La légende des nuées écarlates - Intégrale

Entre conte de fée extrême-oriental et tragédie occidentale, "La Légende des Nuées Écarlates" c'est un peu "Monoke Hime" version grimdark (il ne manque plus que le cul et l'humour absurde pour se retrouver avec une version à la Alejandro Jodorowsky). L'artiste italien Saverio Tenuta nous raconte la damnation et la rédemption d'un monde et travers celles de ses personnages. le rapide dramatis personae initial comme la division en « actes » renforce le côté très théâtral du récit :
– tout tourne autour du relationship drama d'une poignée de personnages dont les sentiments contradictoires forment le coeur du récit (avec pas mal d'incohérences, mais je ne vais pas griller toutes mes cartouches d'un coup)
– les tenants est aboutissants de l'univers sont cantonnés au rôle de toile de fond, car la lutte entre un pouvoir de plus en plus abject et un peuple de plus en plus rebelle est traité hors-champ plus qu'autre chose
– les dessins forment carrément les décors du récit (pas fan du charadesgin, mais la colorisation est tellement réussie qu'on est emporté par l'ambiance de l'ensemble)

Nous sommes dans un Japon fantasmé frappé par un hiver éternel avec une glace qui ne cesse d'avancer, et seule résiste la capital située au pied d'un volcan et les autorités sont la seule défense entre la population et les loups géants venimeux qui attaquent encore en encore les derniers îlots d'humanité grâce aux phalanges démembreloup équipées d'armes à feu. Selon la théorie du choc si chère aux élites autoproclamées et à la ploutocratie mondialisée, on en profite évidemment pour mettre en place une tyrannie de plus en plus abjecte avec la bénédiction d'un pouvoir de plus en plus méprisé car de plus en plus taré (toute ressemblance avec cette saloperie de macronie est purement fortuite, encore que comme chacun le sait les mêmes causes produisent les mêmes effets).

L'auteur semble parfaitement savoir où il va en mélangeant contes, légendes, mythologie et grande tragédie, l'univers servant de « plot device » au relationship drama qu'il veut développer. Mais au final c'est loin d'être clair hein, et ça tire toute la série vers le bas alors que les graphismes les tirent clairement vers le haut… Ah ça oui, on peux faire une liste des questions sans réponses voire des incohérences en bonnes et dues formes…


Tome 1 : "La Ville qui parle au ciel"
http://www.portesdumultivers.fr/legende-des-nuees-ecarlates-la-tome-1-la-ville-qui-parle-au-ciel-saverio-tenuta/

Tome 2 : Comme Feuilles au vent
http://www.portesdumultivers.fr/legende-des-nuees-ecarlates-la-tome-2-comme-feuilles-au-vent-saverio-tenuta/

Tome 3 : le Trait parfait
http://www.portesdumultivers.fr/legende-des-nuees-ecarlates-la-tome-3-le-trait-parfait-saverio-tenuta/

Tome 4 : "La Fleur cachée de l'abomination"
http://www.portesdumultivers.fr/legende-des-nuees-ecarlates-la-tome-4-la-fleur-cachee-de-labomination-saverio-tenuta/

PS: comme toujours l'édition en intégrale des "Humanoïdes Associés" est très soignée

Parfois, et c'est la déformation professionnelle, j'ai un peu de mal à me plonger dans une histoire de BD. Je m'attarde longuement à contempler le dessin, la technique, le trait, la couleur...
C'était typiquement le cas avec cette intégrale de Saverio Tenuta. Tout de suite happée par l'image, mais quelques difficultés pour une lecture fluide de cette légende présentée d'une façon un peu décousue.
C'est l'histoire de Raido, un ronin manchot amnésique, tourmenté par les images venues du passé, de Meiki, courageuse marionettiste de bunraku et de Ryin , la reine - shogunaï monstre atteinte de folie. C'est aussi une histoire de la malédiction et de la vengeance, avec un code bushido omniprésent. L'intrigue est assez embrouillée avec des flash-backs plus que nombreux. Même si tout s'éclaircit au fil de lecture, je n'ai pas atteint avec cette BD le satori escompté.
Le dessin , par contre, est sublime ! Les images d'un esthétisme glacial, beaucoup de rouge sur blanc; le sang sur la neige, l'encre rouge sur papier, des paysages, des armures...très beau !

Je me rappelle avoir feuilleté le tome 1 de ce cycle, autrefois lorsque nous avions encore le droit de fréquenter une bibliothèque, sans doute même l'avoir lu. Je fus d'abord attiré par la qualité graphique, et cette sorte de mélancolie qui s'en dégageait. Mais jamais je n'ai pu accéder aux tomes suivants. Je me suis donc fait offrir ce coffret, qui est, cela dit au passage, magnifique, et aujourd'hui je ne regrette en rien ce cadeau.
Cette intégrale réunit les 4 tomes du cycle dans un volume qu'on pourrait presque qualifié de luxe, composé d'une couverture rigide, le tout rangé dans un coffret rigide lui aussi, qui paraît très solide.
Ma première impression à l'ouverture de cette bd me ramène effectivement quelques temps en arrière. J'ai bien lu le premier tome, vite fait, quelque part, dans ma bibliothèque favorite, et je retrouve aujourd'hui tout ce qui m'avait attiré alors à l'époque.
Un univers féodal nippon où la part fantastique est très présente. Saverio Tenuta nous propulse au coeur des légendes nippones pour un conte dans lequel on retrouve les thèmes chers à la littérature autour du samouraï. Honneur et vengeance, mais également recherche de ses origines, filiation, rapport aux dieux, religion et croyances ésotériques, s'entremêlent pour donner finalement une histoire de laquelle se dégagent une humanité et une mélancolie exacerbée.
Même s'il est question de démons, de dieux anciens, de malédiction, l'humanité reste le grand thème de cette bd, à travers ses personnages; leurs liens et leur histoire.
En effet, Saverio Tanuta n'a cesse de faire des flash-back, ramenant le lecteur à un point clé du passé de tel ou tel personnage, pour nous rappeler que c'est avant tout leur histoire qui font le récit. de plus, que ce soit le héros, les personnages secondaires ou les adversaires du héros, tous font preuve d'humanité, quels que soient leurs actes, aussi violents soient ils.
Les différents flash-back peuvent d'ailleurs rendre la lecture légèrement déstabilisante, puisqu'on passe d'une époque à une autre sans trop prévenir, mais on finit pas s'y faire et même se rendre compte que ceux ci participent au rythme même du récit.
Plutôt mélancolique et contemplatif, les scènes du passé servent généralement de moteur à l'action ou à l'émotion, se justifiant toujours car amenant un élément qui va enrichir le récit ou l'éclairer.
Le scénario va crescendo jusqu'à un final époustouflant, concluant ce récit sur une touche poétique.
Enfin j'apprécie grandement la brièveté de l'oeuvre, seulement 4 tomes pour un cycle qui a une vraie fin, et qui ne s'éternise pas sur un nombre incalculable de tomes qui n'aurait d'autre justification que son aspect commercial et les retombées financières.