Elle m’a dit : « Toi, tu vis dans les romans, si tu veux, je t’offre le roman de mon existence. » Alors pour moi elle a déroulé sa vie, comme elle avait déroulé des centaines de pièces de tissu. Jusqu’au bout. Enfin, presque. Elle m’a dit : « Je te la résume, hein, et j’en garde un peu pour moi. On a ses secrets. Je te dis l’essentiel. Enfin… pas tout à fait. »
― Hortense, ta salle de bain, elle est pas…
― Non, elle n’est pas d’origine, c’est un cadeau de Pierre. Pierre Fauret. Un peintre des années trente. Inconnu. Il n’avait pas le talent de Georges Braque ni de Van Dongen. Et puis, il aimait trop le luxe. Enfin je crois surtout qu’il n’a pas eu la patience de mourir de faim comme Modi.
― Maudit ?
― Modigliani.
― Il t’a offert ça comme ça ?
― Oui, il m’a invitée à Dauville une semaine et quand je suis rentrée ma petite salle de bain à carreaux de faïence blancs avait disparu.
― C’était un peintre ou un tailleur de pierre ?
― Il était peintre et sculpteur.
La beauté, que veux-tu que je te dise, André ? La beauté, c'est comme la mort, quand tu la rencontres, il n'y a plus de mots.
[...] "un amour de guerre fulgurant". Une de ces passions qui, lorsqu'on les a éprouvées, vous tuent ou vous aident à tenir, invincible, jusqu'à la fin. "Enfin, le tremblement de terre de l'amour. Si tu l'as connu, André, inutile que je te fasse un dessin. Sinon, c'est inutile aussi."