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Citations sur La tante Julia et le scribouillard (44)

Je lui racontais toute ma vie, pas ma vie passée mais celle que j'aurais plus tard, quand je vivrais à Paris et serais écrivain. Je lui dis que je voulais écrire depuis que j'avais lu pour la première fois Alexandre Dumas, et que je rêvais depuis de me rendre en France et de vivre dans une mansarde, dans le quartier des artistes, entièrement voué à la littérature, la chose la plus formidable au monde.
p.114
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Tout d'abord il n'avait eu que des mâles, au nombre de deux. Mais voilà, jamais il n'avait pensé que doña Zoila pût enfanter des femelles. Rude coup pour lui. La première fille constitua une déception, quelque chose qu'on pouvait attribuer au hasard. Mais comme la quatrième grossesse déboucha aussi sur un être sans phallus ni testicules visibles, don Federico atterré à l'idée de procréer désormais des êtres incomplets, interrompit drastiquement toute velléité de descendance (ce pourquoi il remplaça le grand lit dans leur chambre par deux lits jumeaux.)
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Je suis quelqu'un qui déteste les demi-teintes, l'eau trouble, le café faible. J'aime le oui ou le non, les hommes virils et les femmes féminines, le jour ou la nuit. Dans mes œuvres il y a toujours des aristocrates ou la plèbe, des prostitués ou des madones. La mésocratie ne m'inspire pas plus moi que mon public.
- Vous ressemblez aux écrivains romantiques, eus-je l'idée de lui dire, malencontreusement.
- En tout cas, ce sont eux qui me ressemblent, sauta-t-il sur sa chaise avec ressentiment. Je n'ai jamais plagié personne. On peut me reprocher tout sauf cette infamie. En revanche, moi, on m'a volé de la façon la plus inique.
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— Copulation cela veut-il dire faire des choses ? rit-elle. [...] De mon temps, les garçons écrivaient des acrostiches, ils envoyaient des fleurs aux filles, il leur fallait des semaines pour oser leur donner un baiser. Quelle cochonnerie l'amour est devenu chez les morveux d'aujourd'hui, Marito !

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Javier était mon meilleur ami et nous nous voyions quotidiennement, ne fût-ce qu'un moment, pour constater que nous existions.
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Notre situation s'était rapidement stabilisée dans le flou, elle se situait quelque part entre les catégories opposées d'amoureux et d'amants. C'était le sujet constant de nos conversations. Nous avions des amants la clandestinité, la crainte d'être découverts, la sensation du risque, mais nous l'étions spirituellement, non matériellement, car nous ne faisions pas l'amour ( et, comme Javier s'en scandaliserait plus tard, nous ne " nous touchions " même pas ). Nous avions des amoureux le respect de certains rites classiques du couple adolescent de Miraflores de ce temps ( aller au cinéma, s'embrasser pendant le film, marcher dans les rues la main dans la main ) et la conduite chaste ( en cet âge de pierre les filles de Miraflores arrivaient généralement vierges au mariage et ne se laissaient toucher les seins et le sexe que lorsque l'amoureux accédait au statut formel de fiancé ), mais comment aurions-nous pu l'être avec la différence d'âge et le lien de parenté ? Face à l'ambiguïté et l'extravagance de notre romance, nous jouions à la baptiser " fiançailles anglaises ", " romance suédoise ", " drame turc ".
- Les amours d'un bébé et d'une vieillarde qui est en plus quelque chose comme sa tante, me dit un soir tante Julia.
Je lui rappelai qu'elle n'était que ma tante par alliance.
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- Avez-vous jamais rencontré des argentins ? Quand vous en verrez un, changez de trottoir, parce que l'argentinité, comme la gale, est contagieuse.
