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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La loi est le premier livre de Roger Vailland que je lis, celui qui a eu le prix Goncourt en 1957, et mon verdict, c'est que cet auteur mériterait d'être plus connu. J'aime son écriture, sobre, sans fioritures, mais qui sait rendre compte de la complexité du réel, descendre « aux entrailles des choses ».

La loi est un jeu cruel: on joue au tarot pour savoir qui est le patron, qui a le droit d'humilier les autres. Et Roger Vailland nous sert une description assez terrible d'une partie, créant une atmosphère d'autant plus oppressante qu'elle pourrait bien être métaphorique d'une âpreté plus générale des rapports humains.
Que ce soit par la position sociale ou le désir que l'on fait naître chez l'autre, les rapports de domination ont en effet une grande place dans les relations des personnages du roman, qui sont décrites avec force et acuité.
Ça se passe dans une région pauvre du sud de l'Italie, et cette pauvreté exacerbe le côté rude et rêche, avec en toile de fond, tout autour de la Grand place, les «désoccupés», les sans-travail, qui attendent qu'un métayer ou un régisseur aient besoin de quelqu'un pour une bricole. Dans ce monde, si l'on en croit Matteo Brigante:
«Chacun attend quelqu'un et fait attendre quelqu'un d'autre. Seul Dieu n'attend personne et seul l'ouvrier agricole n'a personne à faire attendre. Ainsi se définirent pour lui deux absolus aux deux extrémités de la hiérarchie (bien qu'il n'employât pas ces mots) : Dieu et l'ouvrier agricole. L'état d'ouvrier agricole constitua ainsi pour ce fils d'ouvrier agricole le mal-être absolu. »
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"C'est moi qui fait la loi, ici" est une expression que j'ai souvent entendue dans ma jeunesse mais qui me semble aujourd'hui moins usitée, preuve, peut-être, que la démocratie a progressé (bien que d'aucuns prétendent le contraire). Dans les années 1950, dans le Sud de l'Italie, au Nord des Pouilles plus exactement, l'expression "faire la loi" pouvait s'appliquer aussi bien à une famille, un village, une région qu'à un individu : quelqu'un pouvait faire la loi à un autre, un homme à un autre autre homme, ou à toute une maisonnée, mais aussi, plus rarement, une femme à un homme. Et pour que cette "loi" s'applique dans toute sa rigueur il fallait que cela soit public, que des faits attestent publiquement que telle "loi" avait cours. Ce mode de fonctionnement était si prégnant que les adultes (mâles uniquement, cette fois) en avaient fait un jeu de bistrot, où celui qui faisait la Loi prenait un malin plaisir à humilier publiquement son esclave.

Ce roman (prix Goncourt 1957) décrit la vie d'une petite cité balnéaire de cette région, en s'attachant à quelques personnages représentatifs : le grand propriétaire terrien et ses trois filles, un juge, un commissaire, un ancien militaire reconverti en mafioso, le chef d'une bande de voyous, et quelques autres. Roger Vaillant qui semble parfaitement connaître les moeurs de ce milieu, nous concocte une histoire somme toute assez banale mais dont tout l'intérêt est de disséquer les comportements de ces personnages et de révéler les "lois" sans pitié qui régissent tout ce petit monde. On est quelque part entre Georges Simenon et Alberto Moravia. Un très bon roman réaliste, sociologique, non dépourvu de poésie et de finesse psychologique. Et qui ne nous fait pas regretter cette vie d'autrefois...
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Chaque année, des cénacles d'auteurs se réunissent, chacun pour primer un livre. Les éditeurs semblent se répartir savamment ces prix. le prix Goncourt 1957 fut attribué à... l'éditeur Gallimard, avec 'La Loi' de Roger Vailland (1907-1965).
La Loi est un jeu imaginé par l'auteur, auquel participent des hommes de classes sociales diverses d'une petite ville côtière des Pouilles, au sud de l'Italie. Ce jeu réjouit les vainqueurs et les spectateurs mais est cruel pour les perdants… Vous l'avez compris : La Loi, ce n'est pas le jeu de l'Oie ! D'ailleurs certaines femmes sont considérées comme des dindes (seulement bonnes à farcir).
Ce roman restitue très bien l'ambiance en Italie après la seconde guerre mondiale, avec ses coutumes et hiérarchies sociales. Comportements mafieux, corruption, machisme, et bassesses humaines sont omniprésents, soulignés par le déroulement même du jeu qui s'en alimente. La religion catholique s'inscrit en toile de fond idéale d'une soi-disant bonne moralité qui s'accommode parfaitement de ce cadre. Les caractères et schémas de pensée des personnages principaux sont habilement disséqués, d'un ton neutre et sans lourdeur. Cette neutralité recèle une critique sévère de cette société. Je n'ai pas été surpris de découvrir que Roger Vailland a adhéré au Parti Communiste Français (de 1952 à 1956, année de la répression de l'insurrection de Budapest).

