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EAN : 9782754310352
158 pages
Livre Actualité (30/11/-1)
4.57/5   15 notes
Résumé :
Mes yeux ont déambulé souvent le long de mes colonnades magiques : les perspectives des piliers du pont d’Iéna ou de celui de la Concorde… Serait-ce mon œil-de-bœuf sur l’invisible ? Car ce roman répond à l’énigme d’un après-midi où j’ai aperçu les pieds d’un piano à queue majestueux passer par-dessus la Seine, comme un Pégase, aussi surréaliste qu’un temple dans une chambre ! Cet instrument incongru, en plein soleil, au milieu des touristes, s’est mis à me faire de... >Voir plus
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Mes yeux ont déambulé souvent le long de mes colonnades magiques : les perspectives des piliers du pont d'Iéna ou de celui de la Concorde… Serait-ce mon oeil-de-boeuf sur l'invisible ? Car ce roman répond à l'énigme d'un après-midi où j'ai aperçu les pieds d'un piano à queue majestueux passer par-dessus la Seine, comme un Pégase, aussi surréaliste qu'un temple dans une chambre ! Cet instrument incongru, en plein soleil, au milieu des touristes, s'est mis à me faire des signes. Ma superstructure ainsi révélée a remplacé l'ouvrage d'art connu de tous les usagers, et je me suis accrochée à son pupitre telle une rampe.
Si de l'eau a coulé sous les ponts enjambant gravement le fleuve, mon souvenir fort émerge toujours. Mon rendez-vous involontaire ! Je suis heureuse d'être secouée, mais de plus, finement caressée, par tes mains introuvables nulle part ailleurs ! Passion ancienne, indélébile, et impossible, et insensée ! Mes voeux augustes de silence, que j'ai tenus depuis des lustres, ce jour finissent par s'avérer labiles. Je te dédie mon cri d'amour !
Acquérir la cautèle, cela ne s'apprend pas, et si je suis en liesse, c'est parce que je suis vraie. En revanche, si on discerne chez moi une autofiction, il faut comprendre que j'insiste davantage sur la « fiction » que le « auto-». Au moins, pour moi, ils sont égaux.
Varna, Batoumi, Constanţa ? L'Anatolie, la Crimée, l'Occitanie ? J'ai transposé ma source, à l'instar d'une musique, mue toujours par pareilles méditation et harmonie. Dans mon odyssée, je ressuscite une grande ville maritime aux banlieues-dortoirs mais aux acacias fleuris. le mistral s'y enfle follement et enflamme ses esprits cosmopolites. Ma Marseille imaginaire, ma Marseille de l'Est, dans sa majesté antique m'arrive à l'égal d'une île aux sirènes. Me suivent mes catacombes curieuses, d'authentiques labyrinthes, riches de mystères et d'idylles. Mordue du sel des embruns, l'histoire de Hap et de Tarina s'égare en une région indistincte, telle l'Atlantide, entre l'Océan, la Riviera et le détroit où se déversent l'une dans l'autre la Méditerranée et la mer Noire.
Bibliophiles accueillants, vous êtes mes probes horlogers ! Ne portez les points sur les i, ne me blâmez pas de diviniser aveuglement mon nympholepte unique de luxe ! Heureux qui connaissent ma grâce à être lucide et volontaire ! Mon éblouissement effréné, Hap se mirait dans mes prunelles. Qu'il ne fût pas de ma promo, cela ne comptait que très peu. Il m'aimait de son coeur sincère et nos états d'âme communiaient.
Cet écrit représente la suite du roman « Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas ! » À ma nouvelle course où mon sein impatient me lance sans réserve ! Au piano impudique, en bois de poirier dur sous un joli poli, dont le couvercle s'ouvre à quarante-cinq degrés ! Qu'il avoue ce qu'il camoufle !
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Au piano bigorneau, cela ressemble au nom d'un estaminet dans lequel Maryna Uzun m'inviterait à prendre un verre.
À cette invitation, j'ai répondu avec enthousiasme, retrouvant la joie pure, presque puérile, où enfant, je courais avec mon père sur le littoral à marée basse, soulevant les paquets de goémons accrochés aux rochers, découvrant les bigorneaux qui allaient rejoindre notre butin de pêche et plus tard les assiettes...
