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Citations sur L'amour extrême précédé de Le septième sommet et suivi de Une.. (46)

BALLADE DE L'ÉTRANGER

Par quels détours suis revenu?

N'ai pas marché sur l'ombre

ni le déjà vécu

pas cherché l'entrée de la chambre

seulement la sortie

pas retourné langue ni poche

mais lampe dans les yeux,

et c'est le jeu

par l'autre bout des chandelles hors du chemin et sans adieux comme si
Bashô avait écrit des lettres de
Rodez -

Enfermé je m'évade
Par les quatre saisons
La folie est aussi
Ermitage d'illusion...

Par quel enfer suis reparti?

N'ai pas vendu de sel

ni de piège immortel

pas fait charité aux maîtres de vertu

seulement aux infidèles

pas brûlé d'encens de sapèques

mais une prière sans dieu,

et c'est le jeu

par échange des tours ou des reines

des extases ou des cris

comme si
Jean de la
Croix

explorant le
Tibet

arrivait pieds en sang

dans les ruines d'Iwang —

Pour toute la beauté

La nuit effacerai

Jusqu'à rendre aux
Bouddhas

Leurs sourires de terre...

Par quel secret suis d'ailleurs et d'ici?

N'ai pas renié le chant

ni la haute forêt

pas dormi sur la voie des miroirs

seulement sur tas de riz

pas recueilli de pluie

mais du sable ou du feu,

et c'est le jeu

par marche forcée du mystère avec impossibles refrains comme si chacun allait revoir en douce sa
Mongolie —

Printemps à fleur de peau
Sous les sabots d'un cheval...

Ai trop aimé les chansons pour naviguer à contre-écho, dans le poème la ballade est une mélodie au long cours un thé brûlant une vague un cerf-volant ou un
sanglot,

ai trop dérimé la raison pour sombrer à contre-chance, sur les dents les mots sont de souffle et d'orage de corde de cuivre de cuir et peau,

ai trop devancé la moisson pour gémir à contre-manque, sous le sens le tempo est un cœur sans cesse qui bat de proche en proche et dit que l'infini

se danse ou s'exaspère s'affame ou s'abolit et dit que le hasard est un pays qui passe et dit que les ténèbres se lèvent à midi.

Par quel espace suis investi?

N'ai pas choisi le nuage

ni le signe

pas repeint les frissons du décor

seulement la lumière rouge

pas limité le royaume mais l'acte des propriétés,

et c'est le jeu

que porte avec lui l'étranger

jeu de cartes blanches

où ne reste pas même

une marque de doigt -

Les autres nomment ton nom
Voient ton visage
Mais toi jamais
Tu ne te reconnais...
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BOUCHE A FEU

