Le bouddha blanc

L'être humain est la seule créature du monde à considérer comme un crime le fait de tuer ses congénères. A l'origine, l'homme n'était rien de plus qu'un animal, il ne faisait pas exception à la règle des plus forts dévorant les plus faibles. Le fait de naître n'incluait-il pas celui de périr ? Voilà pourquoi la guerre ne disparaitra jamais. L'homme donne libre cours à cet instinct animal dont Dieu l'a doté en le créant.

Hier encore, il était un jeune homme. Le temps avait passé en un clin d'oeil, il était maintenant presque un vieillard.

Kiyomi entoura I'épaule de Minoru de son bras.
«Le... le chagrin, ça existe parce qu'on est vivant. Quand on est mort, on ne souffre pas. Ce... ce sont seulement les vivants qui imaginent que les morts souffrent. La mort se situe dans un lieu totalement au-delà de la logique.
- Alors, il n'y aurait pas de paradis ?» demanda Minoru.
Kiyomi secoua la tête sans l'ombre d'une hésitation. «Non. »

"La...la mort fait partie de la vie. Tout finit par disparaître. C'est terrible, mais tout le monde se fait une certaine image du paradis, et c'est sûr qu'il existe, le paradis, oui, mais seulement dans l'esprit des vivants. Les morts, ils n'ont plus rien à voir avec ça. Quand on est mort, tous les liens avec le monde de la réalité sont tranchés."

Un flocon de neige tomba en tourbillonnant sur le fusil 1906. Pétrifié, il regarda ce paisible flocon achever sa chute. Ainsi posé sur le canon de cette arme meurtrière, ce duvet blanc ressemblait à un fragile insecte des régions septentrionales. Il rapprocha le fusil et concentra son regard sur les cristaux qu'il distinguait clairement. Son extrême tension anesthésiait ses sensations. Il trouva ces cristaux indiciblement beaux, d'une beauté improductive qui lui procura un apaisement passager au milieu de ce duel à mort. Cependant, il suffit d'un souffle de son haleine pour faire fondre le flocon et mettre un terme à ce fugitif instant.

Minoru aimait observer la lumière du soleil. Il l'aimait parce qu'elle se déversait impartialement sur tous les êtres, unique bien distribué à tous , pauvres ou riches.

«J'ai réduit beaucoup de gens en fumée, mais j'ai compris une chose. L'enseignement bouddhiste sur le paradis de la Terre Pure est nécessaire aux êtres humains. Mais il n'a d'utilité que sur cette terre, pas dans l'au-delà. Je suis persuadé que dans l'autre monde nous ne pouvons plus penser comme nous le faisons ici-bas. Il me semble que chacun d'entre nous, quel qu'il soit, retourne au néant. Quand le corps se calcine, riches et pauvres, tous égaux, se muent en fumée qui monte dans le ciel.»

Il est des souffrances que seuls peuvent comprendre ceux qui ont déjà tué un de leurs semblables.

L'important, c'est de vivre de la façon que tu considères juste pour toi-même, tout en respectant les opinions d'autrui.

... il y a plein de choses qu'on ne sait pas parce qu'on est trop petits. Jouer au soldat, c'est un jeu de gamins, comparé à ce que font les hommes et les femmes tout nus.