Piano, bigorneau, voilà deux mots aux dissonances apparentes. C'est l'alliance improbable, incongrue qui marie la musique et la mer. C'est Debussy qui se penche dans le paysage maritime, tendant son oreille pour capter depuis l'antre d'un coquillage la mélodie insatiable des vagues.
Au piano bigorneau, c'est l'invitation à déambuler dans un Paris baroque, insolite, fugace, réinventé par la poésie de Maryna Uzun qui réinvente à son tour les mots et sa manière de nous les dire.
Une image saugrenue d'un piano à queue s'engouffrant sous le point d'Iéna où coule la Seine et il n'en faut pas plus pour faire surgir le passé encore présent, les quais vides qui se souviennent, la fulgurance d'une première fois, dire celui qui n'est plus, chanter ses gestes, ses effleurements, en dépit des fêlures qui resteront à jamais dans ce vide abyssal.
Comment rester mutique devant le désir qui court pieds nus sur le sable ? L'abandon, le corps et ses ressacs ? Ce qui reste quand la mer se retire du paysage...
À chaque pas, les mots de Maryna Uzun s'inventent dans le dédale de nos vies, ce sont des lucioles, des feux-follets, je deviens un clochard céleste et je pense alors presque sottement que la poésie peut devenir une citadelle imprenable pour nous protéger des malheurs du monde et de la bêtise qui terrasse les licornes.
Mutine est sa manière de musarder, bivouaquer, comme si la douleur du souvenir ne faisait jamais mal. Aimer les mots, c'est faire semblant.
« Je devrais loger près de l'océan pour que tu reflues vers moi plus souvent. »
Il s'appelle, il s'appelait Hap et son surgissement dans la vie de la narratrice ressemble à un scherzo. Sa disparition aussi...
Elle avait seize ans, c'est-à-dire vingt ans de moins que lui. Elle était sa gracieuse disciple devant le piano ; le cours devenait alors un paysage érotique où l'accord se faisait en apprenant... Plus tard, il y aurait des promesses, des serments... Celui qui donnait sens à sa vie n'est plus là désormais... Les seize printemps de la narratrice sont à jamais perdus, ou peut-être encore bien présents au bord de ce quai vide.
Ce sont les touches impudiques d'un piano qui se fraient un chemin dans la pluie oblique, obstinément. Comme j'ai aimé les suivre à la trace, guetteur inconnu, qui peut-être a vécu la même histoire, qui sait ?
Ici la phrase s'allume comme un gastéropode endiablé, comme un orgasme facétieux et alcyonien qui se noue et se dénoue, qui détourne la nuit en plein vol vers un endroit secret.
Evaporé, volatilisé, l'être aimé. Disparu à jamais.
Le souvenir demeure cependant intact, indélébile. On le reconnaît aux éraflures qu'il laisse dans le coeur et dans les mots pour le dire. Il continue de courir sur les touches noires et blanches de la vie, peut-être dans ce treizième prélude de Chopin et dans la manière de le jouer...
« Accords alanguis, pénétrants, répétés avec une obstination sensuelle. Je frissonne encore alors que je connais la fin... »
Creuser, fouiller ensemble. Se terrer dans la nuit. Est-ce ainsi s'aimer ? Tous les commencements sont beaux comme des préludes de Chopin.
L'amour, la mer et ses tangages.
« Grossir l'instant, c'est vivre ! »
Ici Maryna Uzun, dans une quête désespérée de la poésie qui tend vers le beau, l'incroyable, dit la faim inassouvie des caresses qui ne reviendront plus, la peau qui attend longtemps après.
Au piano bigorneau est le ressac maritime de la note ultime.
Ce sont des paupières primesautières sous lesquelles brûlent encore des cris d'oiseaux. On voudrait les soulever pour enchanter notre paysage.
« Les pas du piano me poursuivent sans limite dans un silence ample qui étrangle les cris des moineaux. »
Aimer, c'est peut-être s'abîmer dans l'élan de l'autre, sa fougue, sa générosité. C'est ce que m'ont dit les mots de Maryna Uzun.
C'est une ode à celui qui n'est plus, qui a tout donné : le vertige, l'abandon, le désir.
Au piano bigorneau est un cri d'amour. C'est aussi pour cela que j'ai aimé ce texte et qu'après sa lecture, j'entends encore sa musique vibrer en moi.

