Pianissimo féroce

Enfin la mer, enfin les vagues
Enfin la dune, enfin les mouettes
Le vent pour me gonfler les manches
Le vent pour voler mon chapeau

Sortir en marinière

Sortir de sa tanière ,
De sa vie casanière ,
Comme on sort de l'ornière ,
Sortir en marinière !

Marinières sans manières
Marinière sans croix ni bannière
Le vent dans la crinière

La veille de pâques , se faire poissonnière
Faire des poèmes : des sandales sans lanière !
Marinière... horizon... onde ... caresse ...

Je n'aimerai plus
Avec le piment
Des cochonneries
Des notes ruineuses
Je n'aimerai plus
D'un amour vermeil
Des jeunes recrues
Aux lèvres fardées ,
D'un amour laqué
En robe soirée ,
D'un amour gluant
En robe des champs
Je n'aimerai plus
Au hasard des rimes
Au son du tambour
A la Pompadour
Aux fleurs Sephora
au poil angora ...

Mon amour sera
Un amour salé
De transpiration ,
De larmes perlées ,
Un amour gris pierre
Des bouteilles bues ,
Un amour livide
Et couvert de bleus ,
Un amour gelé
Aux bout des oreilles ,
Un amour aphone
Aux paupières closes ,
Un amour rugueux
Et accidenté
Comme un tronc de saule ,
Un plaid de berger
Mon amour aura
La barbe du bouc !

Un verre de blanc ou de vers blancs ,
Ces blanches colombes , blancs moutons
Dans notre bas monde tortillé ?
Je fonce le vert , mon vert cassé
Je fonce le blanc , blanc électrique
Où serait la clé de la justesse
Si ce n'est dans la sincérité ?
Ce bas monde , se laissera-t-il
Contaminer par quelques vers blancs ?

Je ne m'aime pas
Quand je suis raisonnable
Comme une bouteille
De vin non débouchée
Comme une chanson
qu'on garde pour soi-même .

J'aime quand la mer
me semble une pastèque
Avec sa ceinture
De cailloux-pépins-noirs
J'aime que la vie
Sorte d'une pastèque!

Etre irréprochable
C'est prendre un coup de vieille
Je mets ma culotte
A la place de toque
Je ne m'aime pas
En femme sans pépin!

Sous mon parapluie

Sous mon parapluie
Au jardin des buis
À l'abri du bruit
Que le temps divague !
Mon esprit zigzague
Que mon coeur s'élague !

*******

Un jour, une guêpe

Un jour, une guêpe tombe sur ma tête
Du haut d’un tilleul.
Je la prends pour une brindille volante.
À la fin, je l’hôte
Comme une poussière sans qu’elle me pique
Est-elle étourdie ?
Arrive après l’heure ma peur ! Oh ma peur !
Elle m’engourdit !

***

Les cendres rouges

Les cendres rouges
De mon piano
À la caisse
Me font rougir
Je m'apitoie
Sur moi-même

J'ai un squelette
Dans mon placard
De poète
Qui me supplie
Et qui m'implore
Que je vienne

J'ai adoré
Le noir piano
Sans mesure
Et là c'est le
Jaune poussin
Que j'adule

L'âme

L'âme était vieille
Et nostalgique
Et déprimée .
Sa balançoire
Etait son puits .
Elle s'est noyée .

*****

C’est ainsi que je suis faite

C’est ainsi que je suis faite
Une tête à chapeau
Toujours d’humeur inquiète
Et je peins mais avec de la suie

C’est ainsi que je suis faite
Une tête à bateau
Mais dans un verre d’eau
Et j’écris mais avec de la pluie

***