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Dans l’extrait ci-dessous un juge d’instruction tente d’éclaircir l’affaire du viol d’une mineure en interrogeant la mineure elle-même. La jeune fille se révèle bien différente de ce qu’il attendait :

L’entrée de Sarita huanca Salaberria illumina l’austère bureau du juge d’instruction. En homme qui avait tout vu, devant qui avaient défilé victimes ou meurtriers, toutes les bizarreries, toutes les psychologies humaines, le Dr Don Barreda y Saldivar se dit, cependant, qu’il se trouvait devant un spécimen authentiquement original. Sarita Huanca Salaberria était-elle une fillette ? Certes, à en juger d’après son âge, et son petit corps où pointaient timidement les turgescences de la féminité, elle en était une, sans parler des tresses de ses cheveux, de sa jupette et du tablier d’écolière qu’elle portait. Mais, en revanche, dans sa façon de se déplacer, si féline, et de se tenir debout, jambes écartées, déhanchée, les épaules rejetées en arrière et les petites mains posées avec une désinvolture aguichante à sa taille, et surtout par sa façon de regarder, avec ses yeux velouteux, et de mordiller la lèvre inférieure avec ses petites dents de souris, Sarita Huanca Salaverria semblait avoir une vaste expérience, une sagesse séculaire.
Le Dr Don Barreda y Zaldivar avait un tact extrême pour interroger les mineurs. Il savait leur inspirer confiance, user des détours pour ne pas blesser leurs sentiments, et il lui était facile, avec douceur et patience, de les amener à aborder des sujets scabreux. Mais son expérience cette fois ne lui servit pas. A peine eut-il demandé en termes voilés à la mineure s’il était vrai que Gumercindo Tello l’embêtait depuis longtemps par des propos mal élevés, Sarita Huanca se mit à parler avec volubilité. Oui, depuis qu’il vint vivre à la Victoria, à toute heure, en tout endroit. Il allait l’attendre à l’arrêt de l’autobus et la raccompagnait chez elle en disant : " J’aimerais sucer ton miel ", " Tu as deux petites oranges et moi une petite banane " et " Pour toi je dégouline d’amour ". Ce ne furent pas les allégories, si inconvenantes dans la bouche d’une enfant, qui chauffèrent les joues du magistrat et entravèrent la dactylographie du Dr Zelaya, mais les actes pour lesquels Sarita se mit à illustrer les harcèlements dont elle avait été l’objet. Le mécanicien essayait toujours de la toucher, ici : et les deux menottes s’élevant se gonflèrent sur sa tendre poitrine et s’employèrent à la chauffer amoureusement. Et ici aussi : et les menottes tombaient sur ses genoux et les parcouraient, et elles montaient, montaient, froissant la jupe, le long des (naguère, encore impubères) petites cuisses. Battant des cils, toussant, échangeant un rapide regard avec le secrétaire, le Dr Don Barreda y Saldivar expliqua paternellement à la fillette qu’il n’était pas nécessaire d’être aussi concrète, qu’elle pouvait s’en tenir aux généralités. Et il la pinçait aussi ici, l’interrompait Sarita, se tournant à moitié et tendant vers lui une croupe qui sembla subitement pousser, se gonfler comme une bulle. Le magistrat eut le vertigineux pressentiment que son bureau pouvait devenir d’un moment à l’autre un temple de strip-tease.
Faisant un effort pour surmonter sa nervosité, le magistrat, d’une voix calme, incita la mineure à oublier les prolégomènes et à se concentrer sur l’acte même du viol. Il lui expliqua que, bien qu’elle dût rapporter avec objectivité les événements, il n’était pas indispensable qu’elle s’arrêtât aux détails, et il la dispensa de ceux qui – et le Dr Don Barreda y Zaldivar se racla la gorge, avec une pointe d’embarras – pourraient blesser sa pudeur. La magistrat voulait, d’une part, abréger l’entretien, et de l’autre, le rendre décent, et il pensait qu’en rapportant l’agression érotique la fillette, logiquement choquée, allait se montrer expéditive et synoptique, prudente et superficielle.
