Elle me dépassait de quelques centimètres, et de plus, les femmes qui sont belles, même si elles n'ont pas l'intention de se vanter de leur apparence, se révèlent tout de même par leur comportement sûres d'elles, à moins que ce ne soit qu'une impression chez quelqu'un qui, comme moi, est intimidé.
Elle se prenait pour la beauté du siècle, elle était orgueilleuse et elle était triste s'il n'y avait pas quelqu'un prêt à l'adorer. Elle pensait que c'était pour elle déchoir que de faire le premier pas.
Jusque-là, je m’agitais et je saisissais toutes les occasions de sortir pour un concert ou autre, mais depuis que vous m’aviez reçue, Monsieur, j’avais changé du tout au tout, et je passais mes journées chez moi à peindre ou à faire des exercices de piano, ce que mon mari commentait ainsi :
— Depuis quelque temps, tu es devenue plus féminine.
Chapitre 1, p7
Et puis, aimer un homme en cachette de mon mari aurait été mal, mais quelle importance qu'une femme s'éprenne d'une autre femme ? Un mari n'a pas le droit de critiquer l'intimité qui se développe entre deux femmes. C'est avec ce type d'arguments que je me berçais d'illusions.
Chaque fois que nous nous croisions, j'avais instinctivement tendance à m'approcher d'elle, mais elle ne paraissait absolument pas s'apercevoir de ma présence. Elle marchait d'un pas rapide et l'air gagnait même en pureté à son passage.
Elle était émouvante dans sa beauté. Elle m’a fait de la peine, mais en découvrant sa peau blanche et sa chair pulpeuse à travers la déchirure du drap, j’ai été prise du désir de le lacérer plus cruellement encore et j’ai bondi vers elle pour l’arracher avec brutalité. J’étais saisie d’un tel élan frénétique que Mitsuko, intimidée, ne s’opposait pas à mes gestes. Nous nous contentions d’échanger des regards si intenses qu’ils paraissaient empreints de haine et nous ne nous quittions plus des yeux un seul instant. Finalement, un sourire s’est dessiné sur mes lèvres, un sourire victorieux, car j’avais obtenu gain de cause, mais aussi un sourire glacé et malveillant : j’ai lentement ôté ce qui enveloppait ses membres ; quand m’est enfin apparu son corps sculptural de vierge, mon sentiment de triomphe a cédé la place à l’émerveillement qui m’a fait pousser un cri :
— Ah ! je te hais ! Tu as un corps si beau. Je voudrais te tuer.
Tout en disant cela, d’une main je serrais son poignet qui tremblait et de l’autre j’approchais son visage de mes lèvres. Et je l’ai embrassée. Mitsuko s’est mise à hurler à son tour d’une voix surexcitée :
— Tue-moi, tue-moi ! Je veux être tuée par toi !
Et son souffle tiède effleurait mon visage. Des ruisseaux de larmes roulaient sur ses joues. Nous nous tenions enlacées, les bras de l’une autour de la taille de l’autre et nous buvions nos larmes.
Chapitre 6, p32
- L'instant où je me sens le plus orgueilleuse, c'est quand je suis adorée, plus encore que par un homme, par une femme. Quoi de plus normal qu'un homme en voyant une femme soit sensible à sa beauté, mais réussir à envoûter une autre femme, cela me pousse à me demander : « Est-ce que je suis si belle que cela ? » Et je deviens folle de bonheur !
Je me moquais moi-même de pusillanimité... Et puis, aimer un homme en cachette de mon mari aurait été mal, mais quelle importance qu'une femme s'éprenne d'une autre femme ? Un mari n'a pas le droit de critiquer l'intimité qui se développe entre deux femmes. C'est avec ce type d'arguments que je me berçais d'illusions...En réalité, mon amour pour Mitsuko était dix, vingt... cent, deux cents fois plus fort que celui que j'avais éprouvé pour cet autre homme.
Il aurait été naturel d'être cinq ou dix à la vénérer : ne la partager qu'à deux, c'était déjà du luxe. Il était le seul homme et j'étais la seule femme : qui, au monde, pouvait s'estimer plus heureux que nous ?
- En tout cas les maris qui sont trop faibles avec leurs femmes sont à l'origine de bien des ennuis.