C'est dans le trou le manque

l'évidement évidemment

l'évidement intérieur qui creuse

jusqu'au boulet tassé contre la poudre,

c'est dans le vide cerclé de bronze

là où devrait naître un grand poème

un grand tonnerre parodique

une grande fureur tragique

bien à l'étiage de ce temps-ci

où des orgues de neuve barbarie

imposent d'ignobles requiems,

c'est dans le doute ne pas s'abstenir

et dans la bouffonnerie oser

porter la voix en altitude

la voix au-dessus de soi

comme un tourment qui danse,

c'est dans l'absence marquer le cri

au fer rouge la souffrance

avec ses yeux plus grands que le ventre

et qui sait qu'il n'est que de tourner le dos

pour boire un peu de sang,

c'est à bout de silence la blessure

presqu'une honte à dire ce qui est

dans les mots et le monde dans le moule des morts la morale des marchands,

l'âme se trouve à la bouche des canons

au passage du feu du souffle du plomb

au centre noir d'une atroce lumière

pareille à un désir muré

à une plainte sous l'aubier

à une source dévoyée

pareille à l'ombre d'un soleil en songe

que nul ne verra plus,

qui parle en ton nom se trahit

qui semble t'ignorer se renie doublement

rien n'est aussi cruel que ta parure ton leurre

cet appelant à faire hurler ou rire

brûler aimer mordre ou maudire

cet appelant sans miroir ni crécelle

cet appelant sans appel

mais qui jette sous le ciel

une brèche violente,

tu n'es qu'un principe de néant

un évident vertige à la conquête

du dedans des résonances sous la peau

de ce qui vibre et ment

de ce qui vit en aimant

de ce qui se lève dans le corps de la nuit

tu es ce qui ne peut être

tu es ce que l'on dément

tu es tout ce que l'on nie,

île d'insomnie sur le vieil océan marque de sable contre les dents

il est de l'autre côté de la page

un murmure à bout de sens

un arc-en-ciel en terre en friche

une errance de couleurs et de sons

une incantation d'espace un diapason,

l'éclair là qui dure et signe

la chute de reins de l'horizon

la courbe nue du violoncelle

une passion où se déchaîne

si fragile le regard nécessaire

la part sensible de l'invisible,

on peut chemin sans croix

gravir par défi et plaisir

les pentes du mont
Sabir

tout en armant son pas

à mille lieues de
Ta'izz

ne plus parler langue raisonnable

ne plus mâcher écorce de syllabes

et cracher tout son qat

et taire toute voix

entendre par-devers soi la houle

d'outre-Levant le secret

d'avancer sans croire à l'outre-cime

et marcher à l'oreille comme d'autres à l'énergie,

lutte résonne comme l'accord

des deux mains du potier

du pêcheur qui brise une tortue marine

ou de cette manière de lutin

que les ongles caressent et qui n'est

que de corde et de bois,

lutin des déserts

des cours des quatre coins du monde

lutin exilé nomade ou troubadour

pandura sitar dombra guitare de lune

pi'pa biwa guembri vihuela damano

métamorphose du même dans toutes ses solitudes

c'est deux planches entre les bras

qui mettent on ne sait quoi en feu

on ne sait quoi en fuite

et de l'aube sur les fleurs du temps,

c'est sous le pied droit du chevalet

moins que rien entre table et fond

une écharde de fibre grossière un écart

où s'éveille un état d'effraction

une âme qui n'a pas

de place réservée d'ancrage ni d'attache

et qu'un outil d'acier très fin deux fois courbé

guide à l'aveuglette n'écoutant que le son

l'écho plus que parfait d'un nom

de falaise hantée,

luth violon alto contrebasse

peu de sapin d'érable d'ébène

peu de boyau peu de crin

et tant de sortilèges

d'alcools espérés de visages de tempêtes

de fortunes perdues d'ascèses retrouvées

d'éclats de chair de nerf de songe

de partage insensé et d'accueil prodigue

quelque chose qui tient d'une folle majesté

quelque chose qui vient plus magicien que nous

ouvrir avec un double un accès au sublime,

en ré mineur le quatuor

dit plus qu'il n'est possible

comme si se pouvait vivre une vie négative

un amour trop fort qui couvrirait la mort

d'alertes et d'alarmes et de baisers sans âge,

la jeune fille est passée qui passe

dans l'absolu des choses —

pas de salut quand elle vient

ni d'adieu quand elle part

car elle ne vient jamais quand elle vient

car elle ne part jamais quand elle part -

la jeune fille est passée qui passe

dans l'absolu des corps

l'absolu périssable l'harmonie et encore

à renaître à renaître
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CE N'EST PAS POUR CE MONDE-CI

Il est des êtres troués,

troués par tout le corps

du fond des yeux au fond des os

et par un cri plus grand

que leur bouche écorchée,

ils ont sur le visage

tous les ravages du monde,

des tertres fracassés

des ravins où s'enlisent les pires solitudes

un effroi qui ne sait à quelle peur se vouer.

Le ciel un jour leur est passé dans le sang avec ce goût d'absolu incurable que nulle couleur n'efface qu'aucun chant ne peut adoucir,

en manque de sacrifice ils campent sur une rive cruelle qui les met au désespoir d'un temps trop plombé d'un espace en agonie,

pantelants altérés démunis triomphants

le masque heurté sous la peau

le regard essoufflé

ils mènent infiniment une chasse au trésor

dans des ruines sans fin

et ne savent qu'inventer des dieux fauves.

Les voilà vivants et déjà suicidés

lucides et déjà fous

en exil et toujours captifs,

un rapace terrifié se lève sur leur face

sans prendre son envol,

ce qu'ils voient ne se voit pas ou seulement dans l'ivresse d'une nuit féroce, ce qu'ils clament cogne aux tympans frappe au ventre aux vertèbres aux nerfs plus qu'à l'oreille ou
au cœur,

prophéties convulsives

suffocations en pâte de volcan,

les âmes ne sont pour eux qu'échardes arrachées

à la croix de lumière que tiendrait

le Grand Guérisseur Céleste,

celui qui se nomme aussi

Guérisseur de l'Infini

mais n'en reste pas moins mirage de mirage

trace perdue et promesse oubliée

d'un horizon secourable.

À leur usage la vie

ce serait d'en finir

avec cet homme mis à bas de naissance,

en finir avec l'âge de l'incarnation

règne impur règne torturant

d'une chair indigne du soleil.
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CE POURRAIT ETRE UNE ÉPOPEE

22

Soudain on se surprend

à chevaucher en lisière,

à devenir comme une ombre portée.

Soleil te jette ses poignards.

Stupeur est un paysage.

Les rênes flottent dans la main.

Il a suffi de l'écho d'un nom,

d'un refrain très doux,

d'un visage passé au tamis du monde

pour abolir ce qui serait le monde.

Que reste-t-il de ton défi

qui se défait en d'autres noces?

Tu troues un voile immense,

buée torride par-dessus la poussière,

vapeur de cendre et de craie.

À chaque instant À chaque instant
A chaque instant

métamorphose!

aveuglement!

délivrance!
Tu es dans l'onde sèche d'une lumière sans âge et sans fin, colporteur qui ne porte plus que la magie de l'heure où tu es.
Ce qui te rêve, ce qui te crée.