Je remercie Maryna Uzun pour m'avoir offert ce magnifique cadeau qu'est son texte.
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Quel lieu aussi majestueux pouvait mieux accueillir une fringille , primesautière si exotique , que ce square , à Paris , où le seul mot romance soulèverait toutes les plaques qui honorent les plus grands poètes .
Leur confie-t-elle ses misères , ses états d'âmes , ses souvenirs d'une vie qui ferait frémir plus d'une fille !

" Sonate en do , nocturne en ré ,
C'était un amour emmuré ,
Scherzo en mi et valse en fa ,
Jamais posé sur un sofa ... "

Il est difficile de vivre comme le commun des mortels quand on a cette faim éternelle de caresses , de mains qui se posent avec délicatesse , telles celles de ce virtuose qui savait oser avec tant de panache .Ballotée entre une mère sévère et un père à l'esprit facétieux , Tarina va évoluer dans un monde strict où la parenté s'en arrache le monopole .
D'ailleurs , l'un et l'autre vont s'arranger , chacun à sa façon , pour que leur fille profite au maximum d'études , sans contrainte , sans soucis domestiques afin qu'elle atteigne des sommets , et , que son nom brille pour la nuit des temps .
Tout serait magnifique si sa génitrice n'avait pas cette habitude de tout contrôler en véritable cerbère .
Heureusement , très jeune , Tarina apprend la musique et joue si bien du piano qu'elle rentre dans une académie importante d'Odessa .

" Je me lève de ma banquette capitonnée avec des idées déprimantes : mon homme coruscant , je l'ai certes rencontré , très tôt , trop tôt , et mon triste sort est d'attendre pour rien sa copie . "

Sa rencontre avec un maître de musique réputé va porter la jeune artiste au-delà de ses espoirs . Une parfaite osmose se forme entre eux , comme si leurs doigts se joignaient pour jouer , avec maestria , spécialement Chopin .Tarina est marquée à vie par cette passion qu'il lui a communiquée , non seulement pour la chair mais aussi pour la musique . Une mère au caractère bien trempé qui semblait ne jamais avoir été amoureuse , sauf du travail bien fait , et un pianiste qui jouait si facilement avec le " do" ont créé la poétesse .

" Savez-vous , houppier , où s'est niché Hap ?
C'est mon happy end à l'aigrette noire .
Un vrai anticorps , il m'habite encore !
L'amour , n'a-t-il pas dix mille yeux qui brillent ? "
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« Qu'il y ait constamment des arbres à aimer sur ma petite colline ! Les mots sont aussi des fûts, aux racines latines, grecques ou autres, ils sont des fermoirs d'or des coffrets, des médaillons, des clavecins et des sentiments. La clé universelle des amours se dissimule dans la tête. Ces derniers ne sont jamais achevés, mais sont continuellement créés.
On les enfante ! »

*
Ecrire un poème musical à un bigorneau, ce petit gastéropode commun qui colonise les bords de mer.
Jouer avec les sonorités des mots, les vagues de pensées d'un escargot marin recroquevillé dans la coquille noire de ses états d'âme, le déferlement qui battent le rivage mis à nu.
C'est avec cette idée originale que Maryna Uzun nous invite à entrer dans son univers où les accords du piano, comme d'autres, le bruit de l'océan, calment les vagues constantes de nos tempêtes intérieures.

*
A nouveau,
à l'heure où les songes se fondent avec la nuit,
ma petite fée primesautière et gaie
est venue à moi
dans ses habits de soie.

Mutine et taquine,
avec son jupon de mousseline,
la jolie magicienne des mots et des maux,
a replié ses ailes
et s'est posée
près de mon oreiller.
Pas un bruit.

Au ciel encordée,
elle s'est penchée
sur mes rêves inavoués
et comme une caresse sur ma tristesse,
plus légère qu'une plume,
doucement, elle s'est glissée
et a semé sur mes larmes
des germes de désir
des graines de plaisirs
des envies de chérir.

L'amour est une valse,
un pas de danse
peau contre peau
à fleur de peau
Nocturne au piano.

Dans son sillage,
page après page,
je me suis faufilée
dans ses failles, ses batailles.
J'ai voyagé
entre ciel et mer,
entre fiel et revers.

