L'homme dans le puits
Autrefois, un homme avait été condamné à mort pour quelque affaires. Comme il était attaché dans sa prison, il craignit de mourir et parvint à s'enfuir ; d'après les lois du royaume, quand un condamné à mort s'évadait, on lâchait un éléphant furieux pour qu'il le tuât en le foulant aux pieds. On lâcha donc un éléphant furieux à la poursuite de ce criminel ; celui-ci, voyant que l'éléphant allait l'atteindre, courut s'introduire dans un puits très profond. En bas était un grand dragon venimeux qui tournait vers le haut sa gueule grande ouverte ; des quatre côtés du puits étaient quatre serpents venimeux ; il y avait une racine à laquelle le condamné, saisi de terreur, s'était cramponné de toutes ses forces, mais deux rats blancs la rongeaient.
Or, au-dessus du puits, se trouvait un grand arbre où il y avait du miel. En l'espace d'un jour, une seule goutte de ce miel tombait dans la bouche de cet homme, mais quand il eut obtenu cette unique goutte, il ne songea qu'à ce miel sans plus se préoccuper des maux de toutes sortes qui l'environnaient et même il ne désira plus sortir de ce puits.
C'est pourquoi un saint homme a pris son histoire pour en faire un apologue. La prison, c'est les trois mondes où sont emprisonnés tous les êtres vivants ; l'éléphant furieux est l'impermanence ; le puits est la demeure de tous les êtres vivants ; le dragon venimeux qui se trouve au fond représente les enfers ; les quatre serpents venimeux sont les quatre éléments dont est composé le corps humain ; la racine est la tige de la vie humaine ; les rats blancs sont le soleil et la lune qui dévorent la vie en sorte que jour après jour elle s'abrège sans répit. Cependant tous les êtres vivants s'attachent avec avidité aux joies de ce monde et ne songent pas aux grands maux. C'est pourquoi l'homme qui pratique la Voie doit considérer l'impermanence afin de s'affranchir de la multitude des souffrances.