le leur à mort par hasard, alors que personne ne voulait « la République », malgré les fortunes de la mode à l’antique, à la romaine, les dingueries de Rousseau et l’exotique popularité de ce trublion rural de Washington. Ils erreraient depuis de Charles X en Louis Napoléon, de De Gaulle en Mitterrand, et pire encore, dans l’espoir toujours déçu de renouer autour du front d’un seul homme le fil de leur propre histoire. S’expliqueraient ainsi les grandes façons des impétrants, leurs costumes de scène, leurs amies, leurs vies secrètes, leurs manies ridicules, leurs lieux de prédilection, Colombey et Solutré. Le goût du roi, c’est le pont aux ânes du commentaire politique français. Il n’est pas, à cette aune, jusqu’à l’incessante évocation de la République qui n’apparaisse suspecte, comme le prêche contre l’alcoolisme d’un imam saoudien tenté par la bouteille.
C’est faute d’avoir exactement mesuré l’importance, au vrai souterraine, du mythe fondateur de toute politique française qu’on se laisse prendre aux charmes de ces analyses évidemment superficielles. Et ce mythe est celui du roi Babar.
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Un territoire aménagé, un lac au sommet du palmarès européen, un passé conservé dans la vase, des secouristes et leurs bêtes, des préfets attentifs, des ministres en visite, et tout cela entouré de l'indifférence générale, la région du Der est le cœur secret de la France administrative.
Il ne manque sur ses bords qu'une résidence d'écrivains. Ils y seraient placés là quatre ou cinq, de toutes sortes, encouragés par les circulaires et l'argent public.
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