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Critique de gavarneur


Si vous n'avez pas le temps de lire cet avis, contentez vous de l'expression de mon énorme gratitude envers l'éditeur La Baconnière (de Genève) pour la publication de cette première traduction française*, et abordez par vous-même au plus vite Federigo Tozzi. Merci à l'éditeur et à masse critique de m'avoir permis cette découverte :
comme vous probablement, j'ignorais jusqu'au nom de cet auteur Italien mort très jeune en 1920, connu d'abord surtout comme poète et journaliste, puis redécouvert et admiré à partir des années 1960. Ce recueil posthume se compose de deux parties (Les Choses, Les Gens), qui font suite à un premier volume de courts poèmes en prose paru en 1917 : Les Bêtes.

Commenter la poésie m'a toujours paru risqué et difficile, mon avis est peu stable et souvent peu clair. Permettez-moi de commencer par la fin : Les Gens est d'un abord plutôt facile. Il s'agit le plus souvent de portraits ou de courts récits à propos de personnes souvent campagnardes, simples, pauvres ou presque. Les premiers textes, d'une page ou deux, prennent le temps d'une description physique ou psychologique des Gens ; que le narrateur dise « je » ou qu'il se tienne à distance, il nous transmet son empathie pour ces personnages qu'il nous rend immédiatement présents et vivants. Les derniers textes, plus courts, ressemblent plus à ceux de la première partie : impressions fugitives, haïkus, et esquissent peut-être, par leur suite sans cohérence immédiatement apparente, le portrait torturé de l'auteur.

Torturé ? Je dirais au moins que le narrateur propose parfois des visions surréalistes, qui ont pu me rappeler L'homme est un grand faisan sur terre de Herta Müller. Au dos du livre éclate cette citation de Giorgio Manganelli « L'oeuvre de Federigo Tozzi est à mi-chemin de la ville de Sienne et de la névrose. » Me fiant à mes impressions sur ce volume seulement, j'aurais dit : à mi-chemin de Rome et de la psychose.

La première partie comporte des textes de quelques lignes à une page environ. Beaucoup de visions de la campagne (Siennoise, peut-être), mais aussi d'horizons romains. Il y a de purs moments de poésie, des impressions qui m'évoquent des haïkus, des réflexions de poète exilé loin de la ville comme dans Platero et moi de Juan Ramón Jiménez, des images simples mais aussi des analyses de sentiments d'une délicatesse proustienne. C'est dans la notice italienne de Tozzi sur Wikipedia que j'ai trouvé ce qui est mon sentiment dominant : « Tozzi utilise les formes traditionnelles du réalisme uniquement pour exprimer sa vision particulière de la réalité qui tourne autour de l'inaptitude comme une incapacité de l'individu à résister aux nouvelles exigences de la vie. » Inaptitude, désenchantement, mais aussi volonté de se fondre dans la nature, dans les choses peut-être. Certains textes sont d'une grande complexité en quelques lignes, j'ai souvent dû y revenir, parfois dubitatif, presque toujours admiratif.

La belle postface de Philippe di Meo donne beaucoup de pistes savantes, il parle de l'unité stylistique de l'oeuvre, qui ne m'est apparue qu'a posteriori. Lisez-là, mais auparavant laissez-vous emporter : c'est, après le Spleen de Paris, un des livres de poésie en prose qui m'ont le plus ému.

*C'est encore José Corti qui a fait découvrir Tozzi au public français en publiant Les Bêtes en 2011, déjà dans une traduction de Philippe di Meo.
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