En 1959, « La Loi » fut adapté au cinéma par Jules Dassin (1911-2008), avec Gina Lollobrigida (dans le rôle de Marietta), Yves Montand (Brigante), Pierre Brasseur (Don Cesare), Marcello Mastroianni, et une courte apparition du fiston Joseph ("désoccupé") avant qu'il ne devienne un célèbre chanteur.

Je recommande vivement la lecture de ce roman, plus profond et plus intéressant que « 325 000 Francs » que Vailland écrivit quelques années plus tard. Roger Vailland est un auteur qui mérite d'être (re)découvert.
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Encore un livre découvert par hasard, sans en avoir entendu parler avant, en fouillant dans les livres de poches qu'achetait mon père lorsqu'il était étudiant. Je connaissais le nom de Roger Vaillant, mais pas son oeuvre. Je suis très heureuse d'avoir comblé cette lacune car c'est un très beau roman: une galerie de portraits extrêmement vivants, une histoire formidable et un style exceptionnel.
L'auteur nous raconte la vie de la société de Porto Manacore, ville des Pouilles sur la côte adriatique. C'est une société patriarcale aux traditions ancestrales, où chacun tente "de faire la loi" à l'autre, les riches, les pauvres, les hommes et les femmes, par jeu ou pour survivre.
Quel hasard merveilleux...quel livre ! Un vrai régal.
Cela réconcilie avec l'académie Goncourt, sauf que c'était en 1957.
À lire, et à partager, car moi, je trouve qu'un tel roman, ça ne peut pas vieillir.
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Roger Vailland est un maître lorsqu'il s'agite de sonder l'âme humaine dans ses replis les plus sombres. Les personnages sont remarquablement construits, le style aiguisé, ce qui fait de la Loi un roman encore passionnant tant il interroge une architecture sociale dont nous ne nous sommes pas débarrassés.
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Un roman magnifique aux couleurs et à l'odeur du sud de l'Italie. Il n'a pas pris une ride et il est aussi une réflexion sur le rapport à la vie et à l'engagement. Il y a les désoccupés, les laissés pour compte de la vie. Ils sont toujours là aujourd'hui. Il y a aussi les désintéressés, ceux qui, un moment donné, lâchent prise par rapport à leurs convictions et leurs passions, des désoccupés intimes en quelque sorte. Et puis, il y a les lâches tels ce juge de gauche qui rend des décisions molles pour ne pas contrarier les puissants ou ceux qui ont le pouvoir sur d'autres, qui croient tout dominer jusqu'au jour où la loi d'un autre ou d'une autre s'impose à eux. La Loi, ce jeu qui donne son nom au roman et qui dit tout de la nature humaine. Et enfin, il y a les rapports entre les femmes et les hommes, le droit de cuissage, les séducteurs d'opérette, les privilèges sexuels du patriarche, lequel finalement et paradoxalement est un des plus beaux personnages du roman. Il y a aussi la méchanceté des femmes entre elles et leur refus de voir l'une d'elle sortir des sentiers tracés. En enfin, il y a Mariette, belle, intelligente, forte et libre qui fait de la loi un authentique roman féministe
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Un petit chef d'oeuvre qui n'a pas pris une ride, une analyse des caractères de personnages quasiment tous condamnables dans une Italie du Sud intemporelle écrasée par le soleil et les traditions.
Jules Dassin (papa de Joe pour l'anecdote) en tirera un très beau film avec Montand dans le rôle du méchant (enfin du pire dirons nous).
Plus de 500 pages qui se lisent d'une traite avec la satisfaction de lire du beau texte et une histoire simple mais tragique.
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