Si, dès mes premiers pas dans la montagne, j’avais éprouvé un sentiment de joie, c’est que j’étais entré dans la solitude et que des rochers, des forêts, tout un monde nouveau se dressait entre moi et le passé ; mais, un beau jour, je compris qu’une nouvelle passion s’était glissée dans mon âme. J’aimais la montagne pour elle-même. J’aimais sa face calme et superbe éclairée par le soleil quand nous étions déjà dans l’ombre. J’aimais ses fortes épaules chargées des glaces aux reflets d’azur, ses flancs où les pâturages alternent avec les forêts et les éboulis ; ses racines puissantes s’étalant au loin comme celles d’un arbre immense, et toutes séparées par des vallons avec leurs rivelets, leurs cascades, leurs lacs et leurs prairies ; j’aimais tout de la montagne, jusqu’à la mousse jaune ou verte qui croît sur le rocher, jusqu’à la pierre qui brille au milieu du gazon.
Il existe, cependant, une consolation pour le voyageur le plus rompu sur cette route poussiéreuse ; le chemin décrit par ses pieds est si parfaitement symbolique de la vie humaine – tantôt gravissant des collines, tantôt descendant des vallées. Quand il est au sommet, il voit les cieux et l’horizon, et quand il est dans la vallée, il lève encore ses yeux vers les hauteurs. Il parcourt toujours ses vieilles leçons, et, aussi las et rompu qu’il soit par la route, son expérience reste sincère.
Enfin, nous avons vu le soleil se lever sur la mer, et briller sur le Massachusetts ; dès lors l’atmosphère se clarifia de plus en plus jusqu’au moment de notre départ, et nous avons commencé à prendre conscience de l’étendue de la vue, et de combien la terre, par sa largeur même, offrait une réponse au ciel, et les villages blancs un pendant aux constellations du ciel.
Été comme hiver, nos regards s'étaient imposés sur la ligne brumeuse que dessinent les montagnes à l'horizon, dont la grandeur est exagérée par la distance et l'indistinction ; aussi se prêtent-elles de même aux interprétations de toutes les allusions faites par les poètes et les voyageurs - que ce soit lors de nos matinées printanières assis sur les sommets de l'Olympe en compagnie d'Homère, ou lors de nos errances dans les collines de l’Étrurie et de la Thessalie avec Virgile et ses pairs...
Il existe, cependant, une consolation pour le voyageur le plus rompu sur cette route poussiéreuse; le chemin décrit par ses pieds est si parfaitement symbolique de la vie humaine - tantôt gravissant des collines, tantôt descendant des vallées. Quand il est au sommet, il voit les cieux et l'horizon, et quand il est dans la vallée, il lève encore ses yeux vers les hauteurs. Il parcourt toujours ses vieilles leçons, et, aussi las et rompu qu'il soit par la route, son expérience reste sincère.
Thoreau