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Citations sur La Princesse et le Pêcheur (48)

Le dogme et la terminologie communiste restaient de rigueur dans tous les domaines - politique, culturel, social, scolaire. Mais s'il poursuivait certaines persécutions d'antan, le régime laissait toute liberté à l'économie ; désormais, on encourageait les entrepreneurs à se lever tôt pour travailler à leur enrichissement et celui du pays. La carte du parti était le seul sauf-conduit exigé. Le PC vietnamien avait décidé que le marché boursier, la loi de l'offre et la demande, la libre concurrence, le commerce à tout crin et une croissance à deux chiffres étaient par essence communiste, ils l'étaient donc devenus, ce n'étaient pas plus compliqué.
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Dans le monde de Nam comme dans le mien, il n'y avait pas de place pour le bruit, les cris, la colère. On ne brandissait pas sa souffrance, on l'étouffait. Et s'il était permis de paraître triste ou fatigué, se plaindre ne faisait pas partie des usages. Nous avions reçu une éducation fondée sur le culte de la performance scolaire et du travail bien fait, la sacralisation de la famille (fût-elle au troisième degré), mais aussi, et surtout, la maîtrise de soi. Confier à d'autres ses soucis n'était pas quelque chose de naturel, et c'est peut-être bien pour cette raison que je n'ai rien dit à Nam de mon sentiment d'isolement face à mes camarades de classe, du chagrin qui s'emparait de moi quand je pensais à ma grand-mère, de mes efforts pour être la fille bien comme il faut que désiraient mes parents, de la bizarrerie de nos rapports, où l'incompréhension et le respect faisaient jeu égal.
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Chaque jour de la semaine, je profitais de la pause de midi pour m’installer dans le CDI du collège, une petite salle meublée de tables rectangulaires en aggloméré, et ponctuée de rangées de livres semblables à un jeu de panneaux coulissants derrière lesquels se réfugier. J’aimais le silence qui régnait dans l’espace rendu désert par une bibliothécaire qui ne tolérait pas le bavardage ; la plupart des élèves traînaient dans la cour ou préféraient se regrouper dans la salle de permanence du rez-de-chaussée. Après avoir déposé mes affaires sur une table, je partais en exploration. J’avais un rapport compulsif à la lecture et ne suivais aucun conseil particulier ; je me contentais de passer le doigt sur les rayons pour m’arrêter au hasard sur un volume ou un autre. Je l’empruntais et, s’il me plaisait, lisais toutes les œuvres de son auteur. Je me suis ainsi peu à peu constitué une culture éclectique, mais à trous, et dénuée de toute hiérarchie. Aragon, Eluard, Flaubert, Giono, Hugo, Kessel, London, Maupassant, Mishima, Nabokov, Racine, Sagan, Stendhal, Tchekhov, Zola, Zweig… Je mettais tout sur le même plan, déchiffrant les signes comme un bulldozer rase une maison. J’espérais disparaître entre les lignes ou dans le blanc des marges pour oublier les réalités des cours, de la cantine, et des bastons à la récré. Les mots m’arrachaient au collège et à sa morne laideur – des parois de béton recouvertes de tags entourant une cour grise et grillagée, où les lignes délimitant des terrains de foot, de basket et de handball achevaient de s’effriter.
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Films et romans m'aidaient à supporter l'ennui des jours alignés les uns après les autres comme des voitures embouteillées, et je ne me préoccupais guère, alors, des rapports qu'entretenaient le réel et la fiction ; le monde mis en mots ou fixé sur pellicule était plus riche que celui que je côtoyais tous les jours, voilà tout, et j'en avais fait ma nourriture, ma drogue, ma perfusion.
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Projeter mes doutes et mes questions sur un bout de terre que je n'avais encore jamais vu me semblait trop facile, de la même façon que me lancer dans des recherches généalogico-historiques n'auraient été qu'un pretexte pour me donner de l'importance et vivre le semblant de tragédie qui manquait à ma vie tranquille, sans rien qui dépasse ou dérange. Il était aussi inutile de nier que de se charger du poids du passé : connaître l'histoire de ma famille et l'assumer pouvait être considéré comme un devoit, en aucun cas comme une raison d'être. J'avais soif non d'un improbable héritage mais de bruits, d'odeurs, de couleurs qui donneraient chair à un nom abstrait - Vietnam.
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On parle de double culture, de racines transplantées dans un autre sol, d'héritage à conserver tout en s'intégrant, mais on oublie qu'en réalité, les êtres nés ici et vivant là ne sont de nulle part. Leur identité oscille entre deux pôles qui tantôt cohabitent, tantôt s'affrontent, plaques tectoniques qui se heurtent et créent des séismes, montagnes et ravins, une reconnaissance du décor que l'on aurait crue impossible quelques instants plus tôt ; alors on avance sur cette terre nouvelle sans trop savoir où l'on va, espérant toujours qu'à la fin, on trouvera une voie qui nous révélera notre place ici-bas...
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On m’a fait entrer dans le petit salon où il m’attendait. Bergères tendues de satin, bibelots dorés, feu dans la cheminée, le décor semblait celui d’un film. Toutefois Haruki Murakami, qui s’était levé de son fauteuil pour m’accueillir, était bien réel, et j’ai senti un brusque coup au cœur en me retrouvant face à celui dont les romans avaient infusé tous les songes de mon adolescence. L’air réservé, l’œil pétillant, il portait des jeans et une simple chemise blanche. Il n’était pas très grand, mais il avait beaucoup de charme : ses yeux noirs surmontaient des pommettes légèrement saillantes et des lèvres sensuelles qui dessinaient un fin sourire. Ses gestes étaient vifs et précis. Nous avons entamé l’interview. Malgré les dires de l’assistante, il s’est prêté au jeu de bonne grâce, et nous avons discuté en anglais pendant presque deux heures. Sa prédilection pour les rêves et les symboles ésotériques, sa fonction de passeur entre Orient et Occident, l’importance qu’il accordait à la mémoire individuelle et collective, sa tendance à mélanger les genres (polar, SF, histoire d’amour) et les références (à la culture classique et à la pop culture)… Les sujets ne manquaient pas.
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Plusieurs années se sont écoulées Je suis devenue journaliste. Un beau matin, on m'a proposé de prendre l'Eurostar pour un entretien avec un écrivain de passage à Londres. J'ai accepté sitôt son nom prononcé : Haruki Murakami.
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