23

Caresses désenfouies.
Senteur de soufre.
Goût d'une mangue dure.
Image d'un vieux sorcier près du fourrage qui flambe.
Voix de la
Dame sans mercy dans le raga du plein midi.

Contre la selle de bois avoir le sexe raide.

Je dévale le haut -corps de la terre.

25

Il est un accès équestre à l'extase.

26

Dans le village après le col

une fillette court follement

des faucilles plein les bras.

Ce sont les outils de la vallée,

lames courbes et dentelées

qui se forgent comme aux premiers temps

pour scier l'orge, le millet, le blé maigre.

Où va la fille en pleurant?

Les femmes moissonnent à croupetons dans les champs.

Les hommes sommeillent autour d'un narguilé.

-
Ne dis rien, je t'entends penser.

-
Ne dis rien, ils vont nous vendre de la luzerne.

-
Ne dis rien, ce serait insensé.
L'enfant qui s'enfuit à toutes jambes est aujourd'hui le seul désordre visible.

27

Pas de halte aux murs des sédentaires -retour à l'étendue nomade.
L'âne de la caravane en pisse de dépit, brait sur ses désirs d'ânesse, de litière,

refuse désespérément d'avancer.
On le pousse, on le tire, on le bat, on lui met une torche de foin sous la queue : il s'élance aussi furieux que revanchard secouant le kérosène, secouant les casseroles.
On sent qu'il en a pour deux rôles — serviteur, souffre-douleur — même s'il n'en veut tenir aucun.

28

Les soldats gardent un lac transparent.

Trésor où les truites sont naïves

et se jettent cinquante au seul hameçon.

-
Le point d'eau est-il stratégique?
L'officier se contente de sourire.

-
Combien sont-ils à manœuvrer en rond?

-
Rien que des gamins qui suent sous le casque.
Frontière à six jours de marche.

Frontière entre personne et personne.
Frontière de la folie des cartes.

29

Les glaciers nous rattrapent,

leurs torrents déboulent de partout.

C'est à la grâce du cheval

avec des remous jusqu'au ventre.

Les sabots cherchent en dessous

le roc sans traîtrise.

On devine l'éclair au ras des fers

en ne voyant que de l'écume.

Vacarme contre le poitrail et les flancs,

frémissement bloqué aux genoux,

renés très courts, bave sur le mors, oreilles dressées (la croupe a quasi chaviré) tension d'échiné avant la rive, le flot lâche les étriers...
On émerge au ralenti sur cette grève transitoire qui dérive parmi les saules.
Le cheval donne de l'encolure.
Il veut en finir au plus tôt.
Il prend le courant au galop.
La rivière aux cent bras s'apaise, devient murmure sur les graviers, miroir où vont les cavaliers à la veille de se quitter.

30

Ensemble nous sommes sortis des solitudes.

Dans un carnet ne restent que les noms

des sept borkach d'Hazrat
Saïd —

Azamat fils de
Moumin
Shah,

Achour
Mahmad fils de
Radjab
Mahmad,

Mahmad
Ebrahim fils de
Shaïkh
Ahmad,

Charif fils de
Saïfbddine,

Abdoul
Choukour fils d'Abdoul
Rahman,

Wali fils de
Mir
Gol,

Moussa fils de
Mahmad
Charif.

L'arrivée est au seuil de l'oubli.

Une route défoncée efface

l'antique sentier de
Marco
Polo.

Les borkach ont poussé de grands cris,

levé des gerbes d'eau par-dessus leurs turbans —

six vont à cheval et
Charif les maudit à la traîne sur son âne.

31

De quelle absence sommes-nous comptables?

De quelle sujétion?

On a déjà le marché en main.

Le camion martyrise ses vitesses.

Rien ni personne pour exhorter.

32

Poussière tourne le dos à la poussière

et les oiseaux du très vaste ciel

sont pris dans un vent de sable.

Les yeux brûlent comme jamais les larmes.

Résistent nos légendes, résistent les traces.

J'aime les récits de la terre.
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CE POURRAIT ETRE UNE ÉPOPÉE
1

L'horizon comme un aimant,

soleil sur les épaules —

la main dans la crinière de mon cheval.

Sables, poussières, buées sèches,

les oasis sont à peine espérées.

2

Azur-refuge, azur-impatience.

Au cœur d'une syncope bleue.

3

La mémoire a trouvé sa voix.

La mémoire telle qu'en elle-même, mystérieuse

exilée plus vaste que l'exil

avec son royaume de légendes et de pluies.

D'où monte cette rumeur?

Le vent brûle mais ce n'est pas lui

qui porte le chant des morts.

Rien ne fait corps entre les pierres levées,

la fournaise enterre sa bouche de cendre,

j'entends ce qui sourd des sabots jusqu'au ventre,

ce qui secoue les muscles et les os.

J'aime les récits de la terre.

4

Sang-silex,

guet-apens jadis

sur quel méridien de silice?

