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Citations sur De la Démocratie en Amérique, tome 1 (106)

Il n'y a, en général, que les conceptions simples qui s'emparent de l'esprit du peuple. Une idée fausse, mais claire et précise, aura toujours plus de puissance dans le monde qu'une idée vraie, mais complexe. De là vient que les partis, qui sont comme de petites nations dans une grande, se hâtent toujours d'adopter pour symbole un nom ou un principe qui, souvent, ne représente que très incomplètement le but qu'ils se proposent et les moyens qu'ils emploient, mais sans lequel ils ne pourraient subsister ni se mouvoir. Les gouvernements qui ne reposent que sur une seule idée ou sur un seul sentiment facile à définir ne sont peut-être pas les meilleurs, mais ils sont à coup sûr les plus forts et les plus durables.
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[J]e ne connais...pas de pays où l'amour de l'argent tienne une plus large place dans le cœur de l'homme, et où l'on professe un mépris plus profond pour la théorie de l'égalité permanente des biens [qu'aux États-Unis]. Mais la fortune y circule avec une incroyable rapidité, et l'expérience apprend qu'il est rare de voir deux générations en recueillir les faveurs.
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En Amérique, la majorité trace un cercle formidable autour de la pensée. Au-dedans de ces limites, l’écrivain est libre ; mais malheur à lui s’il ose en sortir. Ce n’est pas qu’il ait à craindre un autodafé, mais il est en butte à des dégoûts de tous genres et à des persécutions de tous les jours. La carrière politique lui est fermée : il a offensé la seule puissance qui ait la faculté de l’ouvrir. On lui refuse tout, jusqu’à la gloire. Avant de publier ses opinions, il croyait avoir des partisans ; il lui semble qu’il n’en a plus, maintenant qu’il s’est découvert à tous ; car ceux qui le blâment s’expriment hautement, et ceux qui pensent comme lui, sans avoir son courage, se taisent et s’éloignent. Il cède, il plie enfin sous l’effort de chaque jour, et rentre dans le silence, comme s’il éprouvait des remords d’avoir dit vrai.

Des chaînes et des bourreaux, ce sont là les instruments grossiers qu’employait jadis la tyrannie ; mais de nos jours la civilisation a perfectionné jusqu’au despotisme lui-même, qui semblait pourtant n’avoir plus rien à apprendre.

Les princes avaient pour ainsi dire matérialisé la violence ; les républiques démocratiques de nos jours l’ont rendue tout aussi intellectuelle que la volonté humaine qu’elle veut contraindre. Sous le gouvernement absolu d’un seul, le despotisme, pour arriver à l’âme, frappait grossièrement le corps ; et l’âme, échappant à ces coups, s’élevait glorieuse au-dessus de lui ; mais dans les républiques démocratiques, ce n’est point ainsi que procède la tyrannie ; elle laisse le corps et va droit à l’âme. Le maître n’y dit plus : Vous penserez comme moi, ou vous mourrez ; il dit : Vous êtes libre de ne point penser ainsi que moi ; votre vie, vos biens, tout vous reste ; mais de ce jour vous êtes un étranger parmi nous. Vous garderez vos privilèges à la cité, mais ils vous deviendront inutiles ; car si vous briguez le choix de vos concitoyens, ils ne vous l’accorderont point, et si vous ne demandez que leur estime, ils feindront encore de vous la refuser. Vous resterez parmi les hommes, mais vous perdrez vos droits à l’humanité. Quand vous vous approcherez de vos semblables, ils vous fuiront comme un être impur ; et ceux qui croient à votre innocence, ceux-là mêmes vous abandonneront, car on les fuirait à leur tour. Allez en paix, je vous laisse la vie, mais je vous la laisse pire que la mort.

Du pouvoir qu'exerce la majorité en Amérique sur la pensée
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Il arrive quelquefois, dans la vie des peuples, un moment où les coutumes anciennes sont changées, les moeurs détruites, les croyances ébranlées, le prestige des souvenirs évanoui [...]. Les hommes alors n'aperçoivent plus la patrie que sous un jour faible et douteux ; ils ne la placent plus ni dans le sol, qui est devenu à leurs yeux une terre inanimée, ni dans les usages de leurs aïeux, qu'on leur a appris à regarder comme un joug ; ni dans la religion, dont ils doutent ; ni dans les lois qu'ils ne font pas, ni dans le législateur qu'ils craignent et méprisent. Ils ne la voient donc nulle part, pas plus sous ses propres traits que sous aucun autre, et ils se retirent dans un égoïsme étroit et sans lumière.

