Il y a des auteurs qui appartiennent au patrimoine du manga, c'est le cas de
Kazuo Umezu et parmi ses oeuvres l'une d'elles a marqué plus d'un lecteur à travers les générations : l'Ecole emportée, l'un des premiers survival japonais avec une touche de SF.
Sortie en 1972 dans son pays d'origine, il aura fallu attendre 2004 pour que Glénat nous le propose. L'éditeur avait alors une politique de sortir certains titres cultes comme celui-ci et Lamu dans une édition modeste à la japonaise, ce qu'on appelle le format "bunko", un petit format concentré. C'est dans cette édition que j'ai acquis l'oeuvre avant d'apprendre qu'elle aurait droit en 2021 à une édition plus confortable pour la lecture. Dommage pour moi. Pour les amateurs, n'hésitez pas à vous dirigez plutôt vers cette nouvelle édition qui vous permettra de mieux apprécier l'oeuvre.
Cette oeuvre en 6 tomes doubles chez nous mais 11 à l'origine, est vraiment fondatrice. Elle a inspirée de nombreux auteurs depuis comme le célébrissime Minetaro et son Dragon Head, et dès qu'on plonge dans ses pages cela nous rappelle tout un tas d'autres lectures. Cependant,
Umezu a vraiment sa patte à lui qui en fait une oeuvre unique.
Avec une narration très resserrée, il nous embarque dans une folle aventure qui avance à 100 à l'heure où toute une école primaire disparaît du jour au lendemain de l'emplacement où elle était, ce qui est un grand mystère pour ceux qui restent, et en encore plus grand mystère pour ceux qui ont disparu avec l'école. C'est ceux-ci que nous allons suivre dans ce premier tome, les enfants aussi bien que les adultes de l'école, et l'auteur ne va rien nous épargner.
Dans une dynamique d'opposition de la jeunesse aux adultes,
Umezu offre une histoire très crue où face à la panique normale occasionnée par l'étrange phénomène qu'ils vivent, adultes comme enfants vont perdre la tête, mais encore plus les premiers. Alors amateurs d'éducation positive, fuyez ce titre où les sévices corporels à vos chérubins seront nombreux. L'auteur capture toute la folie qui s'empare de ces adultes désoeuvrés qui croyaient être maître de la situation et ne le sont plus du jour au lendemain. Ils craquent littéralement sous nos yeux, se conduisant comme des être abjects, de celui qui blesse son fils pour faire peur aux autres et les empêcher de sortir, à celui qui s'accapare la cantine et sa nourriture et tant pis si les enfants meurent de faim, sans parler de celui qui tue ses camarades pour être le seul aux commandes. L'auteur va loin.
Et que font les enfants ? Ils sont présentés comme une sorte de voix de la raison pour le moment, ceux qui prennent calmement les choses et tentent d'explorer, d'avancer pas à pas. Pourtant, c'est eux que la panique saisit en premier et c'est d'autant mieux rendu sous le trait très poupin dont l'auteur les affuble. L'horreur de la situation frappe ainsi encore plus. Cependant même s'ils ont peur, leurs réactions ne sont jamais trop exagérées dans l'ensemble contrairement aux adultes et on les voit développer une belle attitude en vue de survivre.
Il faut bien ça face au mystère qui les enserre, car clairement l'auteur a mis le paquet ici, s'inspirant d'un fantastique et d'une SF de la première moitié du XXe siècle. Il transporte leur école dans un environnement hostile où ils sont coupés de tout et tous. Plus d'électricité, plus d'eau, plus de moyen de communication et même plus de route ou d'environnement immédiat autre que ce drôle de sable aux allures de mort qui les entoure. C'est glaçant. Minetaro reprendra cela avec succès dans les débuts de Dragon Head et je trouve toujours ça aussi saisissant. Quand on comprend vaguement où ils peuvent être, cela ne change rien à l'angoisse et notre envie de savoir ce qu'il s'est passé et comment s'en sortir est encore plus grande.
On comprend donc rapidement comment ce titre aussi efficace que percutant et dérangeant a pu devenir culte et inspirer bien des auteurs.
Umezu y fait preuve d'une narration dynamique, stressante et angoissante parfaitement maîtrisée où l'angoisse et la peur montent de page en page. Il mélange thèmes de SF et de société avec cette opposition adultes-enfants qui laisse présager des scènes encore bien dures. La révolte gronde mais sera-t-elle ce qu'il faut pour se sortir de là ? J'ai hâte de poursuivre pour voir.
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