Il est des piétinements, des traces,

des trous d'air dans l'histoire,

tout un charroi d'échos

avec beauté de quartz, feldspath, solfatare,

obsidienne traquée du volcan qui ne dort,

avec beauté perdue, pétrie avant la flamme -

divine fardée de boue.

5

Je passe l'enclos des trépassés,

longe la
Tour du
Silence,

approche d'un bûcher.

Sur quel présent faut-il passer?

Qui vient de s'allonger sous terre,

qui a choisi le feu, les chacals, les vautours?

Tout, soudain, prend ce goût mêlé

d'absolu et de parodie,

de grandeur et de fantaisie

qui est de ferveur, de fièvre

quand le cœur au bord des lèvres

on ne sait plus que mordre ou rire.

L'univers a ouvert une invisible porte.

Les ombres sont très petites.

Le ciel monte à la tête.

Je passe de désert en désert.

Il n'y a plus d'escorte.

Ce pourrait être une épopée.

J'ai aux oreilles une chanson morte.

Jamais la vie ne m'a semblé si vaste, si cruelle et si gaie.

6

Trois cavaliers ont dévalé la montagne les poches pleines de lapis-lazuli.
Près du sommet les veines bleues sont sous la garde des militaires.


On a rampé toute la nuit.


On leur est passé dans le dos.


On a creusé avec nos dagues.

Ils sont descendus d'un seul souffle,

ivres déjà du chant à naître,

galopent vers le col du
Vieux
Fou

la cravache entre les dents.

C'est déjà le vrai refrain

des pierres d'azur en contrebande.

7

Debout sur les étriers couronné de poussière — hors d'atteinte.

8

Quelle soif sans remède nous accompagne!

La source n'y est pour rien

ni le vin s'il en reste dans les fontes.

Cela ne saurait se boire

qui nous jette sur les sentiers vides.

J'ai vu le lieu et son génie,

connu l'heure où la grand-voile se déchire,

espace et temps anéantis.

où l'on ne garde du navire

autre présence que du vent.

J'ai vu cet absent sur la grève,

connu son sillage, son haleine —

la soif est entrée dans mes yeux.

Je fais corps avec la peau du monde.

J'en appelle à sa blessure.

J'y trouve le bois de mon âme en écharde.

Je ne rêve pas le désir qui me rêve.

9

Sous la tente noire —

du thé brûlant, du yaourt, des mouches.


Tu ne voudrais pas de cette chienne de vie!


Qui sait?

— Égorger un mouton de tes mains?


Peut-être.


Des femmes, des enfants, des molosses?


Peut-être.


Disparaître à trente-trois ans?


Peut-être.


Croire qu'il n'est qu'un seul
Dieu?

La nuit entoure la tente noire.

Une bourrasque a soufflé les torches.

C'est à qui toussera le plus fort.

Les mouches se calment jusqu'au lever du jour.

10

Il manque toujours une réponse dans la bouche de l'étranger qui voit une île sur terre.

On dirait un rôdeur de désert

sans tribu ni troupeau —

pas même un déserteur, mais un vaguant

qui cherche ce qui se cherche

au-delà, ailleurs, plus loin,

d'un seul mouvement pétrit l'espace

avec de la neige et de l'ombre,

du sang et de l'essoufflement,

des éclairs de ravine, un battement d'aile,

une mélopée, un bond d'ibex, un nuage blanc,

des miettes de pain dur,

tout ce qui pourrait contenter

les temps morts sous les tempes.

D'un seul mouvement.

D'un seul mouvement sans fin

où se lient les départs aux départs,

le feu à sa brûlure, le désir à sa perte,

l'espoir au désespoir ou l'espoir au néant.

D'un seul mouvement.

D'un seul mouvement au bout de soi.

D'un seul mouvement, et qui dure.

11

Le moissonneur fauche le vent.

Le semeur se disperse.

On oublie les récoltes.

On accueille la tempête en riant.

Le chaman monte sur son tambour.

Le cœur de l'univers est une forge.

Le rythme qui bat semble une buée d'or.

12

Celui-là veut tenir son souffle du soleil.

13

Torrents de pierres où boitent les chevaux, nous portons les sacs, les fusils.

14

Jusqu'au glacier, des éboulis —

les mains saignent sur les ardoises

qui craquent à chaque pas.

Nous grelottons sous nos châles.

Nous sommes fiers de ce jeu

qui n'en vaut pas la chandelle

et avançons à tâtons si près du vide.


La sainteté n'est pas dans nos principes.

-
Nous n'irions pas marcher sur les eaux.


Une bauge glacée nous suffit.

-
Elle se tient entre ciel et nuit.

Les nomades nous voient revenir comme des spectres.

Ils préparent un dîner de fête.

On se demande en l'honneur de qui.

15

Après les danses, l'oracle a vacillé.

Longtemps il a vacillé

comme un aigle aux ailes nouées,

vacillé d'impossible envol,

rétrécissant le cercle de son élan

jusqu'à trembler sur lui-même,

se tendre sur lui-même,

se tordre sur lui-même

un peu de bave aux lèvres

et le corps si creusé qu'il porte

son squelette sur la peau.