A tire d'ailes
voguant, volant,
bercée par nos rêves à l'unisson,
au rythme de nos passions et de nos circonvolutions,
ses yeux espiègles et gourmands
m'ont confié son imagination piégée,
son ambition cadenassée,
ses affections encellulées,
son coeur estropié,
son besoin de liberté,
ses vers enchaînés,
par une vie trop conformiste qui l'attriste
par l'amour sans atours.
Les mots se tordent,
les gestes se dévident de leurs illusions,
les pensées de leurs certitudes.
Il ne reste plus que rancoeur et douleur.

« L'amour toujours à la lisière entre le rêve et le brasier, entre l'exil et le verset… »

En un tour de passe-passe
les sentiments se désaimantent.
Tel un mirage dont on est otage,
les désirs s'esquivent et se languissent
emportés par le silence,
déchirés, bousculés,
tourmentés, écartelés.

Mettre l'amour en cage,
L'enchaîner, l'emmurer,
le condamner, le censurer,
s'oublier, capituler ?
s'enfermer, s'enferrer ?

Ses doigts de fée glissent
sur les touches noires et blanches.
Le bonheur en jachère,
l'amour amer,
la vie les amarre avec voracité.
Dans une ivresse amoureuse
le piano égrène sa mélodie
éveille les sens
sécrète une harmonieuse volupté.

« Les Pas du piano me hantent partout. Les embruns qui voltigent, pourchassés par la brise, se figent sur mes lèvres en un baiser astringent. Ce contact, c'est la mer qui m'envoie ses aveux. Ce n'est pas de rigueur qu'un amour soit verbeux. »

*
Maryna Uzun détourne les mots de leur sens commun, les combine de manière inattendue pour inventer ses propres images, créer sa propre palette d'images, de nuances, de sensations, de couleurs et de senteurs.

Sa poésie est l'ancre jetée à la mer, son espace de liberté et de désirs.


« Une nuit oasis, dans le désert des opacités plombées, où mes divagations ont amené nos corps au sommet. Ils s'encastraient d'abord flâneusement puis de plus en plus hardiment jusqu'à ce que la mer rejetât sur le rivage nos horripilations muettes. »

Sa poésie est fragile et espiègle, rebelle et sensuelle, impétueuse et fougueuse, romantique mais jamais mutique.
Sa poésie, impudique et audacieuse, est comme un battement d'aile ou de coeur qui oscille entre volupté gourmande, légèreté insouciante, sensualité et fêlures.

« Je devrais loger près de l'océan pour que tu reflues vers moi plus souvent ! »

Les vers se font joueurs et frondeurs,
un brin railleur.
Sur les pages des cahiers,
les mots déambulent libres et tendres,
avides de sens,
avides de vie,
avides de frénésie et de folie.
Ils s'enroulent et s'emportent,
Et comme des lames de fond,
ils balaient de leur puissance irrésistible
les apparences
les jacasseries, les pudibonderies, les hypocrisies.

Tels des funambules sur un fil,
ils s'accordent, s'encordent,
se raccordent, ou se désaccordent
au gré de ses amours et de ses fantasmes,
des espoirs et des doutes
des déceptions et des défaites.
Fantasques et débridés,
ils sautillent, pétillent, s'entortillent
en une gamme chromatique de couleurs,
d'images, de sonorités,
de saveurs douces et amères.

Au fil des pages,
ils deviennent saltimbanques,
jongleurs et bonimenteurs,
ils se font espiègles et passionnés,
prennent la tangente ou des libertés,
voyagent au gré des rêves et des pensées.
Ils se désancrent et jettent leurs amarres
au cours de leur voyage, de leur dévergondage, de libertinage, de leur mirage, de leur naufrage.

« Il n'y a pas de grande passion qui ne soit payée de sang ou de larmes. Mon coeur gonflé d'ardeur, j'ai choisi de vivre de mes gouttes alertes plutôt que de mourir d'un rire mou. »

*
Une fois de plus, j'ai aimé la force généreuse et vitale du texte de Maryna Uzun. La retenue et la pudeur se dévêtissent et se cisèlent en petits éclats acérés et mordants, se sertissent de jolies images primesautières et vraies. L'intime y rencontre l'imaginaire dans un texte troublant et poétique qui déploie ses bras introspectifs et mélancoliques.
A découvrir.

