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Critique de Isidoreinthedark


« La jambe de Rimbaud
De retour à Marseille
Comme un affreux cargo
Chargé d'étrons vermeils
Dérive en immondices
À travers les égouts
La beauté fut assise
Un soir sur ce genou»

C'est en écoutant en boucle le premier couplet de l'« Affaire Rimbaud » que chantait Hubert-Félix Thiéfaine à la fin des années 80 que j'ai découvert le triste sort qui s'abattit sur Arthur Rimbaud à l'automne de sa courte existence.

« Un été avec Rimbaud » revient sur la trajectoire d'une étoile filante née en 1854 à Charleville. Avec sa faconde habituelle, Sylvain Tesson nous narre le parcours d'un génie incompris, un fort en thème qui prit la clé des champs dès l'âge de seize ans pour battre le bitume entre les Ardennes, Paris, Londres et Bruxelles. Il revient avec une forme d'empathie touchante sur le parcours stupéfiant d'un jeune homme surdoué, qui fut poète entre seize et dix-neuf ans, le temps de vivre « Une saison en enfer » et de subir les foudres des « Illuminations », puis s'en alla sans se retourner en direction de l'Abyssinie pour y devenir trafiquant d'armes.

Dans ce court essai consacré à la vie de Rimbaud, Sylvain Tesson tente de percer le mystère de cette vie morcelée. L'auteur essaie de sonder l'âme et le coeur du bel Arthur, revient longuement sur son enfance à Charleville, sa réputation d'élève hors normes, son goût pour la fugue à travers les vallées ardennaises, sa rencontre avec Verlaine, ses déboires d'homme d'affaires, et enfin sa fuite ininterrompue qui le mènera jusqu'aux confins de l'Abyssinie. L'ouvrage a l'immense mérite de s'attarder sur quelques vers sublimes de celui qui incarnera plus tard la figure archétypale du poète maudit, et de faire découvrir au lecteur quelques unes des pépites nichées au creux de l'oeuvre fulgurante d'un adolescent sans cesse en mouvement.

« Horreur Harar Arthur
Et tu l'as injuriée
Horreur Harar Arthur
Tu l'as trouvée amère
… la beauté ? »

La principale réussite « d'un été avec Rimbaud » est de jamais parvenir à ses fins, de ne pas percer le halo mystérieux qui continue d'entourer la destinée maudite d'Arthur. La vie de Rimbaud se révèle aussi obscure et incompréhensible que certains de ses plus beaux vers. Il faut sans doute l'appréhender comme un poème, et ne pas chercher à tout prix à lever le voile, à saisir l'insaisissable.

Arthur restera à jamais un ange touché par la grâce, sans doute né trop tôt, au coeur d'un dix-neuvième siècle trop classique pour un jeune homme insolent qui n'aura de cesse de dynamiter les codes de la poésie. Arthur restera à jamais ce beau jeune homme aux yeux clairs dont le regard semble nous transpercer et percevoir une réalité qui se situe au delà de notre perception de simple mortel. Arthur s'est brûlé les ailes, et a tourné le dos à son génie, pour partir, toujours plus loin, dans des contrées suffocantes et lointaines, et restera poétique jusque dans son insondable désinvolture.

« Une saison en enfer
Foudroie l'Abyssinie
Ô sorcière ô misère
Ô haine ô guerre, voici
Le temps des assassins
Que tu sponsorisas
En livrant tous ces flingues
Au royaume de Choa »

(Hubert-Felix Thiéfaine)
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