Il siffle d'un sifflement sourd.

Les syllabes ne sont que salive.

Le premier mot est un geste

orienté à l'Orient

qui dit que ça viendra de l'Est.

Lumière.
Menace.
Invasion.

La bouche expulse un dieu sanglant.

Malédiction, massacre,

désolation sur les monts désolés,

ignominie, ravage, sacrilège,

torture aux esprits torturés.

Les bergers n'ont plus foi en l'oracle.

Ils méprisent sa prophétie folle.

-Nos ennemis sont au
Couchant!

Tous regrettent d'avoir prêté l'oreille

à des vaticinations d'un autre âge.


Il n'est de
Dieu que
Dieu !

Le médium est laissé à sa petite apocalypse,

crache ce qui l'exténue,

s'arc-boute au verbe qui l'ensevelit.

On ne l'écoute plus.

Il sort de transe sous les injures.

N'importe, il rit comme un idiot.

Il est le seul qui n'ait rien retenu.

16

Je m'allonge dans un sac

les yeux ouverts sous la pleine lune.

Le silence est sans fond —

doux, très doux abîme

où vogue un océan de marbre.

Aucune peur en ce tombeau.

On y couche un songe plus réel que le jour.

17

Combien de saisons encore

à contempler la merveille

d'une nuit de
Haute-Asie?

Notre haleine monte jusqu'aux étoiles.

L'horizon nous vient aux épaules.

Il n'y a ni sommeil ni insomnie

mais une évidence du regard et du souffle.

Le monde se pense dans un écart funeste,

le monde s'impose dans un état second.

Nous sommes par la grâce d'un ciel stérile,

par la grâce d'une montagne ravinée

au plus près d'une joie première.

Nos doigts caressent la terre.

Un tambour inconnu bat contre notre nuque.

Combien de saisons encore à tenir si haut

notre chance commune, nos destins mêlés?

Combien de saisons à fuir coûte que coûte

ce qui garde pouvoir sur nous?

18


Au passage d'un col ne fais pas de vœu.


Découvre la bascule de l'espace.


Répare un muret de pierres sèches.


N'allume pas de grand feu.


Laisse un peu de bois et des allumettes.

19

Pourquoi me revient sur ce versant vide l'envol d'un poème de
Han-shan? // pousse son cheval par la ville ruinée, par la ville ruinée qui tant le bouleverse...
Pourquoi dans les traces éboulées où je suis

très au-dessus des vallées et des terrasses d'orge,

pourquoi ce contre-chant des hommes?

Il pousse son cheval par la ville ruinée...

Ici nulle menace pourtant, aucune alarme,

un ordre naturel comme s'il existait

une raison sublime —

équilibre parfait de solitude et silence.

Alors pourquoi ce murmure qui entête,

ce remords sans objet?

Il pousse son cheval par la ville ruinée,

il pousse son cheval dans la cité morte,

il pousse son cheval et sa destinée

qui vit du secret d'une saison morte...

20

Les bergers sont partis avant l'aube.
Le soleil les rattrape à mi-pente et le troupeau ralentit l'allure.
Le givre fond vite sur les cailloux.
Il n'y a déjà plus qu'un peu de rosée dans les buissons d'épines.

21

Ce matin je veux chanter la soif,

le mirage intérieur de la soif,

son approche vacillante.

C'est un chant qui ne se chante pas,

qui ne passe pas les lèvres blanches

des pèlerins, des voyageurs, des fils du désir.

On l'entend sur le tempo d'une marche forcée,

on le sent qui creuse la gorge

et tous les creux du corps.

Il est moins qu'une plainte, moins qu'une

radement de sciure, il lèche sa sueur.

Acht wâa l'âme à couteau,

acht wâa l'ogre à l'os

et dents, dents,

dents où je mords,

acht wâa danse et dépouille,

va, va, wâaaaah, ce chien

tire ma langue,

bois mes bribes, acht wâa

au bout du jour...

C'est un chant qui ne se chante pas.

La soif ronge les sons, les mots

jusqu'à la trame de l'air.

Tout sert de goutte à goutte,

d'écorce pressée

sans autre sens que d avancer

vers un sablier d'orage.

Achta no là,

rien non que l'arc,

dessous la braise

ombre descend,

achta si folle

à corde noire

que non pourra

même dément,

achta no va

l'âme à couteau

toujours plus neuve

et l'ogre à l'os,

achta no wâaaaah...

