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3,37

sur 244 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« L'histoire des Kant est celle d'un monde condamné, le monde de l'abstinence et du mensonge, du capitalisme meurtrier et de la connivence, asseyez-vous, et écoutez. »

Oui, écoutons Karl se confier à cette journaliste qui écrit sur les Kant, des industriels allemands riches et influents depuis plus d'un siècle.
Karl a longtemps été à leur service, homme à tout faire, homme de confiance. Il vient de se faire remercier, suite à un scandale qui a éclaboussé la famille.
Antipathique, agressif, imbu de lui-même, le vieillard se présente longuement, en préambule, interpellant et rudoyant la journaliste. Puis il en vient aux faits, à ce qui a défrayé la chronique : les déboires de l'héritière Juliana Kant, sa chute de 'six mois et six jours'.

« L'argent, les femmes, le pouvoir, la renommée. »
Ces thèmes sont au coeur des trois romans de Karine Tuil que je viens de découvrir. De même que ceux des relations homme-femme, de la famille & de la religion, de la responsabilité/culpabilité et de la justice.
Ce récit est plus court que les deux autres*, mais tout aussi intense, pertinent et percutant. L'écriture ciselée et le décor du point de bascule rappellent le talentueux Stefan Zweig.
L'auteur s'est visiblement inspirée d'une célèbre famille allemande au nom proche. Je ne sais pas si leur parcours est le même. Je n'ai aucun mal à croire, en revanche, à la funeste histoire...
___

* 'Les Choses humaines' (2019)
'L'Invention de nos vies' (2013)
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Juliane Kant, la femme d'un des plus riches industriels d'Allemagne, se laisse séduire par Herb Braun, dont elle ne connait rien et après l'avoir vu seulement deux fois. Tout cela sous les yeux de son majordome, par ailleurs narrateur du récit, qui sera congédié suite à cet épisode pour ne pas avoir pris de renseignements sur l'amant de sa patronne.

Car Braun n'est pas celui qu'elle croit, un jeune homme inoffensif, victime comme elle de la passion amoureuse. Et quand il décide de tout révéler de leur liaison, à l'aide de dvd filmant leurs ébats, le récit s'emballe.

Derrière une banale affaire d'adultère, Karine Tuil nous offre un récit grandiose sur le poids du passé, inspiré d'un fait divers retentissant outre Rhin. Deux scandales ont en effet sali l'héritière de l'empire Varta-BMW: une affaire de chantage, et la révélation de la participation de l'entreprise familiale à la machine de guerre nazie.

Car se pose la question des motivations de Braun? Une supercherie crapuleuse, ayant pour but de s'enrichir ou la vengeance d'un homme meurtri par le passé? le récit bascule ainsi vers l'un des chapitres les plus sombres de notre histoire, avec en exergue une question: sommes nous responsables des fautes de nos ancêtres, alors même que nous n'étions pas nés lorsqu'ils les ont commises?

