Quand il existe de la vie à foison, on a une certaine tendance à ne pas se préoccuper des créatures les plus modestes.
Oh! Ça! répondit son interlocuteur en se grattant le pariétal, c'est un bouleversement plutôt inattendu. Je dois vous avouer que j'ai eu une très, très grosse journée dernièrement et que, depuis, je m'ennuie comme c'est pas permis. Il n'y a plus un seul brin d'herbe, pas un ver de terre, pas la moindre forme de vie pour m'occuper. Par contre, ça ne manque pas de trous pour jouer au golf... et j'adore jouer au golf. Il faut toujours voir le bon côté des choses.
Notamment quand un mouvement est suscité par un quarteron d'ahuris qui, ne croyant pas eux-mêmes à leurs motivations, ont la surprise de constater qu'ils sont parvenus à convaincre une masse de gens à se tirer une balle dans le pied. [...] généralement plus au fait des dernières innovations en matière de culture de substances illicites et de fabrication de cocktails Molotov que des programmes universitaires, c'est qu'ils parviennent à réussir cet incroyable tour de force qui consiste à imposer à une majorité écrasante leurs pseudo-revendications minoritaires...
Malheureusement, tout cela était noyé dans cette mélasse désespérante dans laquelle pataugeait leur monde dépressif et paranoïaque. L'espoir cédait à la résignation, l'imagination à un réalisme maladif, la noblesse à la dérision, l'amour à la bestialité, la tendresse à la froideur, la combativité à l'égoïsme à l'abandon, le dévouement à l'indifférence, le sacrifice à l'égoïsme et l'intelligence à l'abrutissement.
Il n'y avait rien de plus dangereux que de permettre à une poignée de savants fous de laisser libre cours à leur imagination. Sinon, au lieu d'un nouveau remède miracle contre l'acné, on pouvait se retrouver avec du Zyklon B.
La culpabilité ou non d'un accusé n'avait aucune importance, seule comptait l'audience.
[des journalistes]...Il estimait que ces derniers avaient trahi ceux qu'ils étaient censés informer et qu'en se transformant peu à peu en prédateurs de l'information à tout prix, sous couvert de leur fameux "les gens ont le droit de savoir", ils avaient soigneusement balayé leur déontologie sous le tapis de la médiocrité.
C'est un peu comme la vraie vie, beaucoup de gens mènent leur existence en oubliant de penser et, immanquablement, ils se vautrent lamentablement et se retrouvent face contre terre.
Il est vrai que le monde avait sombré dans une sorte de paranoïa générale où, sous couvert d'informer la population, les médias n'étaient plus que les instruments d'une dépression généralisée.
Pourquoi se fatiguer à réfléchir à quoi que ce soit, puisque certains le faisaient pour vous et vous livraient toutes cuites dans le bec leurs cogitations, parfois nébuleuses, comme un oiseau nourrissant ses petits à la becquée? Il ne fallait pas s'étonner que leurs cerveaux aient quasiment fondu...