C'est un chant qui se chante

au dévers de la voix.
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CELLE QUI PASSE COMME UNE OMBRE

ne rien dire en vérité que vous n'entendiez déjà dans l'obscur de vos nuits

frisson par-delà l'horizon d'une passante périssable des âges noirs, des âges d'or

ainsi la bouche sur une ombre muette

baise le dos du vide,

la parure égarée d'une vague déesse

en ce sabbat de silence on jette du sable au désert et du feu dans les flammes

l'aurore est une entrée en perdition où d'heure en heure s'efface la créance des hommes

personne à qui tendre la clé

non plus que la corde,

le grenier s'ouvre à tous les vents

la cime du jour sombre dans un puits sous la mémoire de la terre, un reflet cherche la sortie

ô source recluse, hypothèse d'après et d'avant la chute toujours élucidée par une arme d'eau vive

lumière, tu es celle qui passe comme une ombre

entre récolte et famine

avec sur l'épaule une jarre brisée

tes pas te mènent à la naissante agonie

de l'éphémère qui dure

autant que le mouvement des choses

il n'est question que de pouvoir déserter la vie dans un flux de poussière et de sel en prélude aux grands sacrifices"

le temps devient divertissement d'attente quand les dieux sommeillent sur une idée contraire

et l'on improvise loin du cœur

et l'on meurt infiniment

du mal des magiciens à la langue coupée

l'espace de nos cris

tient au creux de la gorge

où le souffle a vacillé

ne rien dire en vérité
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CHAMBRE D'ÉCHOS

Si j'étais poète selon mon cœur je chanterais les pierres le soleil et les fées.

D'un seul souffle sur les sables

je tiendrais embrassées

la migration des corps

et la vie adorable

et la vie éphémère

des sources de lumière

des sources indomptables.

« À mes yeux qui rêvent quand ils voient

cette absence brûlée,

je donne une aube blanche

et le goût du mystère,

ce goût de lèvres fendues

aux rives du désert

où l'ombre seule qui passe

est le linceul troué

que la mort a banni

par grand-peur de midi

par grand-peur de la buée trop sèche

qui renaît dans un cri. »

Si j'étais dans la vacance de l'infini selon mon cœur je chanterais les pierres le soleil et les fées.

Nous n'avons pour amie que la nuit.

Nous adorons le soleil

et l'alchimie de sa lumière

qui change voix en parole,

mais une lumière se lève aussi

des promesses nocturnes

dont le cœur seul sait la mesure.

L'haleine de la terre va du gouffre aux étoiles,

naufrage ascendant et qui porte

la barque d'ombre, le nautonnier,

le chant heurté des devins,

et qui porte à l'outre-peur

sur la rive d'un fleuve qui n'existe pas

tandis qu'il traverse notre nuit,

tandis qu'il bat contre nos dents.

Au fond de l'antre ravivant son tumulte

l'oracle n'est pas de tout repos.

Il est sans rien de trop

comme mot à mot
Apollon

éveille la raison sublime dans le noir :

«J'ordonne que l'on médite

et l'écoute du sourd

et la vue de l'aveugle. »

L'injonction résonne d'âge en âge.
On dirait que le mirage est incurable qui toujours monte aux paupières dans la note tenue du monde.
Qui entend la musique des sphères?
Qui découvre le bivouac de l'infini?
Nous avons éveillé nos yeux et nos oreilles au seul écho d'un pleur d'enfant.

La nuit dira nos solitudes.

La lune n'est pas femme mais tout juste pubère, entre fillette et fille.

Elle a le teint

en lame de couteau,

reflet d'un feu lointain

qui approche,

et fièvre qui n'est que l'aube

de la fièvre.

La lune se voile et se creuse, enfant qui joue de ses reins pour saisir l'envers de son corps ou pour séduire sa peur.
Elle a treize ans.

J'avance au-dedans de moi et me voilà très au-delà,

déjà largué plus loin que la mémoire, plus loin que ce que je vois

comme un amnésique aux yeux éblouis qui filerait droit en dansant

sur la ligne d'infini où la peau et les os s'accordent un vrai baiser de sable.

Ce n'est pas rien d'être ce mouvement violent aux lèvres du néant,

pas rien de changer le requiem de l'âme en murmure d'or et de poussière,

en facéties d'atomes, en feulement d'herbes, de flammes ou de pierres,

pas rien d'échapper au corps du grand repos.

(Tout est ici maintenant et dans la suite des âges intensité de cri naissant,

ferveur et étreinte, ciel et fusion, tension d'amant, partage secret de l'impossible...

Tout est cette mort qui s'efface

quand vient un amour face à face.)

Je suis dans l'éternelle errance avec ce qui restera toujours de lumière,

de source de feu toujours

et de fille cavalière.

Je suis dans l'éternel présent, dans l'offrande du sol, des nerfs, des caresses,

dans l'éloge des visages égarés, transparents,

dans le rire à pleines dents d'une vertu cannibale bien plus que cardinale,

dans la beauté du réel absolu qui fut soif des songes

et dans le midi du monde.

Je me trouve quand je me perds,

quand je vis sur le départ, l'arête vive du premier pas, l'envol de l'éphémère.

Je ne balance pas, je bascule,

je plonge dans le lait de l'aube, sous les braises du soir, avec la même impatience de jour ou de nuit.

(Tout m'est éclat et éclair, archipel et steppe immense, bris de clôtures, bris d'épaves, bris de brisures...

