« On se dit qu’on a du temps, et qu’on fera tout ça plus tard, quand il y aura les bonnes conditions et tout. Mais les bonnes conditions, elles arrivent jamais. »
« La mousse était ratée. Ratée. Comme ses rêves de littérature. Comme ses rêves d’enfants. Comme ces dîners où elle n’avait pas brillé. Comme ces réunions de famille où l’on se taisait. Comme son mariage. Comme le moment où elle avait fui. Comme ce jour de 1953 où elle n’avait pas fui. Comme tant de jours et comme la somme totale des jours. »
C’était drôle d’entendre les histoires de ces vieux hommes. Il me semblait à moi qu’ils essayaient d’accomplir leur destinée, sans être sûrs de ce qu’elle était vraiment. N’avait-on pas inscrit, quelque part en eux, leur raison d’être ? Et pourquoi s’affairaient-ils à essayer de la trouver encore, si tard ?
Pour ma part, la contemplation de ce qui se passait à la villa m’avait quelque peu distrait de ma quête de papillon.
Si de l'autre côté de l'eau, l'île des beaux lendemains ne promettait plus au héros l'amour de sa femme, offrirait-elle un sens à son courage ?
Si tu cherches bien, [...] il y a encore des choses à recommencer. Mais je te l'ai dit, ma belle. Y a plus le temps de laisser les autres décider à notre place. Y a plus le temps pour manquer de courage.
"Tu sais, lui dit-il en lui prenant le visage, ce que tu m'as raconté, là, le mari de Jacqueline, à soixante-seize ans, qui a quitté sa maison. Il a quitté tout ce qu'il avait pour descendre la Loire. Ca m'a fait réfléchir. Lui, il a pas peur. Et nous, on a peur et on devrait pas. On se dit qu'on a du temps, et qu'on fera ça plus tard, quand il y aura les bonnes conditions, et tout. Mais les bonnes conditions, elles arrivent jamais. Et en moins de deux on se retrouve comme lui, là, dans le placard. Ou comme Jacqueline à se dire à soixante-dix balais qu'elle a pas eu la vie qu'elle voulait."
Ce soir, Paul avait peur de la mort, de la sienne et de celle des autres. Peur des adieux qu'il faut dire aux compagnons et peur du vide qu'ils laissent dans leur sillage. C'était bien beau de connaitre les chiffres de l'infini et de se dire qu'on est tout petit. Mais, si on est si petit, pourquoi cette douleur si grande ?
Chaque pas chassait l'inessentiel, le pressé, l'anxieux, l'insatisfait.Le temps semblait déserter les jours. Non pas qu'il rajeunissait; mais c'était l'idée de l'âge qui prenait un coup de jeune. Car finalement, l'âge ne comptait plus.Les paysages, la vie, tout ça : il ne les voyait plus défiler, il était dedans .Et ma foi, il y était plutôt bien.
Ce que Jacqueline ignorait, c'était que le regard méfiant des vieilles dames, Arminda en avait fait son affaire. A trente-cinq ans, elle avait presque dix-sept ans d'expérience en tant qu'aide ménagère aux personnes âgées, sans compter son enfance d'immigrée : les regards méfiants, elle était tombée dedans quand elle était toute petite. A ce jeu-là, ce ne serait pas la cousine maigrichonne qui gagnerait.
On n'avait plus de temps à perdre si on voulait mourir heureux.