Surprenant, d'apparence léger mais d'une extrême gravité, ce roman vertigineux, qui se déguste notamment grâce à une écriture somptueuse et une extraordinaire manière d'amener les divers éléments qui composent le récit, offre une profonde réflexion sur la responsabilité et la transmission de la mémoire. Petite et grande histoire se mêlent et l'auteure aborde plusieurs thèmes comme la passion et la trahison amoureuse, l'antisémitisme, la déportation des juifs, la barbarie, l'incidence des destins individuels sur l'histoire collective. Je n'en dis pas plus et vous laisse découvrir ce texte savoureux, qui a fait partie de la seconde sélection du prix Goncourt. Gageons que Karine Tuil le décrochera un jour, car elle fait partie de ces romancières contemporaines, qui ont un univers bien à elle et un réel talent d'écrivain. Une des très bonnes surprises de cette rentrée littéraire 2010. Qui se lit en deux petites soirées mais vous marque à jamais.
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un livre plaisant,bien écrit,une histoire prenante et des personnages forts et attachants
Karine Tuil a un style, une empreinte, elle sait donner du volume à ses personnages et nous emmener dans un univers dont elle a le secret.
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Le narrateur a été pendant de longues années le conseiller de la famille Kant, des industriels aisés. Il connait tous leurs secrets et décide d'écrire leur histoire. Cet homme est très cynique et on a l'impression qu'il se venge. Il raconte notamment la naïveté de la fille de famille qui accepte tout de son amant, jusqu'au jour où elle découvre qu'elle s'est faite avoir, c'est un gigolo. On apprend aussi l'histoire cachée de la famille : leur passé nazi. Pas complètement volontaire certes, mais qui leur a apporté cette fortune. Très bien écrit et passionnant. Je suis surprise qu'il y ait tant de critiques négatives. Personnellement, j'ai adoré son style.
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j'avais laissé ce petit roman prendre la poussière sur ma table de nuit. Et pourtant quel plaisir de se plonger dans un roman dont je n'avais jamais lu l'auteure et pour lequel je n'avais aucune idée de ce que j'allais y trouver ( pas de critiques fraiches radio/télé ). Une vraie plongée dans l'inconnu !
Lorsque le narrateur prend la parole pour une interview enregistrée par une journaliste, on est immédiatement plongé dans l'univers de la famille Kant. Même si le récit est d'un style assez simpliste, (inhérente à l'utilisation du système narratif du dialogue), l'histoire familiale est assez complexe.
Ce narrateur est donc l'homme de confiance des Kant qui doit s'occuper de Juliana, une des femmes les plus riches de l'Allemagne d'aujourd'hui, et petite fille d'un homme au passé trouble lors de la seconde guerre mondiale.
Mais le scandale qui éclabousse les Kant, ne provient apparemment pas de cet indicible passé, mais de Juliana qui se trouve confrontée à un gigolo maître chanteur ! Et le serviteur qui nous expose les faits, a été viré pour son incompétence à mettre Juliana à l'abri de ce genre de prédateur. Ce dernier a en effet en "six mois, six jours" anéanti la réputation de la femme la plus en vue de la famille Kant.
La force de Karine Tuil est de promener le lecteur dans un imbroglio narratif digne d'un bon roman policier. D'une petite "histoire de fesses" découle une vraie intrigue historique, prenante.
Un régal que je conseille et qui me donne encore plus envie de plonger prochainement dans "L'invention de nos vies", roman phare de la rentrée littéraire 2013.
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Ce livre est un gros coup de coeur, une belle surprise choisie au hasard pour un rendez-vous que j'adore chez Calypso. Un livre passionnant, fascinant, et qui une fois encore, donne une leçon d'écriture, du genre grosse claque... Non je ne suis pas jalouse, juste subjuguée devant une telle maîtrise du sujet et de la langue... une claque, je vous dis.

Que je vous raconte.

Karl Fritz a été l'homme à tout faire des Kant, pendant plus de quarante ans, avant d'être liencié. Il décide d'écrire un livre sur cette très riche famille allemande et révèle à une journaliste, au cours d'une confession violente et fiévreuse, le passé plus que trouble de cette famille.

Juliana, la fille des Kant, mal mariée, est tombée follement amoureuse d'un gigolo maître chanteur. Mais cette liaison n'est que la partie émergée de l'iceberg. Elle va mettre en lumière les activités industrielles des Kant sous le Reich, et les liens de Magda Goebbels avec le grand-père Kant, dont elle fut la première épouse. Elle nous apprend que Magda, pour épouser Kant, a renié un père adoptif qui l'adorait, parce qu'il était juif...

Karine Tuil fait dire à Karl Fritz : "vous écrirez pour dire ce qui vous échappe, ce qui est irreprésentable, ce qui est perdu. Ecrivez ! Et soyez infidèle aux faits- les reconstitutions sont l'affaire de la police, pas des écrivains. "C'est ce qu'elle fait dans ce roman, mêlant fiction et réalité, évènements historiques et romanesques, de façon tellement brillante que l'on finit par ne plus se demander ce qui est vrai ou pas dans ce récit. Finalement, peu importe. On est embarqué, c'est tout, dans l'histoire de ces gens, "qui ont une faille, ne riez pas, le talon d'achille des Kant, c'est le désir sexuel. Placez un Kant dans un lit et vous obtiendez un scandale, une bombe, un retournement historique, une guerre, un crime contre l'humanité. le lit des Kant est devenu le théâtre de toutes les opérations humaines. Dans leur lit, le monde jouit et meurt." (p. 86)

le désir sexuel, la séduction, "la conquête amoureuse" pour reprendre les mots de Bernard Pivot (dixit la quatrième de couverture) sont bien au coeur de "Six mois, six jours". L'amour surtout. Celui de Juliana pour Braun, celui de Auguste et du père de Magda, tourmenté, destructeur, celui d'un père pour sa fille, devenue un monstre de froideur et d'ambition... A ce propos, Karine Tuil nous offre des pages tellement sublimes que j'ai eu vraiment beaucoup de mal à choisir un passage en particulier. J'ai souligné, souligné... J'ai fini par choisir celui-là, une seule longue phrase, aussi haletante que la femme qu'elle décrit. Lisez comme c'est beau :