J'assemble ce qui me disperse, je sème ce qui ne donnera pas de fruit,

je veux jouir d'une eau aride, d'une terre sans freins ni frontières

jouer de la vitesse de mes visions

en connaissant l'extase douce

d'un cavalier qui ralentit l'allure

à mesure que monte le soleil face à face.)

Je suis dans le souffle du vent d'Est mêlé aux migrations des chants,

je suis dans le souffle du
Levant

et parle ma langue, et rêve mes rêves, mes désirs féroces, mes abattements,

et parle ce que ma bouche a éprouvé, les accents et les tempes, les sexes et la buée,

la saveur des voyelles comme des filles

de voyous bien balancés,

le goût des feuilles sèches

et les reins déclinés,

et parle ce qui s'inscrit avec les dents sur la chair pourrie de l'époque.

Je suis plus que celui qui nie.

Je n'ai pas signé le pacte que tous ont signé.

Je regarde mes mains sans prier

et voudrais qu'elles soient énormes.

(Toute la morale que l'on nous vend,

avec ses longs cils de bébé-phoque, avec son rot d'évêque analysé, avec sa camisole de farce télévisée,

toute la morale que l'on nous vend est un neuroleptique.

tisane du piètre, tison mourant, théine éventée et atone qui changent le sang en cendre, la passion en passoire et le jus des couilles en gomme pasteurisée.)

Je n'attends plus, ne reviens plus, je suis dans le décalage de l'éternel retour dans la spirale qui creuse le regard et le cœur qui creuse les tombeaux de l'espèce,
tombeaux de vieille agonie où je ne veux plus penser où je ne veux plus passer ni mourir ni entendre de mélopée indiciaire et molle, de profession de foi, d'engagement pour
l'avenir, de contrat de confiance, de charte inaliénable...

Car la loi est le leurre suprême,

le social châtiment à perpétuité au voisinage de la norme,

mitoyenneté entre persécutés, entre persécuteurs, mitoyenneté entre prisonniers et gardiens de prison.

Les hommes se reproduisent plus vite que leurs ombres

mais beaucoup moins que leur volonté d'impuissance, mais beaucoup moins que les chiens et les rats.

Les hommes adoptent un profil bas,

et le
Livre des livres n'existe pas.

Il n'est plus temps que de se jeter à jamais

à l'assaut de soi

et partout sur les routes.

J'avance au-dedans de moi et me voilà très au-delà,

déjà vivant plus loin que la mémoire, plus loin que ce que je vois

comme un archer aux yeux très clairs qui suivrait sa flèche en dansant

dans la lumière, dans la lumière.

Ô
Voyageur, ô mon ami qui va par le minuit du monde,

où est le sens qui nous anime, qui nous alarme et nous ouvre la route

et quel est le mystère de cet acharnement?

Tu as dit la ruine des cités, l'effondrement des hommes, le règne renaissant des tyrans,

tu as dit la douleur qui creuse sous les blessures, la souffrance de l'âme, le miroir du désert,

tu as dit l'errance d'une légende vraie,

parole de poussière et d'orage qui ne veut ni preuves ni traces

mais chute libre, oubli de soi, rire d'amant.

Secrètement tu avais le destin en horreur, le dieu unique te semblait injure à l'unité,

tu gardais ce goût mortel d'une lumière en désespoir de cause,

lumière si étroite, si obscure

qu'elle n'obéissait plus aux sillons du soleil.

(La vie, les étoiles, les sphères invisibles,

toutes choses créées

en chair, en os, en actes, en pensées

ne font pas sens,

non plus que ne saurait faire sens

la recherche d'un sens...)

Les prophètes se jettent sur l'avenir comme ces chiens couverts de bave qui aboient aux basques de l'aube,

rien que des fantômes à mordre, des outres de sel où se désaltérer,

rien que des gestes pieux vers de faux infinis, de blêmes transcendances, de lourdes paraboles,

rien que du sang dans les voiles, du sang semé et moissonné, de la haine en certitude.

On amuse les tapis de prière avec de grands soupirs,

les clés du paradis pendent au cou des enfants qui jouent à la guerre sainte,

il y a de sombres brutes près des guichets du ciel.

Celui qui va par le chaos du monde on dirait qu'il traverse les décombres de son cœur, on dirait qu'il affronte ce qu'il porte et torture tout au fond de lui-même

autant que le
Dragon de la ville asservie, autant que les ténèbres qui régissent le jour.

(Car l'ennemi est au plus proche comme une ombre cousue sur le dos, un reflet noir dessous la peau, un œil retaillé au couteau.)

Voyageur à la barque fragile, tu veux gravir les remous du torrent,

tu veux rejoindre la source dans les pierres, tu veux te défaire de toi,

effacer également victoire et défaite, privilège, infortune, gloire ou famine,

quitter ce héros toujours à l'attaque qui s'acharne à colporter ton nom...

