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3,9

sur 227 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce que je préfère dans la SF ce sont les romans post-apocalyptiques. Certes, beaucoup d'auteurs ont écrit dessus à tel point qu'il est rare de voir des scénarios vraiment originaux émerger. C'est vrai. Mais les visions offertes de cet après qui nous pend au nez ont le don souvent de me fasciner. Sans doute parce que je lis assez peu de SF et que je suis du coup bon public. Je m'enthousiasme, mi- fascinée mi terrifiée, en véritable éponge je garde en moi, telles de drôles de collections, les images proposées. J'y pense souvent. Visions désertiques, visions sous-marines, visions optimistes, visions catastrophiques… after® ne fait pas exception et je vais garder longtemps les images de la Terre dans 3000 ans imaginées par la jeune Auriane Velten dont il s'agit du premier roman. Les images mais aussi le mode de vie, l'organisation sociétale que l'auteure propose. Fascinant…

J'ai profondément aimé ce livre. J'ai pu l'apprécier à sa juste valeur parce que je ne savais pas du tout à quoi m'attendre. Tout s'éclaire peu à peu, au fur et à mesure de la progression de l'intrigue. C'est subtil et dévoiler certains éléments serait détruire cette découverte progressive qui m'a énormément plu et fascinée.

Le « tout » que j'évoque englobe à la fois notre devenir en tant qu'humains (que sommes-nous devenus des milliers d'années après ? comment vivons-nous ?) et en tant que société (quelle forme d'organisation suivons nous ? quelle technologie utilisons nous ?). Il englobe également notre humanité (quels sont les rapports entre les gens, entre les hommes et les femmes, avec les animaux, la nature ?), notre mémoire collective (Quel lien entretenons nous avec le passé ? Où en sont les connaissances scientifiques et techniques ?). Ce tout est abordé sous un angle philosophique, psychologique mais aussi poétique. Et c'est également ce qui fait la richesse de ce livre.

Sans dévoiler l'intrigue, voici le contexte de départ du livre : un grand cataclysme a décimé l'humanité qui vit aujourd'hui, à l'écart des terres renoncées, une utopie collective autour d'un baobab, le reste du paysage étant monochrome, terre ocre et végétation racornie. Nous nous situons dans 3000 ans. le millier d'humains restant suit aveuglément le Dogme dont il récite les mantras, ensemble de règles qui les empêchent d'exprimer leurs sentiments, d'être curieux ou créatifs, les humains doivent rester humbles, modestes, impassibles, égaux avec « touts » (humains, nature, animaux) sous peine de de se faire ôter leurs souvenirs. La curiosité, l'impatience, la colère ou la joie sont considérés comme étant hérétiques. Les humains sont ainsi strictement égaux et vivent en harmonie avec la nature jusqu'au jour ou Paule et Cami reçoivent pour mission d'explorer les terres renoncées.

« Une chose s'agite en moi. Ce sont des sentiments, je crois. Des choses que je ne suis pas censé éprouver. Je discerne une sorte de joie, d'avoir été choisi, et il y a aussi de la culpabilité, bien sûr. Et une sensation encore plus étrange, et désagréable ».

« Je sens une excitation monter en moi, impie, car “la tempérance, en toute occasion, est mon guide”, mais je n'ai jamais passé une nuit hors du village, loin de mes pairs et de la rassurante massivité des silos, érigés comme une forêt protectrice de notre sommeil ».

Le livre peut être déroutant au début car l'auteure a fait le choix d'une écriture inclusive, non pas celle que nous connaissons, qui parle par exemple d'ami.e.s (aucun mots à point ici) mais Auriane Velten a supprimé les « il » ou les « elle » pour des «ile » (que je prononçais ilé et qui renvoit au pronom « iel » employé parfois aujourd'hui), les « un » ou les « une » pour des « an », et les « mon » et « ma » pour « man » …J'ai joué le jeu (moi qui ai du mal avec l'écriture inclusive) en m'imprégnant et chose étonnante cette écriture m'a permis véritablement de rendre les personnages asexués. Je les imaginais physiquement neutres, non genrés. C'est une expérience intéressante : comment l'écriture peut modifier notre vision des choses. Et ce n'est pas qu'une posture de l'auteure car l'écriture inclusive fait sens ici étant complètement liée à l'histoire et à l'intrigue.

