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Citations sur De la mort sans exagérer : Poèmes 1957-2009 (39)

QUATRE HEURES DU MATIN

Heure de la nuit au jour.
Heure du flanc droit au gauche.
Heure pour avant la trentaine .

Heure vite balayée avant le chant des coqs .
Heure où la terre semble nous renier.
Heure où nous glace le souffle des étoiles éteintes.
Heures de qu'est-ce-qui-pourra-bien-rester-de-nous.

Heure vide,
sourde, aride.
Fond du fond de toutes les autres heures.

Personne n'est vraiment bien à quatre heures du matin.
Si les fourmis sont bien à quatre heures du matin
bravo les fourmis. Mais que viennent vite cinq heures
si tant est que nous devons survivre.
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Voilà du prêt-à-vivre.
Pièce sans répétition.
Corps sans essayage.
Tête sans réflexion.

J'ignore le rôle qu'on me fait jouer.
Je sais seulement qu'il est à moi, non échangeable.

De quoi parle la pièce, je n'ai pas d'autre choix
que de le deviner une fois sur scène.
(Extrait de "Prêt à vivre")
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UTOPIE

L’île où tout trouve enfin une bonne explication.
Ici on peut se fonder sur des preuves solides.
Point de chemin autres que ceux qui touchent au but.
Les buissons plient sous le poids des réponses.

C’est ici que pousse l’arbre de la Juste Hypothèse
aux branches démêlées depuis l’éternité.
L’arbre de Compréhension, lumineusement simple
s’élève près d’une source nommée Alors C’est ça.
Plus on avance, et plus vaste s’ouvre
la Vallée de l’Évidence.

Si un doute subsiste, le vent le chasse tout de suite.
L’écho prend la parole sans qu’on le lui demande
livrant avec ferveur les arcanes du monde.
A droite, la caverne où se reflète le sens.
A gauche, le lagon de Conviction Profonde.
La vérité remonte sans peine à la surface.
Au dessus du vallon, le Mont des Certitudes.
De son sommet s’étend la vue du Fond des Choses.

En dépit de ses charmes, l’île est toujours déserte,
et les traces des pas qu’on trouve sur le rivage
se dirigent toutes, sans exception, vers le large.

Comme si l’on ne faisait que repartir d’ici
pour plonger sans retour dans les abysses marins.

Dans la vie inconcevable.
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ICI 2009



EXEMPLE

La tempête
arracha cette nuit toutes les feuilles de mon arbre,
sauf une
orpheline
pour qu'elle se dodeline sur la branche toute nue.

À travers cet exemple
la force brute annonce
que parfois, pourquoi pas,
elle aussi a le droit de rigoler un coup.

p.297
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CONVERSATION AVEC LA PIERRE

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je veux pénétrer ton dedans,
y jeter un coup d'oeil,
te respirer à fond.

- Va-t-'en, dit la pierre.
Je suis fermée à double tour.
Même brisée en mille morceaux,
nous serons encore fermés.
Même broyés en poussière,
nous ne laisserons entrer personne.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je viens par pure curiosité.
La vie en est l'unique occasion.
Je tiens à me promener dans ton palais,
avant de visiter la feuille et la goutte d'eau.
Pour tout cela j'ai vraiment peu de temps.
Ma mortalité devrait t'émouvoir.

- Je suis de pierre, dit la pierre.
Je suis bien obligée de garder mon sérieux.
Va-t-'en, je n'ai pas de zygomatiques.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
On me dit qu'il y a en toi des salles grandes et vides, jamais vues, aux beautés qui s'épanouissent en vain, sourdes, où aucun pas ne retentit jamais.
Avoue que tu n'en sais pas beaucoup plus que moi.

- Des salles grandes et vides, je veux bien,dit la pierre, mais de place il n'y en a guère.
Belles, peut-être, mais hors d'atteinte
de tes six misérables sens.
Tu peux me connaitre, mais m'éprouver jamais.
Toute mon apparence te regarde en face,
mais ce qui est dedans te tourne à jamais le dos.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je ne cherche pas en toi un éternel refuge.
Je ne suis pas malheureuse.
Je ne suis pas sans abri.
Le monde qui est le mien mérite qu'on y retourne.
Je te promets d'entrer et sortir les mains vides.
Et pour preuve de ma présence véritable en ton sein
je n'avancerai que des paroles
auxquelles personne n'ajoutera foi.

- Tu n'entreras pas - dit la pierre.
Il te manque le sens du partage.
Aucun sens ne remplace le sens du partage.
Même la vue affûtée jusqu'à l'éblouissement
ne te serait d'aucun secours sans le partage.
Tu n'entres pas, tu n'as que le désir de ce sens,
que son germe, son image.

Je frappe à la porte de pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je ne puis attendre deux mille siècles
pour pénétrer sous ton toit.

- Si tu ne me crois pas, dit la pierre,
va voir la feuille, elle t'en dira de même.
Ou la goutte d'eau qui le confirmera.
Tu peux même t'adresser à un cheveu de ta tête.
Je sens monter en moi un grand éclat de rire,
un rire immense, que je ne sais pas rire.

Je frappe à la porte de pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.

- Je n'ai pas de porte, dit la pierre.
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LA HAINE

Toujours prête à lancer une nouvelle entreprise.
Mais s'il lui faut attendre d'accord, elle attendra.
On dit qu'elle est aveugle. Vous voulez rire - elle ?
Avec ses yeux de sniper ? Intrépide,
elle regarde l'avenir en face.
Elle seule.
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Né.
Ainsi donc, lui aussi, né.
Né comme tout le monde.
Comme moi qui mourrai.
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CENT BLAGUES 1967


MOUVEMENT

Toi tu pleures, eux ils dansent.
Eux ils dansent dans ta larme.
Eux ils jouent, eux ils s'amusent,
eux, n'en savent rien du tout.
On dirait, miroirs scintillent,
on dirait, bougies grésillent.
Est-ce arcades, balustrades ?
Manches blanches, gestes lestes ?
Deux H fricotent avec O.
Coquins chlorure et sodium.
Danse en rond, azote fripon.
On remonte, on redescend,
sous la coupole virevoltant.
Toi tu pleures, ça leur plaît.
Eine kleine Narchtmusik,
Qui es-tu mon joli masque.

p.103

joli et masque vont-ils encor de pair
ou sont-ils devenus un oxymore dan-
gereux en cette trouble période ?
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Options


Extrait 1

J’aime mieux le cinéma.
J’aime mieux les chats.
J’aime mieux les chênes de l’autre côté.
J’aime mieux Dickens que Dostoïevski.
Je m’aime mieux moi-même aimant bien les humains
que moi-même aimant l’humanité.
J’aime mieux avoir sur moi une aiguille et du fil.
J’aime mieux la couleur verte.
J’aime mieux ne pas affirmer que la raison est coupable de tout.
J’aime mieux les exceptions.
J’aime mieux sortir plus tôt.
J’aime mieux, chez les médecins, parler d’autre chose.
J’aime mieux les vieilles images, toutes rayées.
J’aime mieux le ridicule d’écrire des poèmes
que le ridicule de ne pas en écrire.
J’aime mieux, en amour, des anniversaires pas ronds
à fêter tous les jours.
J’aime mieux les moralistes
qui ne me promettent rien.
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Né.
Ainsi donc lui aussi, né.
Né comme tout le monde.
Comme moi qui mourrai.

Fils d'une vraie femme.
Venu du fond du corps.
Voyageur vers l'oméga.

Menacé de sa propre absence
de partout
à chaque instant.
[...]
Et ses mouvements
sont des esquives
devant l'universelle sentence.
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