Citations sur Après l'empire : Essai sur la décomposition du système améric.. (29)
Or il est parfaitement évident que l’agressivité américaine renforce les communismes absurdes, tout comme elle fige le régime irakien ou conforte la position des conservateurs antiaméricains en Iran. Dans le cas de la Chine, où le pouvoir communiste gère une transition autoritaire vers le capitalisme, l’hostilité américaine donne en pratique des armes au régime, le relégitime sans cesse en lui permettant de s’appuyer sur des sentiments nationalistes et xénophobes. Un nouveau théâtre s’est récemment ouvert à l’activité des pompiers-pyromane des Etats-Unis : le conflit entre l’Inde et le Pakistan. Largement responsables de la déstabilisation en cours du Pakistan et de la virulence locale de l’islamisme, les Etats-Unis ne s’en présentent pas moins comme médiateur indispensable.
Tout cela n’est pas bon pour le monde, énerve leurs alliés, mais a néanmoins un sens. Ces conflits qui présentent pour les Etats-Unis un risque militaire zéro leur permettent d’être « présents » partout dans le monde. Ils entretiennent l’illusion d’une planète instable, dangereuse, qui aurait besoin d’eux pour sa protection. Page 188
Les États-Unis sont en train de devenir pour le monde un problème. Nous étions plutôt habitués à voir en eux une solution. [...] Ils apparaissent de plus en plus comme un facteur de désordre international, entreprenant, là où ils le peuvent, l'incertitude et le conflit.
L'appareil militaire américain est surdimensionné pour assurer la sécurité de la nation ,mais sous-dimensionné pour contrôler un empire ,et plus largement pour maintenir durablement une hégémonie en Eurasie ,loin , si loin , du Nouveau Monde.
Parce que Israël tourne mal, au moment où elle-même tourne mal, l'Amérique approuve son comportement de plus en plus féroce vis-à-vis des Palestiniens. L'Amérique dérive vers une croyance renforcée en l'inégalité des hommes, elle croit de moins en moins en l'unité du genre humain. (page 138)
Les Russes, au contraire des Américains, n'ont pas dans la tête l'a priori d'une limite séparant les hommes de plein droit des autres, les Indiens, les Noirs ou les Arabes. Ils n'ont d'ailleurs pas, depuis le XVIIe siècle et la conquête de la Sibérie, exterminé leurs Indiens, — Bachkirs, Ostiaks, Maris, Samoyèdes, Bouriates, Toungouses, Yakoutes, Youkaghirs et Tchouktches —, dont la survie explique la structure complexe de la Fédération de Russie.
Si l'on tient compte d'un principe d'accélération, nous pouvons considérer que, pour les générations jeunes, l'alphabétisation universelle de la planète sera réalisée à l'horizon de 2030. L'invention de l'écriture remontant à environ 3000 av. J.-C, il aura donc fallu cinq mille ans à l'humanité pour réaliser dans son intégralité la révolution liée à l'écrit.
En ce début de troisième millénaire, les États-Unis ne peuvent plus vivre de leur seule production. Au moment même où le monde, en cours de stabilisation éducative, démographique et démocratique, est sur le point de découvrir qu'il peut se passer de l'Amérique, l'Amérique s'aperçoit qu'elle ne peut plus se passer du monde.
Les événements du 11 septembre 2001 ont malheureusement abouti, entre autres, à une généralisation du concept de « conflit de civilisation ». Le plus souvent, dans notre monde si « tolérant », par une dénégation: le nombre invraisemblable d'intellectuels et d'hommes politiques qui ont affirmé, dans les jours, les semaines, les mois suivant l'attentat, qu'il ne saurait y avoir de « conflit de civilisation » entre islam et chrétienté prouve assez que cette notion primitive est dans la tête de tous. Les bons sentiments, qui font désormais partie de notre vulgate supérieure - l'idéologie des 20 % d'en haut -, ont interdit une mise en accusation directe de l'islam. Mais l'intégrisme islamique a été codé en langage usuel par la notion d'un « terrorisme » que beaucoup veulent voir universel.
Le Royaume-Uni, lui, a participé à la guerre. Il a ainsi donné une bizarre coloration ethnique anglo-saxonne à la coalition militaire, qui a probablement beaucoup nui à l'image de l'Amérique. [...]
La politique d'alignement sur le gouvernement américain est intensément destructrice pour sa position internationale. Et le choix gouvernemental ne doit pas faire oublier l'opposition de l'opinion britannique à la guerre, avant que celle-ci ne se déclenche. Mais il est désormais clair que l'évolution des Etats-Unis engendre une véritable crise d'identité en Grande-Bretagne, culturelle et politique, beaucoup plus importante que celle engendrée autrefois par la naissance de l'Europe.
L'Allemagne, dont la soumission était tenue par les politiciens et les journalistes américains comme allant de soi, a dit non à la guerre, déclarant en quelque sorte le début du mouvement de l'Europe vers l'autonomie stratégique. Elle a ainsi donné la possibilité à la France de commencer à jouer efficacement son rôle à l'ONU pour retarder la guerre américaine.