Dans l'anonymat d'une chambre d'hôtel, l'une des femmes les plus puissantes d'Allemagne se donna à un homme dont elle ne savait rien, qu'elle n'avait vu que deux fois dans sa vie, et qu'elle avait pourtant suivi sans lui poser aucune question, sans avoir obtenu le moindre renseignement, ignorante, inconsciente, sans résistance, violant nos impératifs sécuritaires, sa morale personnelle, ses convictions, elle l'avait suivi parce qu'elle ne pouvait pas lui dire "non", mot abscons, imprononçable, qui limite et qui restreint, elle avait perdu tout contrôle, toute capacité de jugement, elle était une proie, une poupée de chiffon, une chose molle et sans volonté entièrement commandée par sa matrice, elle était cette femme qui capitulait sans avoir été torturée, violentée, elle se rendait, se soumettait avec une jubilation nouvelle, une excitation guerrière, elle était une machine à aimer, qui hurlait, haletait, et sa voix était un gémissement, un soupir qui gonflait, elle était cette femme résignée, égrotante, à genoux devant lui comme devant un prie-dieu, cherchant la protection, réclamant la servitude, inféodée au pouvoir d'un dieu étranger, cette femme qui traînait à terre, nue, hirsute, écheveléee- voilà pourquoi je déteste l'amour: les papillons redeviennent des larves". (p.83)

L'amour n'est jamais loin du désamour. Juliana humiliée par son amant, indifférente à son mari réduit à un "associé procréateur", Auguste et son mari dont le mariage tourne à la détestation, Karl Fritz rejeté par une famille à qui il a tout donné, Magda qui se détourne sans remords d'un père qui l'aime follement... Les dernières pages du roman, lettre-confession de Friedländer, sont parmi les plus déchirantes que j'ai pues lire :

"J'espérais que Magda interviendrait, qu'elle stopperait la folie meurtière de son mari en effaçant mon nom du livre de la mort, qu'elle ressurgirait dans ma vie pour y reprendre sa place car j'avais été son père, un père aimant et protecteur, un père qu'elle avait renié, oublié, sous la pression d'un homme, par aveuglement politique, et en quoi, me demandais-je, en quoi hurlais-je, ma judéité altérait-elle mon amour pour elle?" (253)

Sublime. Sublime. Sublime. Si vous trouvez que j'en fais trop, lisez ce livre. On en reparle :-)



Lien : http://bgarnis.canalblog.com/
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C'est l'histoire d'une richissime héritière d'une grande famille d'industriels allemands, Julianna. Élevée dans un protestantisme « froid, austère, dont le respect scrupuleux est organisé autour du devoir - le devoir et rien d'autre » elle se laisse séduire par un homme scandaleusement séduisant qui va lui ouvrir les portes de la légèreté, de l'abandon de soi comme posture. Cette histoire est vite rattrapée par l'autre, celle avec un grand H. le séducteur s'avère être un maître chanteur venu réclamer justice pour ce que cette grande famille allemande a fait endurer à son père durant la seconde guerre mondiale comme à tant d'autres. Envoyés dans des camps, exploités dans les usines allemandes, leur espérance de vie n'excédait pas 6 mois. Puis c'est l'histoire de Magda seconde épouse de l'industriel allemand, la grand-mère de Julianna, qui pour épouser ce riche homme d'affaire avait dû embrasser le protestantisme et renoncer à son père de coeur, un juif. Cette même Magda qui épousera Goebbels à la suite. La religion si elle ne nous sauve pas d'une mort certaine, ne s'offusque pas de l'ignominie. Mais c'est avant tout l'histoire d'un homme, de confession juive, qui a aimé et élevé une enfant comme s'il se fut agi de la sienne et dont la fille n'hésita pas un instant à le rejeter « non pas pour l'amour d'un homme - pour l'amour il l'eut compris et accepté -, ni même pour celui d'un père, non, elle le rejetait par ambition sociale. Elle le repoussait comme on avance ou recule un pion, par stratégie, calcul. Pour gagner », cet homme sera envoyé à la mort, tout juif qu'il était. Ne serait-ce finalement l'histoire d'un homme mort deux fois...
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