J'ai aimé les réflexions philosophiques sur la beauté, sur l'art, sur ce qui fonde notre humanité. J'ai apprécié l'univers dépouillé (on pourrait dire Lowtech) dans lequel nous plongeons, assez éloigné du nôtre, l'introspection et l'évolution des deux personnages. J'ai trouvé intéressants les points de vue alternés entre Cami et Paule, leurs pensées et leur psychologie que nous suivons tout à tour lors de cette quête. C'est un livre beau et touchant qu'il est impossible de lâcher une fois commencé. Sans parler de la couverture, magnifique, avec son somptueux baobab rouge.

« Son sérieux, sa rectitude ne forment que les couches extérieures, conformes à ce qu'ile devrait être, qui enveloppent un noyau limpide, prêt à tout admirer. Et puis, surtout, il y a cette envie de faire – ou, plutôt, de créer. Personne ne fait, n'a jamais fait, cela. Depuis plus de trois mille ans, nous ne faisons que répéter les mêmes gestes, et vivre des journées toutes identiques. Parce que, créer, c'est prendre un risque. Moi, je n'oserais pas ».



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La science-fiction est un genre littéraire qui m'a toujours séduite. La critique particulièrement convaincante de HordeduContrevent a été le déclencheur de cette lecture. Et c'est avec impatience et curiosité que je l'ai commencé.

Ce roman post-apocalyptique m'a charmée par l'originalité de son écriture et de son intrigue. En effet, on part totalement à l'aventure, ne sachant pas du tout où l'auteure veut nous emmener. On va ainsi de surprise en surprise pour aboutir à un dénouement étonnant.

*
Après l'Apocalypse, le monde n'est plus comme nous le connaissons. Les rares survivants se sont regroupés autour d'un baobab et suivent à la lettre les enseignements du Dogme. Toute initiative, toute curiosité sont prohibées et condamnées.
Chaque parole est mûrement réfléchie afin de ne pas paraître trop présomptueux, vaniteux.

« … la communauté s'est développée autour de son tronc gigantesque. Nous l'avons vu naître et croître, il est un peu comme notre enfant, ou du moins an membre de notre famille. Il a vécu presque aussi longtemps que nous, et nous est donc plus proche que n'importe quoi d'autre sur cette terre. En tout cas, je ne vois pas d'autre explication rationnelle à l'attachement que nous éprouvons à l'égard de ce vieil arbre. Les autres villageoies auraient peut-être des idées différentes. Mais illes ne réfléchissent pas à ce genre de chose – et illes ont raison, eulx savent se raisonner, et se rappeler que les sentiments sont choses trop mystérieuses pour que nous puissions les percer à jour. Vouloir les comprendre est sûrement une entorse au Dogme et une nouvelle preuve de mon immodestie. »

Cami fait parti de ces très rares individus qui doivent se réfréner, se contraindre continuellement afin que leur curiosité naturelle et leur intelligence ne les fassent pas paraître arrogants, supérieurs, ou condescendants.

« Ile a raison : mon attitude est égocentrique, antidogmatique, hérétique. Mais je ne vois pas en quoi je nuis à la communauté ! »

Lorsque le Conseil lui confie la mission de retrouver des connaissances de l'Ancien temps dans les Terres Renoncées, il est très enthousiaste. Et même s'il doit se faire accompagner de Paule, garante du respect au Dogme, c'est pour lui l'occasion d'en apprendre plus sur son passé et le cataclysme qui a frappé la Terre.

