Singularity 7

Ce tome comprend une histoire complète indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 4, initialement parus en 2004, écrits, dessinés et mis en couleurs par Ben Templesmith. Il comprend également une histoire courte, initialement parue dans Tales of terror 1, se déroulant dans le même environnement que l'histoire principale. Ce tome contient une introduction de Burton C. Bell, le chanteur de Fear Factory (par exemple Demanufacture), vantant les qualités de l'imagination de Ben Templesmith.

Une lumière tombe du ciel, et Bobby Hennigan en est témoin. Il est changé par les nanites venues de l'espace ayant provoqué ces lumières, acquérant en particulier la capacité de désassembler les objets et les personnes, molécule par molécule. Il offre son aide aux Nations Unies pour assainir la Terre (à commencer par l'air), et pour améliorer la condition de la race humaine. Il se fait appeler la Singularité. Quelques années plus tard, l'air est devenu un poison pour les êtres humains, et des êtres humanoïdes au service de la Singularité parcourent la Terre, pour détecter et assimiler les derniers êtres humains. Ils s'appellent les Gosiodo.

Dans ce futur désespéré, un des derniers bastions souterrains d'humains est attaqué par ces Gosiodo. Chon est le seul survivant car les nanites n'ont pas réussi à l'assimiler, le transformant en un individu aux capacités bizarres. Il est récupéré par 6 autres individus que les nanites n'ont pas réussi à assimiler, et fait partie de l'équipe dépêchée dans la citadelle de la Singularité pour l'éliminer.

En 2002, Ben Templesmith se fait connaitre comme coauteur de 30 days of night, avec une approche graphique très personnelle. En 2004, il réalise plusieurs projets dont ce récit complet dont il est aussi le scénariste. le récit démarre fort, avec des cellules de texte denses qui expliquent ce qui s'est passé. En 9 pages, le sort de l'humanité est réglé et la Singularité règne sur ce qu'il reste. Il semble qu'en tant que scénariste, Templesmith ait délaissé les habitudes de Steve Niles pour une narration plus substantielle. Non seulement, il en va ainsi pour l'introduction, mais le reste du récit avance rapidement avec son lot de bouleversements et de surprises, le scénariste n'hésitant pas à faire noir.

À la base, il s'agit donc d'un récit de science-fiction, avec un événement déclencheur extraordinaire : l'arrivée des nanites. Très vite l'état du monde évolue de manière drastique sous l'action de cette technologie extraterrestre. L'auteur utilise le concept pour créer une situation post apocalyptique, avec des survivants sans grand espoir, essayant de conserver une part d'humanité. Leur espoir est d'autant plus mince qu'ils sont déjà pour partie transformés par ces nanites. Effectivement le comportement des 7 individus composant l'équipe de la dernière chance montrent qu'ils ont conscience que leurs capacités et leurs réactions sont déjà différentes. Templesmith ne leur donne pas beaucoup de personnalité, ils sont surtout montrés en train d'avancer vers leur but, en sachant qu'ils ont peu de chance d'en sortir vivants.

Effectivement, l'intrigue se révèle plus retorse que prévu. En seulement 4 épisodes, Ben Templesmith expose le nouvel ordre mondial, introduit ses personnages, fait le point sur les humains survivants, montre quelle possibilité il reste de lutter contre la Singularité. le lecteur est saisi par ce concept d'air devenu nocif pour les êtres humains, porteur de nanites ayant pour fonction de les déconstruire molécule par molécule. Derrière le sort fatal qui attend chaque individu qui respire, il y a une puissante métaphore sur un environnement aussi indispensable que létal pour l'individu. En plaçant un individu devenu maître du monde (la Singularité) contaminant l'air respiré par tous les autres, l'auteur crée une forme de pollution contenue dans la nature même des choses, devenue indissociable de l'environnement.

Le scénariste ne donne pas de clé d'interprétation de cette métaphore. le lecteur peut choisir de la prendre au pied de la lettre comme l'omniprésence de la technologie, ayant envahi tous les aspects du quotidien, ne laissant plus aucune place au naturel. Effectivement tous les moments de la vie reflètent l'omniprésence des technologies, des vêtements que l'on porte, aux modalités de déplacement, en passant par les habitats de toute sorte (aussi bien pour les matériaux de construction que pour les outils qui ont permis de les façonner). de ce point vue, l'homme a bien pollué l'air qu'il respire, mais pas au point qu'il contienne une technologie se retournant contre les hommes. Ou alors il peut choisir d'y voir des métaphores moins premier degré, en pensant à des choses ou concepts inventés par l'être humain, aux mains d'un ou plusieurs individus et néfastes pour la majorité de l'humanité (au hasard : le capitalisme sauvage, le profit).

