Citations sur L'expert (19)
- Maggie.
- Quoi donc ?
- Rien. Je dis ton nom.
- C'est gentil. Ca n'est pas un nom bien extraordinaire. Pas romantique. Pas de voyelles à faire chanter, comme Diane, Alexandra ou Thomasyn. Maggie, c'est un nom plein de substance. Charnu. On peut ne pas se perdre à rêver d'une Maggie, mais on peut toujours se fier à une vieille bonne Maggie.
Des filles clopinaient vers leurs bureaux, chaussées de ces engins à épaisses semelles en plastique qu'un héritier de Picasso avait infligés à la confection de masse, leur démarche trahissant déjà l'allure caractéristique des femmes anglaises : pieds écartés, genoux fléchis, dos raide, comme si elles souffraient d'une affection chronique du rectum. Des jambes consistantes révélées jusqu'à l'aine par les minijupes, d'énormes seins un peu flasques qui giclaient à l'extérieur de soutien-gorge trop serrés, des voix dévastées par l'accent rauque du nord de Londres, des teints gâtés par le penchant anglo-saxon pour les régimes sans vitamines. Des corps pâteux dans des esprits pâteux. Anomalies gastronomiques. Grosses pouffiasses.
Le Swinging London.
L'aube pointait à peine lorsqu'il chargea sa valise dans la Lotus jaune, et il ferma le coffre avec douceur afin de ne pas troubler le silence brumeux. Il avait les mains trempées par la couche de rosée qui recouvrait la voiture. Un oiseau lança une note, comme s'il cherchait le soutien de ses congénères pour le confirmer dans l'idée que cette grisaille hésitante pourrait être le matin. Aucune confirmation ne vient. Il n'y avait pas de ciel.
- Ah, murmura Jonathan, qui donc a dit que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ?
- Vous avez les yeux d'un homme sage, monsieur. Pourquoi rechercher la souffrance ?
- Vous savez, P'tit Noël, vous avez une magnifique façon de dire "monsieur". Quand vous utilisez ce mot, il sonne comme une insulte.
- Oui, monsieur, je sais.
Dès l'instant où Jonathan Hemlock mit le pied dans le salon bourré de monde, il regretta d'être venu.
Autrefois je redoutais l'idée de devenir une vieille femme laide. Mais maintenant que j'en suis là, je peux te dire une chose : c'est encore bien pire que d'être une jeune femme laide.
Elle tournait le dos à la fenêtre, et la lumière humide et diffuse qui filtrait par les carreaux illuminait son visage avec une précision chirurgicale peu flatteuse. Ses courts cheveux noirs, parsemés de gris, semblaient sans vie, et les rides creusées dans son maigre visage traçaient une biographie en hiéroglyphes d’esprit et d’amertume, de rire et d’intelligence – de réussite sans accomplissement.
Ces jeunes avaient leurs qualités. Ils étaient, à n'en pas douter, plus satisfaits de leur sort que sa propre génération accro à la réussite. Et ils étaient plus en paix avec la vie, plus conscients des problèmes écologiques, plus écoeurés par la guerre, plus ouverts aux problèmes sociaux.
Morveux inutiles.
C'était un club typique : une bonne adresse pour déjeuner avec une salle à manger vaste et confortable où le linge de table était aussi guindé que la conversation et où l'on était servi par des serveuses à l'air de grand-mère au teint couleur de pudding du Yorkshire. Le vin en carafe y était convenable, et il y avait de lourds et profonds fauteuils de cuir dans le salon pour prendre café et cognac, et pour être vu bavardant avec des gens qui voulaient être vus bavardant avec vous. En tant qu'institution, elle était frappée de l'affliction du catholicisme anglais : ce n'était plus ce que c'était jadis. Il n'y avait tout bonnement plus l'argent nécessaire pour entretenir de pareils monuments puisque le socialisme britannique, ayant échoué dans ses tentatives de partager les richesses, s'évertuait maintenant à faire partager la pauvreté.