AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le livre de la faim et de la soif (13)

Et tout le fracas des guerres, plus bas, les cris, les pleurs, les femmes de Palestine, les enfants d’Israël, les danses des Tigres tamouls, les chants fanatiques des soldats de Dieu, le petit pli d’une fosse océanique et l’effondrement des immeubles, en Chine, le grondement des barrages, le bruit cumulé des autoroutes, des trains, des avions, tout avait pour lui le charme des musiques de chambre. Discrète, paisible harmonie du chaos, gammes infinies d’instruments maniés par des nains dont il ignorait tout.
Commenter  J’apprécie          10
Le livre voudrait, dans toutes les langues, conjurer le regret, effacer les traces de sa nostalgie, entrer dans l’existence, et, reprenant le traîneau, le pousser, le tirer en avant, pour accueillir tout, l’effondrement et l’honneur tel un drapeau honni sur lequel on crache en comptant les croix des cimetières profanés et toute l’horreur, le pathétique, le tragique, la farce de cet âge où les âmes meurent comme celle du Prince, laissant à la place des curseurs, des écrans. Le livre, maintenant, pris d’une pulsion incontrôlable de réaction, voudrait excommunier toute la modernité et souffler, souffler pour en faire une torche. Je dois dire, à cette charnière du livre, que je suis prêt. Prêt à le suivre.
Commenter  J’apprécie          00
Il voudrait avoir le temps de réécrire chaque ligne, car c’est ainsi qu’il se maintient dans la foi qu’il peut tout. Changer. Métamorphoser même la vie. Comme la neige, le froid. Le livre voudrait être la prochaine ère glaciaire, interrompre le temps, l’accélérer, et, dans une moindre mesure, n’est-ce pas déjà ce qu’il fait en ajoutant au présent de petites coutures, des poches de passé, des cols d’avenir ? Annotant la fin de l’histoire de Tanuk, il dit avec autorité : « Ça ne s’est pas passé comme ça. J’y étais. Je suis le grand témoin, celui qui a consigné le massacre. » Et là, je ne sais pas, ça vous donne le vertige. On dirait que les parties du livre poussent comme les ventouses des poulpes dans les films d’épouvante.
Commenter  J’apprécie          00
Il me demande d’écrire dessus, n’importe quoi, pourvu que tout ait l’air en cours. Et il se dit que peut-être, ainsi, il réussira là où le Géant, le lance-pierre et leurs parenthèses ont échoué. Réussir ce que le Maître d’Origami lui a appris. Plier la Terre. La mettre tout entière dans un livre. Il imagine une page qui, petit à petit, se déploierait, vers le haut, vers le bas, une page comme un écran avec des poussoirs, des tiroirs, où l’on pourrait ouvrir une fenêtre, puis une autre. Une main qui serait rapide, agile, comme une souris. Elle tisserait des liens, au fil des pages, naviguerait entre les lignes, d’une parenthèse à l’autre.
Commenter  J’apprécie          00
difficulté qu’il y a, aujourd’hui, à trouver un stylo qui fonctionne. » Il faut écarter, bien sûr, ces êtres organisés qui ne perdent jamais rien, ont toujours une plume à portée de la main, glissée dans leur Filofax ou la poche de leur veste, qui sont à même de vous la proposer dans l’instant. Ceux-là ne comptent pas, ils donneraient tort à la vérité.
Commenter  J’apprécie          00
Et là, le livre, en plus de rougir, de voir soudainement s’ouvrir à lui la gamme vertigineuse de la pornographie humaine, Jambes dans Cul, Langue dans Con, Queue dans Cul, Queue dans Con, Bouche contre Sein contre Queue, en plus de toute l’arithmétique de ces combinaisons, entrevoit l’infinité des choses qui lui manquent. Il prend conscience de sa faiblesse à rendre exactement les gestes humains et particulièrement, alors qu’il passe devant un marchand de téléviseurs, alors qu’il voit, dans la vitrine, l’agencement de tous ces écrans scintillants – on dirait les toiles de ces peintres flamands qui, dans un sursaut de conscience, peignaient leurs ateliers et représentaient des cadres à l’intérieur des cadres –, le livre, d’un coup, se sent précipité dans un monde d’images en deçà des langues où chaque geste est rendu avec précision, où l’émotion est montrée avec toute la force de l’incarnation.
Commenter  J’apprécie          00
Ce fut une longue marche où les écrivains, les affabulateurs, les conteurs croyaient créer tandis qu’ils ne faisaient, en vérité, que participer à la marche du livre. » Sur ce, il brandit la Bible, la Torah, le Coran, évoque les commentaires qui s’ajoutèrent au fil du temps et il pointe du doigt leurs exégèses. Il déballe des cartons de la Renaissance, une dizaine, puis une centaine de représentations de saint Jérôme. Il dit : « Regarde la somme d’écriture qui tente de s’échapper. On dirait des oiseaux voletant au bord du nid. » Il vise les textes adjacents, les mots ajoutés qui, au fil des interprétations, ont brouillé le texte principal.« Si l’on creuse, que crois-tu que l’on trouve ?
Commenter  J’apprécie          00
Il vivait, c’est tout ce qui importait. Le reste, la parole, le verbe, toute cette fourmilière humaine de conscience et de vanité, il n’avait pas même un regard pour elle. Et le plus embarrassant, du jour où il fut arraché au ventre de sa mère, c’est qu’il avait faim. Or, nulle paroi ne pouvait plus le contraindre à distinguer les galaxies mortes des vivantes. Il errait à quelques foulées de la Terre, à la recherche de nourritures. On craignait à tout moment que le bleu du ciel, de la mer, celui des océans et les croûtes salées des volcans et l’odeur du miel des ruches, du lait dans les étables, tout cela ne l’attire.
Commenter  J’apprécie          00
Le livre, lui – c’est ma chance –, ne redoute ni « les âmes », ni la fièvre, ni la folie. Il ne redoute pas que l’homme soit rendu à son terme. Il s’inquiète d’autre chose, le brave, blêmit à l’idée de ne pas y arriver. Sortir, il voudrait tant sortir. « Tu as peur ? » je lui demande. Et lui : « Il y a ce destin, c’est vrai. Ce que je devine être cette fin où nous nous apprêtons à plonger, dans cet océan où échouent les déchets de toutes les langues du monde. Les rivières exténuées de la langue. Et pourtant, vois-tu, j’essaie de me convaincre que cette dernière cavale est ma chance. En quittant ce vieux monde oxydé du langage, j’espère. »
Commenter  J’apprécie          00
De génération en génération. Je lui ferai traverser les âges de la matière, de la fusion. Je l’aiderai à s’adapter aux grandes scissions, aux réactions en chaîne. Je serai pour elle un coffre, une boîte, l’étui de sa conservation. Ni la lave des volcans, ni la glace ne pourront l’effacer. Et quand finalement, après la Chute, la pomme, le péché, le temps sera venu d’une autre espèce d’espace, cette image, alors, pourra être versée en preuve de notre impureté.
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (33) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

    Françoise Sagan : "Le miroir ***"

    brisé
    fendu
    égaré
    perdu

    20 questions
    3674 lecteurs ont répondu
    Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

    {* *}