« Avant de partir, j'étais aveuglé par les potentielles découvertes à faire, et les autres étaient préoccupés par le péril spirituel, mais personne n'a évoqué les dangers d'ordre physique. »

*
Premier roman d'Auriane Velten, ce roman fait montre d'une excellente maîtrise de l'écriture, d'un style très original, d'une intrigue parfaitement menée et de belles réflexions sur les notions d'humanité, d'altruisme et de mémoire, sur les thématiques de la liberté, de l'identité, de l'art, et des avancées technologiques.

L'écriture est très singulière et constitue un des atouts de ce roman.
Le procédé consistant à alterner les deux voix des protagonistes à la première personne du singulier est particulièrement efficace.
Paule et Cami s'efforcent de paraître neutres et de ne jamais dévoiler leurs sentiments, mais cette narration nous permet d'être au plus proche de leurs émotions. On pénètre dans leur esprit, on est face à leurs interrogations, leurs doutes, leurs peurs.
Chacun ayant un regard différent sur leur monde, il est vraiment très intéressant de suivre l'évolution de leur relation, de reconstituer leur évolution psychologique, morale, et de comprendre comment chacun va influer sur l'autre et le transformer.

A travers leurs personnalités très différentes, leurs pensées, leurs émotions, le lecteur ressent toute la pression et l'emprise qu'exercent les membres fondateurs du Dogme sur cette petite communauté. Car sous ses aspects utopiques, idylliques, bénéfiques et bienveillants se cache un véritable carcan.

« Illes sont tétanisés, cloués sur place, bras et jambes rectilignes, torses immobiles : seules leurs lèvres bougent, dans une discussion sans saveur. Mais pas inintéressante à analyser.
La nouveauté leur fait toujours cet effet. Comme illes se sentent en danger, illes se retranchent derrière le Dogme. Et leur volonté de le respecter – ou peut-être leur crainte de L'enfreindre ? – est si forte qu'elle les empêche d'émettre une idée nouvelle, alors même que leur problème est justement de savoir comment le respecter. Mais je ne peux pas leur expliquer tout cela, car ce serait aussi une infraction au Dogme. »

*
J'ai également apprécié l'utilisation d'un genre neutre qui apporte un caractère flottant et crée une distance, une confusion dans la tête du lecteur qui n'arrive pas à se les représenter dans leur globalité. Les pronoms, les déterminants, certains noms, les prénoms également, sont retouchés pour effacer toutes les appartenances à un genre.
J'ai mis un peu de temps à m'habituer à leur langage, mais c'est délicieux de ne pas tout comprendre dès le départ, de s'immerger tout doucement dans ce monde futuriste et monochromatique, de s'imprégner de ce nouveau langage dégenré jusqu'à ne plus y faire attention.

*
Pour conclure, ce roman dystopique assez court a tout ce qui faut pour séduire les lecteurs : une écriture inclusive ingénieuse, un duo atypique et attachant, une intrigue pleine de rebondissements, des réflexions philosophiques vraiment originales qui amènent à de nombreux questionnements sur notre besoin de savoir d'où l'on vient, sur les bienfaits, ou pas, du progrès.
Une très belle découverte, je me suis régalée, merci Chrystèle.
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Une impression mitigée après avoir lu After, mais globalement positive.
L'auteur a le don de nous embarquer dans un monde lointain, de décrire une Terre méconnaissable, une humanité nouvelle, bref tout ce que l'on aime dans la SF. Cette partie là est maîtrisée. Tout comme l'histoire, la relation entre les personnage.
Mais ce travail indéniablement qualitatif est desservi par un parti pris que j'ai trouvé très laborieux, celui d'introduire une "novlangue" pas très esthétique et usante, qui m'a obligée plusieurs à interrompre ma lecture alors que j'ai l'habitude de me plonger une heure ou deux dans un bouquin. Mais peut-être d'autres que moi s'y retrouveront-ils mieux?
Une belle expérience et une belle plume SF malgré tout.

