L'odeur du métro lui souleva le cœur. Les gens qui l'entouraient avaient des visages las, des vêtements défraichis. Comment pouvaient-on aimer la pauvreté ? Pendant qu'il souffrait dans cette foule besogneuse, Gilles feuilletait paresseusement des livres d'art, caressait du regard un dessin de Matisse, une aquarelle de Dufy. De temps en temps, la rame s'arrêtait dans une caverne de faïence aux affiches multicolores et un flot de voyageurs montait à l'assaut des wagons. Il y avait trop d'hommes sur terre.
Emmitouflé dans sa robe de chambre, le cou entouré d'un foulard, une couverture sur les genoux, il s'installa à sa table et dîna d'une sardine et d'un bout de gruyère.
La mort va mal à la jeunesse.
– Comment se trouve-t-il encore des gens pour admirer cette bonne femme ? dit Gilbert en se plantant devant la Joconde.
Quelques visiteurs tournèrent vers lui des regards indignés.
– Viens, dit Jean-Marc en lui touchant l’épaule.
– Je ne peux pas, dit-il. Elle me fascine. Mais pas par sa beauté, par sa bêtise. On devrait inventer un verbe pour désigner l’imbécillité satisfaite de ce visage. Le verbe “joconder” !...