« Je m'appliquerai au jour le jour, m'équilibrerai en écrivant le contraire de ce que j'en-dure, je m'aiderai de ma longue perche de poète ! de toute façon, je m'engage à ne plus reculer au lendemain notre beauté de vivre ! Puisqu'il a prononcé cette phrase : « Tu me fuis, tu as trop d'occupations, et la vie détale ! … Je t'aime ! » »

*** ***
Un très grand merci Maryna Uzun pour ce beau cadeau, c'est toujours un plaisir de voyager sur des sentiers balisés.
*** ***
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Des mots ciselés, dentelés, façonnés, des mots charnus, des mots rares, époustouflants, abscons qu'il faut savoir décrypter dans leur contexte, un style florissant, un rien trop chargé car baroque, mais d'où glissent en longs serpentements vibrants, une vie sensible, sensuelle qui se raconte, des mots qui clament fort l'amour de la langue, l'amour d'écrire, l'amour de se dévoiler avec une infime pudeur, même si le mot précis, choisi avec attention, le fait avec plus de vigueur, des mots collectés, collectionnés pour dire l'infinie passion de la musique, l' engouement qui porte une vie.
Il faut lire ce texte , dans un premier temps, pour le découvrir, de façon brute, abrupte, puis de le relire, à petites doses, lecture infusée, comme une décoction bienfaisante, cela fait tant de bien actuellement.
Un grand merci Maryna pour ce voyage littéraire d'un autre temps .
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Citations et extraits (74) Voir plus Ajouter une citation
Il [le fils] fredonne : « Je souris, je bée des trous aux genoux de mon pantalon ! » Tâtant la poche ventrale de son sweatshirt, il s’intitule marsupial aux bébés-mouchoirs. Je perds patience lorsqu’il se promène au bord d’une soupe. Mais je me reconnais en lui tandis qu’il appelle un arbre « flamant » parce que ses jeunes feuilles, avant de virer à la chlorophylle universelle, sont du papier de soie rose intense. J’applaudis sa poésie au moment où il s’éblouit sous la douche : « Tes coudes sont des gouttières ! » et pendant qu’il me lance équivoquement, dans les lacets d’une allée ombragée et fleurie : « Le vert et le jaune se marient très bien ! Heureusement, c’est dans la prairie et ils ne se sépareront pas ! »
Il joue le pitre épatamment : « Des rimes plates, croisées, embrassées… Quant aux vers divorcés, existent-ils ? » Il me passe ses guérisons, et de la brume de mes rhumes ne subsiste aucune amertume. J’endosse ses pensées ensoleillées, pareille à une soûlarde.
Il trotte torse nu avec ses biceps griffonnés d’une brandille sèche, puis publie mystérieusement que la mort est quatre fois plus durable que la vie… Que nous nous plaisons à philosopher avec l’adresse du paradis dormant à poings fermés dans sa trousse ! Jusqu’une prochaine contrainte, de rendez-vous, de devoir de français, nous sommes en parfaite harmonie. J’adore ses pavillons, souples et moelleux, si bons à chiffonner tendrement ! Je lui lâche mon feu d’artifice de niaiseries exaltées. Il proteste avec risette qu’avec son lobe câliné de ma main fébrile il n’entend pas mes charmants susurrements. Nos prolixes « douce nuit » sont encore plus inaudibles au lieu que sa seconde oreille est serrée contre le traversin.
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Ô mon Dieu, écoutez mon oraison, faites que j’aille au Paradis avec mon âne ! Notre amour écaillé, il en persiste assidûment dans les plis des baskets pigmentées de poussière de nos parties de campagne. Je tiens à ma bête angélique trimant sur les pistes terreuses, et je me sens être une girolle dans nos forêts imbibées.
Silencieux, il longe des murets. Il ne remue que ses paupières et coltine son corps tel un sac d’orge. Je tousse mes mots surets qu’il ne goûte qu’à moitié, réfléchissant constamment aux choses plus consistantes. Un regard satiné gît sur sa face carrée qu’on voudrait attendrir, mais qui ne s’amadoue que la nuit veloutée. Et, une fois rentré, il demeure à son ordi, harassé et brailleur, ayant anéanti ses pointes et ses talons.
