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Citations sur De la mort sans exagérer : Poèmes 1957-2009 (39)

PROSPECTUS

Je suis un tranquillisant
J'agis en appartement
Efficace au bureau
Je passe les examens
Je témoigne au procès
Je recolle les pots cassés
Prends-moi seulement
Mets-moi sous la langue
Avale-moi seulement
Avec un verre d'eau.

Je sais y faire avec les malheurs
Traiter les mauvaises nouvelles
Réduire l'injustice
Eclairer l'absence de Dieu
Choisir un chapeau de deuil très seyant.
Qu'est-ce que tu attends -
Fais confiance à la pitié chimique.

Tu (vous) es (êtes) encore jeune(s).
Il faut bien te (vous) faire une raison
A-t-on jamais dit
Qu'on doit vivre sa vie avec courage ?

Passe-moi ton abîme
Je t'y ferai un lit.
Tu me seras reconnaissant(e)
Pour ces quatre pattes de chat.

Vends-moi ton âme.
Nul autre acheteur ne passera.

C'est le seul diable qui reste.
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IMPRESSIONS THEATRALES

Pour moi, de toute la tragédie, rien ne vaut l’acte six.
Les morts ressuscitant après la bataille,
les perruques repeignées, les robes époussetées,
les couteaux arrachés des cœurs,
les nœuds coulants desserrés,
les morts et les vivants en rangs bien ordonnés,
face au public.

Saluts individuels et collectifs :
main blanche sur le cœur qui saigne,
la révérence de la suicidée,
le hochement de la tête coupée.

Salut par deux :
la fureur main dans la main avec la bonté
la victime l’œil tendrement plongé dans celui du bourreau
le rebelle sans rancune avance près du tyran.

La pantoufle dorée piétine l’éternité,
moralité pesante qu’on chasse d’un coup de chapeau,
le zèle incorrigible de recommencer demain.

Les morts en rang par deux qui nous reviennent plus tôt,
après le troisième acte, entre les deux derniers.
Miraculeux retour d’éternels disparus.

La pensée qu’en coulisses ils attendaient leur tour,
sans toucher aux costumes, sans effacer le fard,
tout cela me bouleverse bien mieux que les tirades.

Et le rideau qui tombe est une élévation.
Tout ce qu’on entrevoit sous la frange fuyante :
la main qui précipitamment saisit la fleur,
où l’autre qui s’empare du glaive abandonné.
Et c’est alors seulement qu’une troisième main
invisible, fait son office
me prenant à la gorge.
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FIN ET DÉBUT 1993



CIEL
Extrait 4

Le diviser en Ciel et Terre
n'est pas la façon idoine
d'appréhender ce Tout.
ça permet juste de survivre
à une adresse plus précise,
plus facile à trouver,
si jamais on me recherche.
Mes traits particuliers :
admiration et désespoir.

p.228
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CENT BLAGUES 1967



ACROBATE

D'un trapèze à
à l'autre trapèze, dans le silence après
après le tambour soudain silencieux, à travers
à travers l'air encore surpris, plus rapide que
que le poids du corps qui, à nouveau,
à nouveau, n'eut pas le temps de tomber.

Seul. Ou alors moins encore que seul,
moins parce qu'infirme, parce qu'à défaut
à défaut d'ailes, défaut énorme,
défaut qui le contraint
aux survolées honteuses sur son attention nue,
son attention déplumée.

Laborieusement léger,
et patiemment agile,
fruit d'une inspiration très calculée. Regarde
comme il s'est embusqué avant l'envol, sais-tu
à quel point il conspire de la tête jusqu'aux pieds
comme celui qu'il est, sais-tu, oh ! vois-tu comme
il se faufile, rusé, à travers son image,
et, pour reprendre en main le monde qui se balance,
il tend ses bras tout neufs, tout juste nés du corps ‒
plus beaux que tout maintenant, en cet unique instant,
instant qui, par ailleurs, n'est plus que du passé.

p.99-100
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Né.
Ainsi donc, lui aussi, né.
Né comme tout le monde.
Comme moi qui mourrai.

Fils d'une vraie femme.
Venu du fond du corps.
Voyageur vers l'oméga.

Menacé
de sa propre absence
de partout
à chaque instant.

Et sa tête
c'est la tête contre le mur
complaisant jusqu'à nouvel ordre.

Et ses mouvements
sont des esquives
devant l'universelle sentence.
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Options


Extrait 2

J’aime mieux la bonté rusée à celle un peu trop crédule.
J’aime mieux la terre en civil.
J’aime mieux les pays conquis que conquérants.
J’aime mieux avoir des objections.
J’aime mieux l’enfer du chaos que celui de l’ordre.
J’aime mieux Charles Perrault que les unes des journaux.
J’aime mieux les feuilles sans fleurs que les fleurs sans feuilles.
J’aime mieux les chiens à la queue non coupée.
J’aime mieux les yeux clairs car les miens sont foncés.
J’aime mieux les tiroirs.
J’aime mieux beaucoup de choses que je n’ai pas citées,
que beaucoup d’autres choses que je n’ai pas citées.
J’aime mieux les zéros en vrac
que les zéros en file d’attente derrière un chiffre.
J’aime mieux le temps des insectes que le temps des étoiles.
J’aime mieux toucher du bois.
J’aime mieux ne pas demander combien de temps encore, ni quand.
J’aime mieux prendre en compte jusqu'à cette hypothèse
que l’existence aurait une raison quelconque.
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Quelqu’un, balai à la main



Quelqu’un, balai à la main,
se souvient comment c’était.
Un autre écoute, en hochant
la tête, toujours à sa place.
Mais près de ces deux-là
tournent déjà quelques autres
que ces histoires embêtent.

Parfois encore quelqu’un
déterre sous un buisson
de vieux arguments rouillés,
qu’il jette sur le tas d’ordures.

Ceux qui sont au courant
du pourquoi du comment
céderont bientôt la place
à ceux qui en savent peu.
Puis à ceux qui en savent prou.
Et enfin, rien du tout.

Dans l’herbe qui a poussé
sur les causes et sur les effets
il faut entendre quelqu’un qui se couche
un épi entre les dents
à regarder les nuages.


/ Traduction du polonais par Piotr Kaminski
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Quelqu’un doit traîner la poutre



Quelqu’un doit traîner la poutre
qui calera le mur.
Quelqu’un doit remplacer
et regonder la porte.

C’est pas photogénique,
et ça prend des années.
Toutes les caméras sont déjà
parties voir une autre guerre.

Il faut des ponts encore,
et des gares à nouveau.
Les manches seront en lambeaux,
tant on les retroussera.



/ Traduction du polonais par Piotr Kaminski
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C'est pour cela que je tiens en si haute estime ces quelques petits mots : "Je ne sais pas ". Petits, mais aux ailes puissantes. Ouvrant notre vie sur les espaces que nous portons en nous-mêmes, et sur ceux où l'on a suspendu notre pauvre terre.
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D’un regard il me fit plus belle,
et je pris cette beauté sans remord.
Heureuse, j’avalai une étoile.
[…]
Quand il ne me regarde plus
En vain je cherche mon reflet
sur le mur. Et je vois
qu’un clou, nu, et sans tableau.
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