2e partie, chapitre 6, p331 de l'édition Garnier-Flammarion
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Dans presque tous les Etats où l'esclavage est aboli, on a donné au nègre des droits électoraux ; mais s'il se présente pour voter, il court risque de la vie. Opprimé, il peut se plaindre, mais il ne trouve que des blancs parmi ses juges. La loi cependant lui ouvre le banc des jurés, mais le préjugé l'en repousse. Son fils est exclu de l'école où vient s'instruire le descendant des Européens. Dans les théâtres, il ne saurait, au prix de l'or, acheter le droit de se placer à côté de celui qui fut son maître ; dans les hôpitaux, il gît à part. On permet au noir d'implorer le même Dieu que les blancs, mais non de le prier au même autel. Il a ses prêtres et ses temples. On ne lui ferme point les portes du ciel : à peine cependant si l'inégalité s'arrête au bord de l'autre monde. Quand le nègre n'est plus, on jette ses os à l'écart, et la différence des conditions se retrouve jusque dans l'égalité de la mort.

2e partie, chap X, p457 de l'édition Garnier-Flammarion
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Quand le prestige de la royauté s'est évanoui au milieu du tumulte de révolutions ; lorsque les rois, se succédant sur le trône, y ont tour à tour exposé au regard des peuples la faiblesse du droit et la dureté du fait, personne ne voit plus dans le souverain le père de l'Etat, et chacun y aperçoit un maître. S'il est faible, on le méprise ; on le hait s'il est fort. Lui-même est plein de colère et de crainte; il se voit ainsi qu'un étranger dans son pays, et il traite ses sujets en vaincus.

2e partie, chapitre 9, p422 de l'édition Garnier-Flammarion
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Si la démocratie ne conçoit pas les plaisirs du riche [...], de son côté l'aristocratie ne comprend point les misères du pauvre, ou plutôt elle les ignore. Le pauvre n'est point, à proprement parler, le semblable du riche ; c'est un être d'une autre espèce. L'aristocratie s'inquiète donc assez peu du sort de ses agents inférieurs. Elle ne hausse leurs salaires que quand ils refusent de la servir à trop bas prix.

Tome 1, 2e partie, chapitre 5, p304 de l'édition Garnier-Flammarion
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Tous les siècles ont-ils donc ressemblé au nôtre? L'homme a-t-il toujours eu sous les yeux, comme de nos jours, un monde où rien ne s'enchaîne, où la vertu est sans génie, et le génie sans honneur ; où l'amour de l'ordre se confond avec le goût des tyrans et le culte saint de la liberté avec le mépris des lois ; où la conscience ne jette qu'une clarté douteuse sur les actions humaines ; où rien ne semble plus défendu, ni permis, ni honnête, ni honteux, ni vrai, ni faux?

Introduction, p67-68 de l'édition Garnier-Flammarion
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Les modernes, après avoir aboli l'esclavage, ont donc encore à détruire trois préjugés bien plus insaisissables et plus tenaces que lui: le préjugé du maître, le préjugé de race et enfin le préjugé du blanc.
[...]
Si je considère les Etats-Unis de nos jours, je vois bien que, dans certaines parties du pays, la barrière légale qui sépare les deux races tend à s'abaisser, non celle des moeurs : j'aperçois l'esclavage qui recule ; le préjugé qu'il a fait naître est immobile.

2e partie, chapitre X, p456 de l'édition Garnier-Flammarion
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S'il était vrai que les lois et les moeurs fussent insuffisantes au maintien des institutions démocratiques, quel autre refuge resterait-il aux nations, sinon le despotisme d'un seul?
Je sais que de nos jours il y a bien des gens honnêtes que cet avenir n'effraye guère, et qui, fatigués de la liberté, aimeraient à se reposer enfin loin de ses orages.
Mais ceux-là connaissent bien mal le port vers lequel ils se dirigent. Préoccupés de leurs souvenirs, ils jugent le pouvoir absolu par ce qu'il a été jadis, et non par ce qu'il pourrait être de nos jours.
Si le pouvoir absolu venait à s'établir de nouveau chez les peuples démocratiques de l'Europe, je ne doute pas qu'il n'y prît une forme nouvelle et qu'il ne s'y montrât sous des traits inconnus à nos pères.

Seconde partie, chap 9, p 421 de l'édition Garnier-Flammarion
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