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J'ai tout de suite craqué pour ce livre : un titre intrigant par la présence du symbole d'une marque déposée, une belle couverture, atypique pour un roman de science-fiction et une quatrième de couverture tentante.
Pour les besoins de l'univers qu'elle dépeint Auriane Velten invente une variante de l'écriture inclusive, c'est malin, parce qu'au début on est gêné mais on ne s'interroge pas plus que ça sur les raisons de la présence de cette écriture. On s'y habitue assez bien, par contre elle abuse à outrance des pronoms (ou plutôt du pronom ile – pour il/elle) : très vite elle fait alterner deux narrateurs à la première personne, Cami et Paule. Ces deux personnages sont souvent seuls ensemble, donc quand je, c'est Cami, iles, c'est Paule, et vice-versa. le problème c'est que quand il y a plusieurs pages sans aucun prénom, avec en plus des dialogues, le lecteur est perdu. Parfois c'est certainement volontaire, pour créer un doute, mais c'est aussi un tic d'écriture, un peu plus d'emploi des prénoms n'aurait pas été un luxe.
La deuxième partie m'a paru bâclée, avec des événements qui s'enchaînent de façon confuses ou trop faciles, une vision un peu trop manichéenne, une absence totale de la description du cataclysme, beaucoup de raccourcis et de facilités. Les personnages ont gagné en épaisseur, mais tout cela aurait mérité bien plus de pages.
Quel dommage parce que la première partie était très réussie. Je ne voudrais pas divulgacher mais c'est une sorte de croisement entre Un cantique pour Leibowitz, le temps d'un souffle, je m'attarde et le premier tome de Nous sommes Bob. Rien de très nouveau pour la thématique mais très habilement mis en scène, avec une société originale qui en plus a des airs utopiques, reposant sur la paix, l'égalité et le partage. Utopique mais très dogmatique, et qui se révélera toute autre et de ce que le lecteur croyait et de ce que ses propres membres pensaient. On ne comprend vraiment l'univers futur qu'en creux, par déduction, à la suite des réflexions, des actions et des interprétations de notre monde lorsque Cami et Paule jouent aux archéologues. Cette partie là est vraiment bien réussie avec une écriture très intelligente. Pour un premier roman c'est plutôt prometteur.
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Encore un roman post apo ?
Oui, mais tellement différent et finalement plus doux que les autres.
On se situe très loin dans le futur, et seuls quelques milliers "d'humains" vivent encore en harmonie et en respectant le Dogme : pas d'écart, pas de questionnement, pas de rivalités.
Bien sûr une personne se démarque : Cami.
Et trois personnes du Conseil lui demandent quand même d'aller explorer les "terres renoncées" avec une autre pour la surveiller : Paule.
Ces deux êtres sont totalement différents : Cami bouillonne de curiosité, Paule respecte les lois et surtout le Dogme.
Ils vont aller de découvertes en découvertes sur le passé de l'humanité qui va les bouleverser tant ils n'en savent rien.
Et Paule petit à petit va évoluer, va changer.
Au delà des connaissances de leur passé qui vont ébranler et chambouler leur monde si lisse, c'est surtout un roman sur deux personnes que tout opposait, et qui vont s'entraider l'une et l'autre.
Comme une immense, forte et profonde amitié.
Et s'ils réussissent, ce sera grâce à leur volonté inébranlable.
L'écriture inclusive (que je déteste) est pour une fois pas trop gênante car le doute persiste sur leur sexe, je ne peux en dire plus.
Une belle réflexion philosophique que ce roman.
Que de "Jolisons" (on dira une sorte de Musique ici) ...


Lien : https://laniakea-sf.fr/
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De l'importance du titre. Lors de la sortie de ce roman, je l'ai complétement zappé à cause du titre qui me faisait penser à la saga After. Résultat : Je n'ai même pas regardé de quoi ça parlait.
Et puis La science CQFD (SF, c'est la rentrée ! du vendredi 16 septembre 2022) a invité l'autrice (qui s'excusait presque d'être autrice) et ce qu'elle en a dit à éveiller mon intérêt. de là...

