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Critique de fanfan50


J'ai lu très rapidement ce livre d'abord parce que l'écriture en est fluide et aisée et aussi parce que je voulais en connaître tous ses secrets et le dénouement qui reste ouvert. Pearl repart en Pennsylvanie mais reviendra-t-elle à Paris ?

Au début j'ai cru que c'était un livre uniquement dédié au temple du goût qu'est le restaurant Paquebot tenu par son chef Charles-Henri Chelan et son maître d'hôtel Robert Chevalier dans un des quartiers les plus luxueux de la capitale. Et puis, j'ai vu qu'il y avait plus que cela, par les fréquentes évocations d'une personne appelée Rose par le Chef, sujet à des hallucinations qui ne sont que des réminiscences de son passé.

Charles-Henri finit par évoquer son enfance, son père, Henri Chelan qui possède une usine familiale de boutons et de dés à coudre, sa mère, Justyna, jeune fille de petite noblesse lituanienne et puis le choc de l'événement. Ce sont des souvenirs douloureux pour lui qui ont orienté sa vie future et ont fait qu'il s'est tourné vers la cuisine, le seul endroit où il trouve la paix l'harmonie entre le transparent et l'opaque.

Le temps de la narration du récit court du printemps à fin octobre 1929. le 20 octobre, Wall Street et pour finir lundi 28 octobre 1929 : le Black Monday en Amérique. L'auteure ne s'appesantit pas sur ces moments phares de la haute finance américaine car ce n'est pas le sujet du livre mais cela rend juste l'atmosphère du moment plus pénible et le retour de Pearl Edwards, la jeune photographe, une fois son reportage sur le Paquebot bouclé, plus difficile.

Si je me suis pris d'affection pour Charles-Henri et ses tourments, j'ai moins aimé le personnage de Robert Chevalier, plus effacé et dont on ne sait que peu de choses : il est sans-le-sou, il a connu Charles-Henri au Claridge's de Londres en apprentissage puis ils se sont retrouvés au front à faire la tambouille pour les soldats. Il est tombé de l'escabeau en refaisant la décoration du restaurant et étant indisponible, il est remplacé d'abord par Bruno dit du Gers (il est "de petite taille, les jambes arquées, mais l'oeil étincelant, le goût des mots, un accent arrondi de sa région qu'il avait gardé mais pas trop" - les clients se plaignent - "Je m'étonne que votre nouveau maître d'hôtel ait un accent paysan") puis par Lazlo Orkeny qui vient d'Europe centrale, ce qui plaît tout de suite au chef, lui-même de mère polonaise.

Le personnage de Pearl Edwards aurait pu être plus travaillé. Pearl a 25 ans alors que le Chef en a 36. Elle est "imaginative, combative, opiniâtre", et arbore une magnifique tresse de cheveux roux. "Sa famille possédait d'immenses forêts en Pennsylvanie" et donc elle a "les facilités, l'argent, le confort, la Bible". Elle est fiancée en Pennsylvanie avec un certain Bill mais elle n'y semble guère attachée - plutôt une union de raison qu'elle enverra au diable. J'aurais aimé que Pearl et Charles-Henri échangent de vraies conversations pour me les rendre plus réels.

Il y a l'évocation de la bibliothèque-librairie Shakespeare and Co avec une présentation de la libraire, Sylvia Beach page 53. J'ai regardé sur Wikipedia : Sylvia Beach a réellement existé en tant que libraire et éditrice américaine et en 1919, elle a bien ouvert sa propre librairie Shakespeare and co à Paris où elle accueillait les intellectuels américains et anglo-saxons de Paris : Ran May, Ezra Pound, Ernest Hemingway. En 1922, elle publie la version originale du roman de James Joyce, ulysses. L'auteure ne peut s'empêcher d'en parler page 107 : "ulysses de Joyce, le livre-monument, recevait quelque part dans Paris les lumières de deux traducteurs, parfois davantage".

Michelle Tourneur ancre bien son ouvrage dans le Paris de l'époque, le Paris des années folles avec Joséphine Baker-avec-les-bananes-autour-du-ventre, Jean Poiret, Gabrielle Chanel et sa petite robe de crêpe noire au zénith, Misia Sert en robe Borgia violette et or, entrant sous les regards éblouis de ses amants à l'hôtel de la Couture. Elle évoque l'exposition des Arts décoratifs. Par petites touches, elle place bien l'action dans son temps et je n'y ai pas trouvé d'anachronismes, juste un mot désuet : "un cornemuseux" mais placé dans la bouche de Rose la paysanne illettrée du Berry.

J'ai trouvé le titre "Cristal noir" bien choisi car il reflète le thème du livre : le transparent et l'opaque. Paul Poiret a apporté un flacon de parfum et Robert en a pris un Borgia 1914, un flacon noir pailleté d'or qu'il a rebaptisé Cristal noir.

J'ai lu rapidement le livre pour en connaître la fin mais ensuite je l'ai relu et j'ai mieux compris la missive du chef à Pearl qui débute l'ouvrage - en fait, son mot met un point d'orgue à l'intrigue entre lui et la jeune femme. Il est daté du 30 octobre 1929.

Ce livre m'a plu car je l'ai trouvé très bien écrit, et sans cette débauche de sexe qui dégouline de beaucoup d'ouvrages très populaires en ce moment.L'intrigue est très finement menée et l'événement qui a déterminé le changement d'orientation de Charles-Henri a été très bien amené par petites touches jusqu'à l'explication limpide !

Je tiens tout particulièrement à remercier Babelio et les éditions Fayard pour ce superbe roman.
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