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Citations sur Canicule (24)

Au milieu du champ de blé, Cobb émiette un épi pas mûr. Des grains entre ses doigts. Rien. Des grains au creux de sa paume.
Il les rejette.
Soudain, Cobb s'immobilise tout à fait.
Il a la sensation archaïque que ses oreilles bougent vers l'arrière. Comme celles d'un animal. Comme pour mieux capter l'imminence d'un danger.
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L'inspecteur de 2e classe Brambilla ne répond pas.
Il lève une fois de plus la tête vers le septième étage dé l'immeuble en face de lui. Ses paupières lourdes filtrent la lumière.
La quatrième fenêtre à partir de la gauche est toujours occultée par le store à lamelles. La cinquième fenêtre est toujours ouverte. La sixième fenêtre est toujours fermée. Rien de changé depuis hier.
Noémie Blue n'est pas sortie depuis deux jours.
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Aujourd'hui comme hier, il fait un soleil d'apocalypse. La Ville est en mélasse. Du sucre entre les doigts. Elle poisse et coule sur ses échasses. On étouffe dans les logements bon marché. Même les enfants noirs se sont tus. Du feu qui dévale les échelles métalliques, au flanc des buildings.
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Cobb a comme une fulgurance. Éclair devant les yeux. Une femme. Des draps. Et de la fraîcheur.
Il ne faut surtout pas qu'il pense à No.
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Avec acharnement, Cobb reprend son travail de terrassement. Sous sa veste de location trop étroite, son holster lui colle à la peau. Il creuse. Il creuse. Chaque minute compte. Il n'a pas le temps de s'occuper de son confort.
D'ailleurs le corps n'existe pas, il n'est envahissant que si on lui accorde de l'attention. Cobb a appris cela en tôle. La tête sert à oublier tout ce qui est matériel. Tout ce qui affaiblit les réflexes, le moment venu de s'en servir.
Cobb ne fume pas. Ne boit pas. Il parle huit langues. Le soleil lui fait peur.
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Cobb s'arrête de creuser. Personne. Personne en vue. Juste les blés verts à l'infini. Une vapeur qui monte au-dessus de la route goudronnée. Et cette armée de pylônes qui marche à sa rencontre. Un bourdonnement haute tension.
Cobb s'agenouille. Des fourmis l'entourent. Elles vont vers nulle part. Elles traînent cent fois leur poids. Elles se donnent un mal d'insecte. Un mal fou pour pas grand-chose.
L'homme a un sourire tordu.
Il se penche sur le trou. Il l'agrandit, remonte la terre avec ses mains. Aux poignets, deux cicatrices blanches barrent ses veines.
Plus jamais la prison.
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La pioche en l'air. Han ! Jamais Cobb ne retournerait en prison. Jamais. Han ! Ses mains le brûlent.
La pioche en l'air. Han haïe, Cobb creusait. Cobb creuse pour sauver sa vie. Ils ne le reprendraient pas. Pas vivant.
Et han ! Cette terre. Cette terre si dure, comme un refus. Tout toujours contre lui. La poisse et la révolte. Cobb avait du venin dans les veines, de la hargne partout. Des crocs. La planète entière, il haïssait. Que de la hargne.
Han, cette pioche qui montait dans le ciel. Haïe, cette poussière qui vole.
Et là-bas, la ferme.
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L'homme essuie sa peau juste au-dessus de sa bouche. Toujours là qu'on transpire. Chim en fait autant. Machinal, sa lèvre inférieure qui monte et efface la sueur. Gobe. Deux gouttes de sel.
Exactement ce que ressent l'étranger.
Chim se déplace à couvert.
L'homme a les yeux noirs. Il est plus jeune que ce fumier d'Horace. Il a l'âge d'Humphrey Bogart dimanche dernier, à la télé. Ouais ! Et des faux airs, il a.
Il a des souliers vernis. La terre monte en poussière autour de lui. Un tas déjà à ses pieds. Des caillasses. Il desserre son nœud papillon qui l'étouffe. Il a les gestes de la rage. Il creuse.
Derrière ses jambes, il y a un sac.
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Chim rampe dans le fossé. S'approche encore. Gagne. Puis tout soudain, s'arrête.
Y a son bouton d'acné juvénile qui le reprend sur le nez. Ça le gratte. Il donne satisfaction d'usage à ces rougeurs quotidiennes. Deux coups d'ongles sales et il repart.
Arrivé à un jet de carabine à plombs de l'étranger, il se cale le menton entre deux souches. Invisible. Immobile. Juste son doigt qui flatte machinalement sa guiguite dans la touffeur de son froc à bretelles.
L'homme a l'air fatigué. Il a volé une pioche très lourde. La terre est sèche. Quinze jours qu'il n'a pas plu. Et le soleil, un enfer.
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La première fois qu'il voit l'homme des villes, Chim est dans son canoë-kayak.
Une plume de corbeau sur la tête, il remonte à contre-courant les rapides de la D 21.
'Cause le soleil darde, le goudron fond. De larges plaques noires qui guimauvent et engluent l'embarcation. Sacré handicap pour remonter la côte de Morsang. Surtout sur un traîne-con-kayak façonné cageot-à-patates. Le tout motorisé sur patins à roulettes pour l'avant. A l'arrière, une roue de herse, une de charrue. Vache différence de diamètre.
Chim donne trois coups de pagaie consécutifs. Il se rapproche de la rive à graminées. Dans un effet de roulis saisissant, il échoue le canot. Huron comme pas, il débarque sur l'herbe.
En avant pour l'observation.
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