Deux personnes sont envoyés trouver des éléments sur le monde d'avant. Ils sont issus d'une communauté qui pratiquent la bienveillance et l'égalité, mais de manière stricte. Il y a des choses interdites. L'un d'eux est empli de curiosité, l'autre veille au respect de la lettre, le savant et le religieux.
Des premières pages, en résultent un post apo que l'on pense classique, un de plus sur la haute pile. En outre, quelques bizarreries émaillent le récit me faisant sourciller. Ce roman a tout de même remporter le prix Utopiales 2021, ces erreurs sont étranges...

Et tout d'un coup, tout s'explique, le roman prend une tournure résolument autre, les bizarreries étaient des indices. A partir de là, ferré je suis, il me faut savoir comment nous en sommes arrivés là et surtout pourquoi. Autre point positif, nos deux gaillards vont redécouvrir le monde d'avant et leur regard candide sur nos objets du quotidien apportent de l'humour et j'essayais de trouver ce que c'était avant le dévoilement.

Autre particularité, le roman emploie l'inclusif, mais une version différente de ce que je connaissais (le fameux iel) qui s'explique, je pense, par l'univers du livre. J'ai trouvé cela plutôt bien vu et je me suis fait très rapidement à ces nouveaux pronoms et autres. Seule la fin m'a laissé un peu sur ma faim, m'attendant a être surpris. 

Quoiqu'il en soit, une lecture agréable, lente mais pas chiante. Plutôt une bonne réussite pour un premier roman. Sur une idée assez traitée en SF, qu'est ce que l'homme, Auriane s'en sort admirablement et m'a rappelé l'atmosphère de L'Oiseau d'Amérique (Le nouveau titre est "L'oiseau moqueur" ) de Walter Tevis, ce qui est une très bonne chose.
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L'ingéniosité de l'écriture inclusive, la lenteur poétique de cette dystopie, l'interrogation philosophique sur la nature humaine ont déjà été saluées par les critiques précédentes.
Pour ma part, j'ai également apprécié que ce soit grâce à une bibliothèque, dernier vestige de l'ancienne humanité, que Cami se soit nourri et qu'il ait ainsi pu cultiver sa différence, la curiosité.
Que l'auteure ait choisi de leur fournir une carte des muzes ( musées) pour leur exploration des terres renoncées constitue un formidable hommage à l'Art, reconnu comme fondateur de l'humanité. La tentation, pour ce genre de romans dystopiques, étant davantage de confronter les survivants à une technologie ancienne, à un site scientifique ou aux vestiges d'une ville détruite.
Ce choix est particulièrement judicieux puisqu'il permet aux deux explorateurs de découvrir les représentations de la race humaine et de s'en étonner.
" Tu comprends ce que ça veut dire ? poursuit implacablement Cami. Nous avions un corps. Les humains pré-cataclysmiques avaient un corps physique. Peut-être même… organique.
— Mais… Non. »
Ce n'est pas possible."
Toute en subtilité, Aurore Velten nous révèle alors la nature physique des survivants. Leurs corps sont purement mécaniques, alimentés par des batteries, mis en veille à la nuit tombée, mais capables de projetter des hologrammes à forme humaine, ce qui semble par ailleurs provoquer un certain malaise tant cette projection est intime. On est donc face à des êtres humains mécanisés, et l'on s'inquiète à juste titre de savoir si ces formes géométriques ne seraient pas des robots persuadés d'être des humains ( question classique en SF).