Le sens est bien au-delà des combats, des conquêtes, il accompagne raison et folie réconciliées, raison et folie embrassées tout au bord de l'immense ébou-lement
des âges.

L'arpenteur s'est mis à danser, le soufi répare des transistors, et si le but est sans but

et si le soleil se lève encore plus à l'Est de la plus incessante marche,

il est un éblouissement simple, une intense ferveur de l'être allié à l'inconnu

qui se donne à l'amour et qui aime.

Tu as laissé tes équipages,

l'exil t'a fixé le rendez-vous que tu avais prévu,

tu as ouvert les deux battants de la porte.

Chaque corps est un soleil qui brûle les doigts, les lèvres, et assèche nos nuits.

J'aime ce passage où le feu ne laisse aucune cendre mais perdu sur la peau un baiser de lumière.

(Le désir n'est-il pas

l'ami intime des âmes insolées,

l'ami fatal?)

On ne sait jamais dans l'amour ce qui se brise de soif et d'ombte.
Tu as du sable plein les cheveux.
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DÉPAYSEMENT



D'abord mon pays fut un arbre puis un livre une révolte puis une ombre

un amour un secret un regard un désert

mon pays fut cheval

souffle aride

soleil

désespoir livré avec un goût de sang

mon pays fut dessin d'aveugle

rire de lépreux

offrande

somnolence d'enfant près du stand aux rickshaws

mon pays fut un chant

une nuit blessée

une halte

un arc-en-ciel dans l'azur le plus clair

mon pays fut comme un sentier jeté au
Gange comme un thé trop fort comme un don au néant comme une main coupée

mon pays fut la ligne des neiges

atdoise gravée

turquoise

oubli

mon pays fut l'envers de mon pays — mon pays est un dépaysement.
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AVEC JABÈS


Les sources du désert sont dans le
Livre.

Les sources du
Livre sont dans le désert.

Écriture vouée au sable et à la lumière nue.

Parole hantée de solitude et de vide.

Échos d'une mémoire immense entre les doigts de l'oubli.

La main crée, creuse, efface.

La voix disparaît quand meurt un chardon.

Il n'y a plus de détour.

À l'aplomb de ton ombre, tu écoutes.

Au signe de ta présence, tu doutes.

Au seuil de ton absence, tu vois.

Il n'y a plus d'énigme.

La source du désert est en toi.
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DE REFLET EN REFLET


(mirage)

La soif précède la source comme le désir le désert le désir infini d'un infini désert

Il faut vivre à découvert

pour entrer dans la fraternité des choses

Fils du soleil

amant des songes

gardien de la source ensablée,

ton ombre est faite de la poussière de la nuit

Quand la rosée est absente la source monte à la tête

(Shiva)

Seigneur d'éther à l'écoute de l'espace

comme un roi vagabond du haut de son absence,

le divin est une onde qui donne mesure au temps

Corps d'altitude que l'on touche de la paume pour renouer le souffle au-dessus du vertige, l'éblouissant
Kailash ouvre le proche infini

Le feu s'évade des glaces, ivresse verticale qui change à vue d'oeil la matière de l'esprit ou la fièvre des choses en insomnie de l'âme

Avec aux lèvres la soif originelle de l'eau pure le créateur crie son nom et détruit ce qu'il crée, la nuit dévorante s'en va régénérer le jour

La senteur de la terre soudain monte à la tête

c'est migraine d'idées et de soleils aussi,

la pensée comme un leurre ne piège que des ombres

(Gomukh)

Glacier de l'oubli ô neiges temporelles je vais en haute terre pour le chant fragile d'une autre lumière pour l'arc de la solitude

et le silence en moi d'un frère rapace, double nourri de cendres et qui hurle quand s'éloigne le feu

(Bushbasa)

Les os ivres de pureté et transis

les pèlerins toussent sous leurs châles

ce qui tremble en eux

est une attache fine

le dernier fil

du dernier doute

il y a dans leurs yeux

un désir trop farouche

une attente embrasée,

au grand jour on dirait qu'ils méditent

le règne de l'insomnie

(Ganga)

La déesse s'est voilée de pluie elle passe de rive en rocher comme une torche dans les embruns comme le songe ultime d'une vie qui n'est pas tout à fait défaite

(Gangotri)

Le temple s'appuie contre un nuage seule une litanie peut donner en partage un air de réalité

Apre est la mélancolie de ce que le temps disperse mais douce est la folie de la déesse

(Baghirati)

J'avance et avance avec moi

ce qui passe,

d'un geste je voudrais

effacer qui j'étais

au geste précédent,

et la terre

m'est une attente sombre

(Rishikesh)

Le soir descend sur la grève

et la grève devient l'arc-en-ciel de la nuit

du jour éteint glisse une ombre,

chant obscur qui met un cœur de sable

dans le cœur et le sang

De reflet en reflet s'effaçant

le monde enfui se perd comme une âme

la vague de l'au-delà déferle au-dedans

une corneille mantelée disperse les offrandes

chacun s'abandonne aux mains vides du temps
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