La Goutte d'or

Un récit mené avec brio, d'une écriture fluide et imagée. Un peu perplexe cependant devant les motivations de ce jeune nomade à la recherche de son image (une photo prise par une femme blonde dans un land rover).
C'est l'occasion de mettre en parallèle deux pays, l'un l'islam ou l'image est une malédiction, l'autre l'Europe qui lui voue un culte effréné.
La conclusion : l'image serait une prison et, pour échapper à son emprise, il faudrait la décomposer en signe (calligraphie). le signe étant, lui seul, relié à la vie ou plutôt en rapport direct avec l'invisible, ce qui induit une dimension métaphysique.
La calligraphie que j'ai pratiquée est effectivement un plaisir non négligeable (mais la dimension mystique m'a échappée). Et soyons sérieux : on ne va pas revenir au Moyen Âge !

J'ai assez détesté "La goutte d'or" qui est un roman qui a pour sujet l'immigration de l'Afrique du Nord en France et qui manque drôlement de l'authenticité. Tournier était un francais qui avait en plus très bien assimilé la culture allemande mais qui n'avait absolument rien de l'Afrique du nord dans sa personnalité. Il a fait des grandes recherches ethnographes sur les peuples saharien afin de créer son protagoniste mais le résultat est un personnage complètement factice.

Le roman raconte l'histoire berbère qui quitte son oasis saharien pour s'installer à Paris après avoir perdu son âme à belle touriste française qui l'enlève en faisant un cliché de lui. Arrivé en France, il perd sa virginité à une prostituée assez laide de Marseille qui le dépouille en même temps d'un bijou de grande valeur spirituelle (c'est à dire la goutte d'or).
À Paris, il retrouve son âme grâce a la calligraphie islamique qui représente la triomphe du verbe sur l'image. Pourtant sa virginité et son talisman de cette virginité (la la goutte d'or) sont perdus à tout jamais.
La première moitié du roman que j'ai trouvé très boiteuse est basé sur ce que Tournier a appris des livres sur la culture des berbères. À mi-chemin, Tournier perd son intérêt pour la culture berbère et se lance dans une critique Barthésienne sur le caractère superficiel de notre culture contemporaine axée sur l'image.
Le message de Tournier semble etre que la calligraphie islamique peut sauver les gens de l'Afrique du nord de la culture de la consommation parce que leurs communautés sont de tradition musulmane. Elle ne fera rien pour nous autres qui sont de communautés traditionnellement catholiques.

Rêves et desillusions d'un oasien qui quitte son pays pour venir vivre à Paris.

L'auteur le dit lui-même dans l'une de ses interviews : ses romans ne sont que des prétextes pour faire passer “de la philosophie de contrebande”. Ce à quoi on peut objecter en citant la fameuse phrase qu'aurait prononcée Mallarmé : “Ce n'est pas avec des idées que l'on fait des vers, mais avec des mots”. En effet, si les réflexions de Tournier sur les dangers d'une société de l'image véhiculée par la culture occidentale sont extrêmement pertinentes, si la comparaison apportée par la civilisation “arabe” est bienvenue, la répétition des situations, le manque de subtilité des démonstrations et la sécheresse du style peuvent en décourager plus d'un.