La réponse se trouve dans leurs réactions face aux découvertes dans les musées, ceux de Cluny, du Louvre, mais aussi celui des Arts et Métiers. Leur fascination et leur émerveillement devant les "joliesses", même si Paule affirme que la beauté et l'art constituent une hérésie pour le Dogme, sont les symptômes même de leur humanité.
Par ailleurs, Paule, avant même son expédition, possédait un talent caché qui engendrait une énorme culpabilité : elle composait en secret de la musique, les jolissons, en utilisant les sons de la nature. Ce don, en totale contradiction avec les impératifs du Dogme, de même que l'inlassable curiosité de Cami, étaient déjà les manifestations de leurs capacités à s'émouvoir et de leur intelligence propre, en dépit de l'aliénation imposée dans leur communauté.
Ce joli premier roman fait preuve d'intelligence, d'originalité et d'une belle maîtrise.
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after® pourrait être considéré comme une utopie. On est dans un futur très lointain, on ne sait pas trop où et on ne sait pas trop quand. On sait qu'il y a eu un cataclysme il y a longtemps, qui a effacé toutes les traces de nos civilisations contemporaines. Un groupe de personnages semble s'en sortir plutôt pas mal. La paix demeure, l'entraide est la base de toute cette petite société qui vivote sans se poser de questions. Paix, égalité et partage, voilà qui parait bien idéal.
Sauf que non. Parce qu'au fil des pages, on se rend bien compte que cette utopie s'est construite et repose sur les mêmes fondements que tout état totalitaire. Un dogme, une pensée sectaire, pas de dérive possible. Ici, tout le monde semble s'en satisfaire, tant mieux. Mais en fait pas tout le monde, car Cami se pose des questions. Trop. de ce fait, comme ce personnage raconte en partie l'histoire, au présent en plus, cela donne une sensation immédiate d'étouffement. On est comme Cami : avide de connaissances, et avec l'envie de secouer tous ces personnages manichéens et presque lobotomisés.
Première chose que j'ai appréciée d'ailleurs dans ce roman : la leçon selon laquelle une utopie n'est qu'un concept, et qu'en réalité, il ne fonctionne pas. Pire, pour tenter de fonctionner, il doit forcément se construire sur les mêmes mécanismes menant à la dystopie.

L'autrice nous emmène dans un futur lointain, tant temporellement que géographiquement a priori, pour nous engager à nous retourner.
Les deux personnages principaux, Cami et Paule, sont les deux personnages qui racontent l'histoire, à tour de rôle. On voit tout par leur regard, on entend leurs pensées en temps réel. Et on les observe chercher, enquêter, se questionner. Enfin, on les voit se surprendre de notre monde contemporain qu'ils découvrent et qu'ils ne comprennent pas du tout. Tout a été effacé, tout a été oublié, pour la survie. Alors ils doivent s'adonner à un travail d'archéologue. Ce regard a posteriori met en lumière tous nos paradoxes, nos failles, nos lubies. Voir notre monde réel être aussi incompris est à la fois rigolo (quand on comprend où l'on se trouve)… et gênant. Parce qu'on en vient à se poser nous aussi des questions sur notre propre rationalité, notre manière de faire, de penser, d'agir. Notre monde actuel et nos actions n'ont tellement aucun sens.
Une 2e leçon que j'ai beaucoup appréciée. Il y a dans ce roman un propos très intéressant sur l'altérité, et j'ai aimé que ce soit nos « nous » du futur qui nous jugent, qui nous regardent. Parce que dans le fond, les autres, hé bien c'est nous. En fait, on se confronte à nous-mêmes.

