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Citations sur Souvenirs (35)

On pourrait faire un tableau singulier de toutes les erreurs qui se sont ainsi engendrées les unes des autres sans se ressembler. C'est Charles Ier poussé à l'arbitraire et à la violence par la vue des progrès qu'avait faits l'esprit d'opposition en Angleterre, sous le règne bénin de son père ; c'est Louis XVI déterminé à tout souffrir parce que Charles Ier avait péri en ne voulant rien endurer ; c'est Charles X provoquant la révolution, parce qu'il avait eu sous les yeux la faiblesse de Louis XVI ; c'était enfin Louis-Philippe le plus perspicace de tous, se figurant que, pour rester sur le trône, il suffisait de fausser la légalité sans la violer, et que, pourvu qu'il tournât lui-même dans le cercle de la Charte, la nation n'en sortirait pas. Détourner l'esprit de la constitution sans en changer la lettre ; opposer les vices du pays les uns aux autres ; noyer doucement la passion révolutionnaire dans l'amour des jouissances matérielles : telle avait été l'idée de toute sa vie ; elle était peu à peu devenue non seulement la première mais l'unique. Il s'y était renfermé ; il y avait vécu ; et lorsqu'il s'aperçut tout à coup qu'elle était fausse, il fut comme un homme qui est réveillé la nuit par un tremblement de terre et qui, sentant-au milieu des ténèbres sa maison croulante et le sol même qui semble s'abaisser sous ses pieds, demeure éperdu dans cette ruine universelle et imprévue.
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En 1848, les hommes qui étaient atteints devant moi semblaient percés par un trait invisible. Ils chancelaient et tombaient sans qu'on vit d'abord autre chose qu'un petit trou fait dans leurs vêtements. Dans les événements de cette espèce dont je fus témoin, ce fut moins la vue de la douleur physique que le tableau de l'angoisse morale qui me frappa. En effet, c'était une chose étrange et effrayante que de voir changer soudainement les visages, et le feu du regard s'y éteindre tout à coup dans la terreur de la mort.
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En politique, la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés.
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Que, pour sauver la vie d'un homme, on lui coupe le bras, je le comprends ; mais je ne veux point qu'on m'assure qu'il va se montrer aussi adroit que s'il n'était pas manchot.

Seconde partie chapitre VII 15 mai 1848
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J’ai vécu avec des gens de lettres, qui ont écrit l’histoire sans se mêler aux affaires, et avec des hommes politiques, qui ne se sont jamais occupés qu’à produire les événements sans songer à les décrire. J’ai toujours remarqué que les premiers voyaient partout des causes générales, tandis que les autres, vivant au milieu du décousu des faits journaliers, se figuraient volontiers que tout devait être attribué à des incidents particuliers, et que les petits ressorts, qu’ils faisaient sans cesse jouer dans leurs mains, étaient les mêmes que ceux qui font remuer le monde. Il est à croire que les uns et les autres se trompent.

