Et puis, le soir, mon père est arrivé...
Et il savait.
Ma mère ne lui avait pas dit...Enfin pas vraiment...
Mais dès qu'on l'a vue, on a sur qu'il savait.
Tout en lui le disait...
Il avait eu dix-huit heures de train et de correspondances pour tourner et retourner dans sa tête ce qu'elle lui avait dit et ce qu'elle avait tu.
Dix-huit heures pour interpréter chaque intonations, chaque hésitation... l'urgence de sa voix.
Alors, en arrivant à Morlaix, il savait.
Et là, dans cet insupportable ailleurs, au milieux de nous tous et du reste du monde...
Maman et Papa étaient absolument seuls.
Mais in fine, eût-il été condamné à nous verser des millions ou à passer 10 ans au trou, Gilles n'en eût pas été ressuscité pour autant. On ne peut pas "réparer" l'irréparable .
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Le temps et l'âge m'ont appris que dans la vie, la plupart du temps, on fait ce qu'on peut plutôt que ce qu'on veut.
Parfois , on est sidéré de constater que la vie - on ne sait comment- a continué. On est sorti de l’abîme , mais doucement , sans qu’on s’en rende compte , ça change. Puis un jour, on réalise avec surprise , qu il y à longtemps qu’on n’y a pas pensé.
De mon côté, à l'été 1977, j'avais décrété que j'avais une vie à vivre et que, dans celle-ci, ce qui était vraiment important, c'était (sans ordre hiérarchique) d'aimer, de baiser et de dessiner, et que par conséquent, au bout d'un an de larmes et de désespoir, basta, mon deuil était fait. Et du jour au lendemain, je suis passé à autre chose.
Mais il y a eu des trous d'air...
À ne plus savoir que faire de sa peau...
À ne plus savoir qui on est...
À se dire qu'on ne l'a peut-être jamais su...
À flirter avec les gouffres...
À comploter avec la mort.
Le temps et l'âge m'ont appris que dans la vie, la plupart du temps, on fait ce qu'on peut plutôt que ce qu'on veut.
Mort... On connaît le mot, on sait ce qu'il veut dire. Mais on ne le comprend pas. On ne peut pas le comprendre. Quelque chose en nous s'y refuse.
Moi, j'aurais voulu en parler... Mais je sentais bien que c'était impossible.
Je sentais que parler de Gilles réveillerait un tsunami émotionnel. Et il faut bien le dire, j'avais du mal à regarder en face la peine de mes parents... Alors, moi non plus, je ne disais rien.
Parfois, on est sidéré de constater que la vie - on ne sait comment - à continué. On croyait ne jamais sortir de l'abîme, mais doucement, sans qu'on s'en rende compte, ça change. Puis un jour, on réalise avec surprise qu'il y a longtemps qu'on n'y a pas pensé.
Les condoléances, c'est le rituel du réconfort qui ne réconforte pas, mais si, quand même un peu. C'est le moment de ceux qui ne sont pas assez proches pour être venus à domicile et de ceux qui ne se lassent pas de les présenter.