Les pigeons volaient bas dans le ciel chargé de suie. Greenwich Avenue était presque vide à part deux hommes vaseux qui donnaient l'impression de s'être battus toute la nuit, et une femme aux cheveux ébouriffés avec un col roulé trop grand qui promenait un teckel en direction de la 6e Avenue. C'était un peu bizarre d'être seul dans Greenwich Village, ce n'était pas un endroit où l'on voyait beaucoup de gosses dans la rue une matinée de week-end ; cela me donnait la sensation d'être adulte, sophistiqué, un peu alcoolique. Tout le monde avait l'air d'avoir la gueule de bois, ou d'être tout juste tombé du lit.
Après avoir raccroché, je suis resté très longtemps assis. D'après l'horloge intégrée de la gazinière, que je voyais depuis ma place, il était deux heures quarante-cinq. Je n'avais jamais été seul et réveillé à une heure pareille. Le salon, d'ordinaire si clair et spacieux, égayé par la présence de ma mère, était devenu un lieu froid, pâle et inconfortable, on aurait dit une maison de vacances pendant l'hiver : tissus fragiles, tapis en sisal rugueux, abat-jour en papier venant de Chinatown et chaises trop petites et légères. Tous les meubles semblaient frêles et dans un équilibre instable. Je sentais mon cœur battre, j'entendais les cliquetis, les tic-tac et les sifflements du grand immeuble vieillissant qui somnolait paisiblement autour de moi. Tout le monde dormait. Même les klaxons au loin et le bruit de ferraille des camions sur la 57e Rue semblaient vagues et incertains, aussi esseulés que s'ils provenaient d'une autre planète.
Peut-être que c'est idiot d'articuler de tels espoirs. Mais en même temps, peut-être que c'est encore plus idiot de ne pas le faire.
On ne peut pas choisir ce que l'on veut et ce que l'on ne veut pas, c'est la dure vérité solitaire. On ne peut pas échapper à qui l'on est. [....] J'aimerais croire à une vérité au-delà de l'illusion, mais je suis venu à la conclusion qu'il n'y en n'a pas. Parce que, entre la réalité d'un côté et le point où l'esprit la heurte de l'autre, il y a une zone intermédiaire, un liseré irisé où la beauté vient au monde, où deux surfaces très différentes se mêlent en une masse indistincte pour offrir ce que n'offre pas la vie ; et c'est dans cet espace où tout l'art existe, et toute la magie.
Personne ne pourra jamais au grand jamais me persuader que la vie est un cadeau génial et généreux. Parce que la vérité, c'est que la vie est une catastrophe. L'idée même d'être en vie - de chercher de la nourriture, des amis et quoi que ce soit d'autre que nous fassions - est une catastrophe. Oubliez tout ce non-sens dont tout le monde nous rebat les oreilles : le miracle d'un nouveau-né, la joie d'une simple fleur qui s'ouvre, La Vie est trop Merveilleuse Pour Etre Comprise, etc. Pour moi, et je continuerai à la répéter obstinément jusuq'à ma mort, jusqu'à ce que je casse mon ingrate pipe nihiliste et sois trop faible pour le répéter : mieux vaut ne jamais être né que d'être né dans ce cloaque. Cratère de lits d'hôpitaux, de cercueils et de coeurs brisés.
Discuter de quelque chose avec Sergio , revenait à demander: Que ferait Jésus?
Pour employer une expression favorite de Xandra, aucun progrès sinon l'âge et la dégradation, aucune issue sinon la mort.
Souviens toi toujours, que la personne pour qui nous travaillons vraiment est celle qui restaurera ce meuble dans une centaine d'années. C'est elle que nous voulons impresssioner [p. 593]
J'étais encore à Amsterdam lorsque j'ai rêvé de ma mère pour la première fois depuis des années.
leurs chants éclatants s'élevant du naufrage du temps vers la prochaine générations d'amoureux, et la prochaine encore.