Je hais, pour ma part, ces systèmes absolus, qui font dépendre tous les événements de l’histoire de grandes causes premières se liant les unes aux autres par une chaîne fatale, et qui suppriment, pour ainsi dire, les hommes de l'histoire du genre humain. Je les trouve étroits dans leur prétendue grandeur, et faux sous leur air de vérité mathématique. Je crois, n'en déplaise aux écrivains qui ont inventé ces sublimes théories pour nourrir leur vanité et faciliter leur travail, que beaucoup de faits historiques importants ne sauraient être expliqués que par des circonstances accidentelles, et que beaucoup d'autres restent inexplicables ; qu'enfin le hasard ou plutôt cet enchevêtrement de causes secondes, que nous appelons ainsi faute de savoir le démêler, entre pour beaucoup dans tout ce que nous voyons sur le théâtre du monde ; mais je crois fermement que le hasard n'y fait rien, qui ne soit préparé à l'avance. Les faits antérieurs, la nature des institutions, le tour des esprits, l'état des mœurs, sont les matériaux avec lesquels il compose ces impromptus qui nous étonnent et nous effraient.
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L’Angleterre, à l’abri de la maladie révolutionnaire des peuples par la sagesse de ses lois et la force de ses anciennes mœurs, de la colère des princes par sa puissance et son isolement au milieu de nous, joue volontiers, dans les affaires intérieures du continent, le rôle d’avocat de la liberté et de la justice. Elle aime à censurer et même à insulter les forts, à justifier et à encourager les faibles, mais il semble qu’il ne s’agisse pour elle que de prendre un bon air et de discuter une théorie honnête. Ses protégés viennent-ils à avoir besoin d’elle, elle offre son appui moral.
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Ce que j'appelle l'esprit littéraire en politique consiste à voir ce qui est ingénieux et neuf plus que ce qui est vrai, à aimer ce qui fait un tableau intéressant plus que ce qui sert, à se montrer sensible au bien jouer et au bien dire des acteurs, indépendamment des conséquences de la pièce, et à se décider enfin par des impressions plutôt que par des raisons. Je n'ai pas besoin de dire que ce travers se rencontre ailleurs que dans les académies. A vrai dire, toute la nation en tient un peu, et le peuple français, pris en masse, juge très souvent en politique comme un homme de lettres.
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Notre histoire, de 1789 à 1830, vue de loin et dans son ensemble, ne doit apparaître que comme le tableau d'une lutte acharnée entre l'ancien régime, ses traditions, ses souvenirs, ses espérances et ses hommes représentés par l'aristocratie, et la France nouvelle conduite par la classe moyenne. 1830 a clos cette première période de nos révolutions ou plutôt de notre révolution, car il n'y en a qu'une seule, révolution toujours la même à travers des fortunes diverses, que nos pères ont vu commencer et que, suivant toute vraisemblance, nous ne verrons pas finir. En 1830, le triomphe de la classe moyenne avait été définitif et si complet que tous les pouvoirs politiques, toutes les franchises, toutes les prérogatives, le gouvernement tout entier se trouvèrent renfermés et comme entassés dans les limites étroites de cette seule classe, à l'exclusion, en droit, de tout ce qui était au-dessous d'elle et, en fait, de tout ce qui avait été au-dessus. Non seulement elle fut ainsi la directrice unique de la société, mais on peut dire qu'elle en devint la fermière. Elle se logea dans toutes les places, augmenta prodigieusement le nombre de celles-ci et s'habitua à vivre presque autant du Trésor public que de sa propre industrie.

A peine cet événement eut-il été accompli, qu'il se fit un très grand apaisement dans toutes les passions politiques, une sorte de rapetissement universel en toutes choses et un rapide développement de la richesse publique. L'esprit particulier de la classe moyenne devint l'esprit général du gouvernement ; il domina la politique extérieure aussi bien que les affaires du dedans : esprit actif, industrieux, souvent déshonnête, généralement rangé, téméraire quelquefois par vanité et par égoïsme, timide par tempérament, modéré en toute chose, excepté dans le goût du bien-être, et médiocre ; esprit, qui, mêlé à celui du peuple ou de l'aristocratie, peut faire merveille, mais qui, seul, ne produira jamais qu'un gouvernement sans vertu et sans grandeur. Maîtresse de tout comme ne l'avait jamais été et ne le sera peut-être jamais aucune aristocratie, la classe moyenne, devenue le gouvernement, prit un air d'industrie privée ; elle se cantonna dans son pouvoir et, bientôt après, dans son égoïsme, chacun de ses membres songeant beaucoup plus à ses affaires privées qu'aux affaires publiques et à ses jouissances qu'à la grandeur de la nation.

La postérité, qui ne voit que les crimes éclatants et à laquelle, d'ordinaire, les vices échappent, ne saura peut-être jamais à quel degré le gouvernement d'alors avait, sur la fin, pris les allures d'une compagnie industrielle, où toutes les opérations se font en vue du bénéfice que les sociétaires en peuvent retirer. Ces vices tenaient aux instincts naturels de la classe dominante, à son absolu pouvoir, au caractère même du temps. Le roi Louis-Philippe avait peut-être contribué à les accroître.
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En politique, la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés .
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Les hommes avec qui je m'entretenais alors étaient des artisans rangés et paisibles, dont les mœurs douces et un peu molles étaient encore plus éloignées de la cruauté que de l’héroïsme. Ils ne rêvaient pourtant que destruction et massacre. Ils se plaignaient qu’on n’employât pas la bombe, la sape et la mine contre les rues insurgées et ne voulaient plus faire de quartier à personne ; déjà, le matin, j’avais failli voir fusiller devant moi sur les boulevards un pauvre diable qu’on venait d’arrêter sans armes, mais dont la bouche et les mains étaient noircies par une substance qu’on supposait être et qui était sans doute de la poudre. Je fis ce que je pus pour calmer ces moutons enragés.
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