Je suis seul sur cette paroi, comme si tout le reste de l'humanité avait disparu.
Les mélèzes étaient d'un jaune éclatant.
On aurait cru la montagne entièrement embrasée.
(Extrait du journal de Habu)
Au-dessus, il n'y avait plus de neige sur la paroi, mais de la glace aussi lisse que du verre.
Il m'a semblé que c'était le temps qui s'était écoulé dans les Grandes Jorasses depuis des centaines, des milliers d'années qui se cristallisait à la surface de la roche sous la forme de cette glace si pure.
Il paraît que s'endormir, c'est mourir. Je ne sais pas si c'est vrai.
Pas possible de tester.
Si je meurs, je ne le saurai pas.
(Habu, seul attendant les secours)
Je n'abandonnerai jamais la montagne.
De nombreux facteurs entrent en jeu pour qu’un alpiniste puisse fouler un sommet de plus de 8000 mètres. Le premier d’entre eux est bien sûr d’être sélectionné pour faire partie d’une expédition. Ensuite vient l’endurance. Puis la santé. Aussi fort et résistant qu’il soit, celui dont l’organisme ne s’adapte pas à l’altitude n’a aucune chance. La plus solide des volontés ne peut rien contre ça. Viennent ensuite les blessures. Et puis la confiance et l’estime des autres membres de l’expédition, autrement dit, les relations humaines.
Je me vois accroché comme une vulgaire poussière au milieu de cette immense paroi qui s’étend à l’infini. Je suis là, seul, coincé entre le ciel et la terre. […] Le ciel étoilé est resplendissant. Toute la chaleur de la terre s’envole vers les cieux. Je peux sentir la montagne toute entière se refroidir, je l’entends crisser.
Je suis tombé. Le choc m'a réveillé. J'étais à nouveau suspendu dans le vide. Au début, je me suis trompé de côté. J'ai tendu ma main et ma jambe pour essayer d'atteindre la paroi, mais il n'y avait que le vide. Pourquoi me suis-je trompé ? Sûrement parce qu'il faisait noir. Et puis parce que je suis exténué. Je n'ai plus de forces. Si je tombe encore une fois, je ne pourrai plus remonter. J'ai peur. Peur de mourir. Il ne faut pas abandonner. Surtout pas.
C'est en solitaire que la montagne prend tout son sens.
C'était toujours comme ça.
Toujours.
Il tournait en rond sans parvenir à fixer sa résolution...
Et il finissait par se retrouver confronté à une décisio, qui ne venait pas de lui.
Tout le reste de sa vie...
Il allait devoir supporter le poids de décisions qu'il n'avait su prendre.