Un véritable artiste est capable de dépasser les différentes alvéoles que constitue cet ensemble de métiers, d'apparence si distincts les uns des autres, et qui peut se résumer par ce mot barbare en français : divertissement. Les anglophones ont un terme mieux adapté (est-ce dû à leur culture?) : entertainment.
Chaplin était capable d'officier dans quasiment chaque partie de la construction d'un film, se mettant lui-même en scène et allant jusqu'à en composer le thème musical. Gainsbourg ne cachait pas que la chansonnette n'était qu'un divertissement et que seule la peinture, l'un des arts majeurs, avait grandeur à ses yeux.
Bernard Giraudeau a interprété de beaux rôles mais c'est dans l'écriture qu'on retrouve la sensibilité pure de l'artiste.
Sylvie Testud ne déroge pas à cette règle des acteurs-romanciers qui n'utilisent pas simplement leur renommée pour publier quelques pages vides.
Sybille est une actrice réputée, maman d'un petit garçon et partageant sa vie avec son compagnon, Adrien, qui fait preuve d'un pragmatisme peu en rapport avec le côté lunaire de l'artiste.
Sybille (Sylvie?), bon on a bien compris que c'était l'auteur elle-même qui se mettait en scène, a le désir de tourner son propre film. Commence alors un parcours semé d'embûches qui a davantage à voir avec le chemin de croix truffé d'embûches qu'un long fleuve tranquille. D'abord rencontrer ce couple de producteurs hors-normes : une femme haut en couleurs, s'extasiant sur les tenues vestimentaires qu'elle ne peut se payer à l'entendre et un vieux beau, légèrement charmeur. Point commun de ces deux-là : ils ont la réputation, justifiée, d'être suffisamment pingres pour être ostracisés par l'ensemble du monde touchant au cinéma, à commencer par les banquiers. N'importe comment, le film de Sybille, ILS VONT LE FAIRE… C'est sûr. Ils lui ont promis. Reste que la première mouture du scénario ne convient pas. le début ne va pas. La fin est à revoir. le milieu à changer. Sybille va donc écrire et réécrire sous les yeux désabusés d'Adrien, son compagnon. Ajoutons à cette galerie de portraits trois actrices, un agent, un directeur de la production (le meilleur!) et le tableau sera complet. Après moult péripéties, le film peut commencer. Enfin, ce premier jour de tournage ne concerne que le clip qui servira de bande annonce.
Ca n'ira pas plus loin. On s'en doutait depuis le début. Si la Nuit Américaine résumait le journal de bord d'un tournage, cette petite chronique en est le préalable.
Sylvie Testud nous fait partager l'envers du décor en quelque sorte, démystifiant parfois le côté paillettes et festivals du septième art et, surtout, nous montrant des gens qui n'ont rien de bien différents de l'immensité de la population qui ne fait pas du cinéma. Une fois le livre refermé, on a juste envie d'en ouvrir un autre, du même auteur.