Il est capable de prendre le masque funeste de l’aube jusqu’au crépuscule. Mon ânichon, est-il souffrant ? Quelle mouche l’a piqué ? Il s’est tant renfrogné qu’il provoque de la pitié ou… excite mon désir. Je suis son arlequine… J’ai mangé les cerises des vers de Francis Jammes. Mon bourriquet rumine ses soucis fort féconds. Il a sucé le lait chauffé au micro-ondes, puis a dormi sur son transat dans le jardin… perdu par la bonté sur sa route d’épines.
Je ne saurai jamais si je prie ou si je ris, si je pleure ou s’il pleut.
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J’atteins les degrés supérieurs de l’escalier de la gare. J’associe avec bonheur les marches à la tessiture. À notre prime rencontre, je montais lestement ma « gamme diatonique » pour rejoindre Hap, un début de soirée.[…] Enfin ! Un Yamaha droit trône complètement en haut, au niveau des trains vers les grandes destinations. À l’inverse de mon rêve, ce n’est pas un deltaplane à queue. Je suis consciente d’accaparer le coin de ceux qui essayent d’écourter leur ennuyeuse attente en se dégourdissant les doigts. Je ne rentre pas du travail, je ne pars pas en voyage, je ne compte pas au rang des virtuoses en herbe filmés par leurs parents, je ne m’évade pas en solitaire. Je cherche un public, je ne veux plus de chant en sourdine. Détendez-vous dans ce bain de jolis sons ![…]
Ma mélodie ne surgit pas du silence, elle croît en contrepoint des zips des valises. L’interjection de la fermeture éclair, synonyme de marquage d’étapes, génère de l’adrénaline, provoque en moi une légère alarme intérieure. Affronter l’assistance, c’est un enchevêtrement inextricable de sentiments et une démarche paradoxale où je me flatte de passer inaperçue et parallèlement d’être suivie !
Je commence à interpréter mon Chopin. De nombreuses personnes s’arrêtent pour m’écouter, pour m’applaudir, pour me féliciter. Nonobstant je continue, j’en ai pour trois plombes si je veux débiter mon programme entier ! J’abuse sans doute. Est-ce qu’un agent de sécurité arrivera bientôt pour me déloger ? Je me figure des chandeliers avec des carottes à la place de bougies. Secrètement, je joue pour Hap.
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Aujourd’hui, je travaille une partition de Debussy au sein des bernaches. Elles sont une centaine ! Elles paissent. Leurs cacardements et nasillements m’évoquent simultanément une basse-cour, les dialogues des Fables de La Fontaine et des bassons dans les corridors de mon vieux conservatoire. Devant moi, une pièce d’eau est totalement « effilochée » de leurs plumes duveteuses qui dissimulent son céladon originel. La pelouse assoiffée pullule de fourmis qui grimpent sur mon matériel et parcourent mes membres. Cela me rappelle une séance d’étude identique, à l’époque de mes quatorze ans. Papa guette son moment à une station de carburant. La queue est interminable. Je suis dans une prairie clairsemée avec mon Clavier bien tempéré de Bach, j’apprends méticuleusement le morceau que Hap vient de m’ordonner.
Un menu mulot de couleur rousse picore l’herbe à cinquante centimètres de moi. Il décampe, réapparaît, très affairé, presque pour réveiller en moi ma propre strophe : « Dans une vie ultérieure, ô mon prochain amour, je serai Souricelle et toi, un Souriceau » ! Étrange coïncidence comme je les affectionne... L’oxygène, le brut, point cherchés. Subitement, je respire une symbiose sublime avec la
nature.
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Varna, Batoumi, Constanta ? L'Anatolie, la Crimée, l'Occitanie ? J'ai transposé ma source, à l'instar d'une musique, mue toujours par pareilles méditation et harmonie. Dans mon odyssée, je ressuscite une grande ville maritime aux banlieues-dortoirs mais aux acacias fleuris.Le mistral s'y enfle follement et enflamme ses esprits cosmopolites. Ma Marseille imaginaire, ma Marseille de l'Est, dans sa majesté antique m'arrive à l'égal d'une île aux sirènes. Me suivent mes catacombes curieuses, d'authentiques labyrinthes, riches de mystères et d'idylles. Mordue du sel des embruns, l'histoire de Hap et de Tarina s'égare en une région indistincte, telle l' Atlantide, entre l'Océan, la Riviera et le détroit où se déversent l'une dans l'autre la Méditerranée et la mer Noire.
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