Ben Templesmith réalise des illustrations comme à son habitude : des dessins un peu grossiers, mis en valeur par une mise en couleurs complexe à l'infographie. Alors que les personnages semblent dessinés à la va-vite, ils disposent tous d'une grande personnalité graphique. Il peut s'agir d'un masque noir, avec des dents dessinées dessus, sous la forme de triangles, ce qui lui donne une apparence très marquée et inoubliable. Il en va de même pour les grosses lèvres de la membre féminine des 7, un détail qui permet immédiatement de l'identifier. Chon a un tatouage en forme de dragon, autour de l'oeil droit, à nouveau un détail qui saute aux yeux. Les armures des envoyés de la Singularité sont majoritairement noires, mais avec une forme également aisément mémorisable. La Singularité elle-même présente une forme unique et reconnaissable à l'instant. Enfin l'artiste introduit une jeune femme avec un enfant, en exagérant sur sa pureté et sa fragilité, touchante, et légèrement exagérée.

De manière inattendue, le début du premier épisode présente une bonne densité d'informations visuelles (ce qui n'est pas toujours le cas pour les ouvrages de Ben Templesmith). L'artiste représente ces lumières qui tombent du ciel, les nanites, la transformation interne de Bobby Hennigan, l'immeuble des Nations Unies, l'émergence de la cité de la Singularité. Comme à son habitude, il effectue un travail complexe avec les couleurs pour établir une ambiance par séquence ou par lieu.

Pour la première page, Templesmith réalise un camaïeu de vert complexe qui donne une luminosité particulière, et qui transforme des gribouillages (en tout cas des traits tracés à la hâte), en une véritable zone herbue. Pour le ciel, il superpose une carte du ciel avec des noms de constellation, des petites tâches blanchâtres, et à nouveau un camaïeu de verts (mais plus foncés) pour le fond. le résultat transcrit bien l'impression d'une lueur extraordinaire s'imposant sur un ciel nocturne. Les 4 premières cases de la page 2 montrent la chute de ces lumières, comme si le lecteur ou l'observateur avait du mal à bien en discerner les contours, toujours par un jeu pertinent sur les couleurs, et des effets spéciaux à l'infographie. Après la séquence de départ, les couleurs composent l'essentiel des arrière-plans, toujours avec ces manipulations sophistiquées à l'infographie.

Au fur et à mesure des épisodes, le lecteur effectue une expérience peu commune. La tension augmente progressivement, en même temps que les personnages se rendent compte du peu de chances qu'ils ont d'arriver à accomplir leur mission. Ben Templesmith intègre quelques coups du sort bien trouvés, rendant la situation encore plus noire. En même temps, les dessins se font plus épurés, c'est-à-dire que les décors disparaissent plusieurs cases durant, voire plusieurs pages durant. Alors que l'intrigue augment d'intensité et donc d'intérêt, les dessins deviennent de plus en plus évocateurs, et de moins en moins détaillés. La narration visuelle est donc impeccable, mais le lecteur finit par avoir l'impression d'acteurs avec des costumes sophistiqués, sur une scène vide, uniquement habillée par des fumigènes et des lumières de couleur. L'intérêt pour l'intrigue subsiste, mais la dimension visuelle devient frustrante dans son approche spartiate et dépouillée.

Le lecteur apprécie donc cette histoire de science-fiction qui relativise l'importance de l'humanité, tout en regrettant que la partie graphique se rapproche d'un story-board avec des jolies couleurs, Ben Templesmith donnant l'impression de ne pas aller aussi loin que d'habitude dans l'habillage de ses croquis. 3 étoiles.

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- Tales of terror – Sur la même Terre, un jeune homme a convaincu une jeune femme de sortir à la surface, pour admirer le ciel.

Ben Templesmith réalise une histoire complète en 13 pages, sur le même mode graphique que l'histoire principale (des dessins esquissés, des arrière-plans remplis par le biais de camaïeux), avec une forme d'histoire noire, mais la chute est plus convenue que celle de l'histoire principale. 3 étoiles.