Citations sur La domination (26)
Nous échouons à ne pas nous laisser gagner par l'affectif, le sentimentalisme, le désir de possession, nous échouons à refuser, à renoncer, nous devenons ce que nous haïssons, nous échouons à résister à la tentation corruptrice de l'écriture.
C'est puéril, c'est ridicule, aucun éditeur n'utilise les éléments fictionnels contre son auteur. C'est une simple allusion érotique, sans arrière-pensée particulière mais pour moi, il y a autre chose derrière l'énoncé de ce nom sous lequel j'écris désormais et qui aurait pu être le mien - une façon de me nommer, de m'attribuer une identité, de me donner une nouvelle place dans la société et de me restituer celle qui aurait dû être la mienne au sein de ma famille, de ma lignée, de mon peuple.
Je ne vivrai plus jamais avec une femme. J'ai été amoureux une fois, il y a longtemps (2000-2002). J'en ai gardé un souvenir effroyable comme si j'avais été un touriste kidnappé dans un pays ravagé par une guerre civile. Je ne suis pas fait pour l'amour comme d'autres ne sont pas doués pour le sport ou les mathématiques.
J'ai vingt-six ans, je vis avec mon grand-père paternel. Vivre auprès d'une personne âgée modifie votre géographie intime et planifie votre désordre intérieur. La vieillesse est une maladie contagieuse; je l'ai contractée très tôt.
J'allais échouer là où les femmes de mon père avaient échoué. L'attirance pour un homme complexe, ambigu, un juif qui n'a pas soldé ses comptes avec son enfance, ses doubles, son histoire. La captation de l'échec.
Vous aimez les rumeurs, les commérages, les brèves de comptoir, tout ce qui alimente votre machine sociale. La vie sexuelle des autres vous passionne : « C'est plus fort que moi, j'aime savoir qui couche avec qui, on en sait plus sur ses ennemis quand on connaît leurs partenaires sexuels. »
Le dernier tabou. Après l'adultère, l'inceste, les filiations secrètes, les doubles vies, voici la polygamie. Voici la pornographie, la tyrannie domestique. A la fin du XXe siècle. Chez des petits-bourgeois juifs. Plus précisément chez Jacques Lance, le défenseur de la morale, l'icône humanitaire — un intouchable.
Les ambivalences humaines, nos obsessions et nos vices — les fautes que nous assumons et celles de nos pères dont nous payons le lourd tribut jusqu'à la cinquième génération, nos péchés d'orgueil, toutes les trahisons qui font de nos vies le théâtre de nos excès -, j'en ai fait des livres, mais la réalité est plus ambitieuse que la fiction. Nous pouvons bien la travestir, la corseter en entre-tissant les fils du mensonge social — serrez, serrez fort -, nous pouvons essayer de la rendre décente, elle se déshabille toujours pour nous montrer sa vérité.
Incroyable ambiguïté identitaire, toujours cette plume acerbe qui va vous chercher là où vous vous y attendez le moins. Après l’invention de nos vies, un deuxième bijou.
La réalité est plus ambitieuse que la fiction.