Enfin, after® m'a bien surprise, je dois bien l'avouer.
D'abord, il faut se faire au texte. Parce qu'Auriane Velten réinvente la langue. Elle n'est pas inclusive, de mon point de vue; plutôt neutre, je dirais. C'est assez déroutant, au début. Mais on s'y fait. Et puis quelle langue n'évolue pas pendant des siècles ? (Une petite leçon qui vient fort à propos, d'ailleurs, tiens).
Oui, sauf que parvenue au tiers, j'ai compris. Rien à voir avec l'air du temps, et cette langue neutre a toutes les raisons d'être là. Comment ai-je pu ne pas le saisir dès le début ? L'autrice ne cache rien, mais n'insiste pas non plus; de ce fait, j'ai fini par comprendre au hasard, complètement éberluée. Encore une sacrée leçon que l'autrice m'a donnée : mon regard était formaté dès le début.
Des surprises, l'autrice va en semer tout au long de son texte. La première partie est remarquablement intelligente, malgré des longueurs (pas inintéressantes toutefois, et absolument nécessaires). le roman prend un autre tournant complètement inattendu passé la moitié, et j'ai apprécié l'imagination de l'autrice. On comprend le titre, et on apprécie l'entrée des personnages dans une autre dimension, beaucoup plus riche, intense. J'ai aimé la manière dont les personnages gagnent en épaisseur, en même temps qu'ils se complexifient, qu'ils se métamorphosent.
Mais la seconde partie m'a semblé plus maladroite, car plus rapidement traitée. Suspense, bousculements et péripéties s'enchaînent, avec des facilités scénaristiques un peu regrettables. J'ai par exemple moyennement apprécié que le méchant soit très méchant car corrompu par l'argent (en plus d'être manichéen j'ai trouvé cela trop facile, et manquant de corps). La résolution m'a semblé assez vite expédiée aussi.

Malgré ces cailloux dans la chaussure, j'ai apprécié les idées émises, la manière dont ce roman comporte plusieurs histoires en une, et sa fin ouverte.
Lien : https://zoeprendlaplume.fr/a..
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after® est un roman d'Auriane Velten publié aux éditions Mnémos qui a pour particularité principale d'être écrit en écriture inclusive. Mais after® c'est avant tout un roman de Science-Fiction, une dystopie post-apocalyptique qui s'approche du conte philosophique ou de la fable.

A première vue after® est un roman dont la trame semble des plus classiques. Après un cataclysme, un désastre écologique et/ou une catastrophe d'origine humaine, une communauté vit repliée sur elle-même en complète autarcie au sein d'un petit village entouré des Terres Renoncées. Cette société marquée par le respect, la tempérance et l'égalité (les grands principes du Dogme) est toujours au service du collectif. le Dogme comme religion empêche toute initiative personnelle et les sages du village sont là pour y veiller. Quand ces derniers décident d'envoyer une mission sur les Terres Renoncées à la recherche des connaissances perdues, c'est vers Cami dont la grande curiosité est à la limite du respect Dogme qu'on se tourne. On y adjoint Paule, adepte du Dogme pour l'accompagner et surveiller les découvertes.

Le récit tourne autour de la rencontre de ces deux êtres lors d'un voyage initiatique. Deux pensées, deux modes de vie qui ne sont a priori pas conciliables vont devoir (sur)vivre ensemble. Rien de nouveau dans le roman post-apocalyptique sauf qu'Auriane Velten utilise l'écriture inclusive tout le long de son récit et ce pour une bonne raison... mais je vous laisse le plaisir de la découverte, c'est plutôt bien vu et intelligent.

Les premières pages sont donc assez difficiles à lire, c'est même un peu lourd et cela demande un effort pour intégrer cette écriture. Heureusement, le cerveau humain s'adapte assez vite et finit par lire sans souci cette "nouvelle orthographe". Passé cet écueil, le roman se lit tout seul, la plume de l'autrice est très agréable, l'univers intéressant et les personnages bien décrits. Il y a quelques bémols : un récit trop linéaire à mon goût, quelques facilités scénaristiques et un manichéisme bien trop marqué. Mais au final after® est un roman à découvrir et Auriane Velten une autrice à suivre. Je lirai volontiers son prochain roman.



Lien : https://les-lectures-du-maki..
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Nous avons ici un bon premier roman, avec des révélations étonnantes au fil du récit et où des questions sont abordées avec sensibilité sur notre humanité et ce qui nous permet de vivre en société.
Il m'a cependant manqué un petit quelque chose pour trouver ça génial, j'ai trouvé que c'était un peu trop simple et cousu de fil blanc, restant sur des rails classiques.
Avec son récit bien construit et émouvant, Auriane Velten a su me convaincre. after® dévoile le gros potentiel de l'autrice...
Lien : http://reve-general.fr/?p=7482
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