Mais Sarita Huanca Salaverria, en entendant la suggestion du juge, ainsi qu’un coq de combat à l’odeur du sang, s’enhardit, exagéra, se lança toute dans un soliloque salace et une représentation mimicoséminale qui coupa le souffle du Dr Don Barreda y Zaldivar et plongea le Dr Zelaya en un trouble corporel franchement malséant (et peut-être masturbatoire ?). Le mécanicien avait frappé à la porte ainsi, et dès qu’elle avait ouvert, il l’avait regardée comme si, et parlé comme ça, puis il s’était mis à genoux ainsi, se touchant le cœur comme ça, et il lui avait adressé une déclaration comme ci, en lui jurant qu’il l’aimait comme ça. Ahuris, hypnotisés, le juge et le secrétaire voyaient la femme-enfant battre des ailes comme un oiseau, se dresser sur les pieds ainsi qu’une danseuse, s’accroupir, se redresser, sourire et se fâcher, changer sa voix et la doubler, s’imiter elle-même et Gumercindo Tello, et, finalement, tomber à genoux et déclarer (lui, elle) son amour. Le Dr Don Barreda y Zalvidar allongea une main, balbutia que cela suffisait, mais déjà la victime loquace expliquait que le mécanicien l’avait menacée d’un couteau comme ci et s’étendant sur elle comme ça, et lui saisissant la jupe comme ci, et à ce moment le juge – pâle, noble, majestueux, courroucé prophète biblique – bondit de son siège et rugit : " Assez ! Assez ! Ca suffit ! " C’était la première fois de sa vie qu’il élevait la voix.
Du sol où elle s’était étendue en arrivant au point névralgique de sa graphique déposition, Sarita Huanca Salaverria regardait effrayée l’index qui semblait fulminer contre elle.
- Je n’ai pas besoin d’en savoir plus, répéta-t-il, plus doucement. Relève-toi, remets ta jupe en place, retourne vers tes parents.
La victime se releva en acquiesçant, avec un petit visage libéré de tout histrionisme et impudeur, fillette à nouveau, visiblement contrite. Faisant d’humbles saluts de la tête elle recula jusqu’à la porte et sortit. Le juge se retourna alors vers le secrétaire et, d’un ton mesuré, nullement ironique, il lui suggéra de cesser de taper à la machine car est-ce qu’il ne voyait donc pas que la feuille de papier avait glissé à terre et qu’il tapait sur le rouleau ? Cramoisi, le Dr Zelaya bégaya qu’il avait été troublé par ce qui s’était passé. Le Dr Don Barreda y Saldivar lui sourit :
- Il nous a été donné d’assister à un spectacle hors du commun, philosopha le magistrat. Cette enfant a le diable au corps et, ce qui est pire encore, elle ne le sait probablement pas.
- Est-ce cela que les Américains appellent une Lolita, monsieur le juge ? tenta d’accroître ses connaissances le secrétaire.
- Sans aucun doute, une lolita typique. – Et faisant contre mauvaise fortune bon cœur, loup de mer impénitent qui même des cyclones tire des leçons optimistes, il ajouta : - Réjouissons-nous, au moins, de savoir que dans ce domaine le colosse du Nord n’a pas l’exclusivité. Cette aborigène peut souffler son mâle à n’importe quelle Lolita yankee.
- On comprend qu’elle ait fait sortir de ses gonds le bonhomme et qu’il l’ait violée, divagua le secrétaire. Après l’avoir vue et entendue, on jurerait que c’est elle qui l’a dépucelé.
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Les pruneaux avaient rendu son estomac aussi ponctuel qu'un train anglais.
p.236
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Doña Margarita Bergua est une grenouille de bénitier, toute menue, plus ridée qu'un raisin sec, et qui sent curieusement le chat ( il n'y a pas de chats dans la pension ). Elle travaille sans relâche de l'aube jusqu'à la nuit, et ses évolutions dans la maison, dans la vie, sont spectaculaires, car, ayant une jambe plus courte de vingt centimètres, elle porte un soulier comme une échasse, avec une plate-forme en bois comme celle qu'utilisent les cireurs dans la rue, que lui fabriqua il y a de cela bien des années un habile sculpteur de retables d'Ayacucho, et qui en se traînant fait trembler le plancher.
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