Les autres avaient toujours tendance à se foutre de sa gueule au lycée, à cause de ses lunettes et parce qu'il avait pris français première langue ; et parce qu'il préférait dessiner des trucs plutôt que de taper dans un ballon de rugby ; et parce qu'il lisait "Paradise Lost" ou "The Wasteland" [...] ; et qu'il avait déjà utilisé en cours des mots comme "Ostranénie" ou "Par Aventure", ou "Fichtre", ou "En Somme" (et il apprenait peu à peu que quand on a un brin de culture, on ferme sa gueule, Ed, parce que les autres n'aiment pas ça, c'est comme si tu leur tendais un miroir où les mots "Gros Con" et "Ignare" apparaissent sur leur tronche) [...]. (p. 29)
- T'es un Très Gros Con, Eddie. T'as même pas de smartphone. Apple, c'est la vie. Quand on n'a pas d'IPhone, on a pas de vie. (p. 47)
- Péronnelle casuiste !
- Godelureau pédant !
- Ce café est fort bon en attendant.
pour plaire souvent il fallait devenir con, et ça, il ne supportait pas le début de cette idée.
Le monde penchait dangereusement depuis la fin de l’après-midi.
À force de se retourner sur le chemin, Ed finit par se dire quepersonne ne l’avait suivi. Il s’essuya à nouveau la main gauche sur sa cuisse. Alors la colère s’atténua un peu – et revenant à lui-même, il se trouva presque heurté par la beauté des landes qu’il venait de traverser à toute allure.
- Le jihad... J'aimerais bien rendre le monde meilleur, mais je n'ai pas besoin d'un dieu pour justifier le vol ou le meurtre. D'un autre côté, je les comprends : ils partent parce qu'ils croient qu'ils vont fonder un royaume au milieu du sable. T’imagines ? Un royaume dans le désert... Un endroit rien qu'à eux, jouer aux chevaliers... Sûr que ça les fait plus rêver que devenir plombier ou caissière.
Mais la calomnie, Ed Perry, est plus mortelle qu'une bande de marauds armés de bâtons.
Il sourit à Selene.
La route est longue encore
Lit-elle dans ses yeux
Nous marcherons au creux
De routes tortueuses
Que bordent les épines
Nous atteindrons des côtés
Hérissées de récifs
Nous voguerons au fil
De monstrueuses lames
Et dans les précipices
Que bordent l’océan
Nous serons aveuglés
De lumières soudaines
Selene, nous voici
Adossés à la nuit
Attendant que se lève
L’aube d’un nouveau monde.
Nous avons notre langage, Selene, nous avons notre faiblesse, nos forces. Notre univers n’est peut-être pas plus beau que le reste du monde mais nous, au moins, nous courons jusqu’au bout de notre destin. Voilà ce que nous faisons.
— Ah. Un mauvais rêve. Ce n’est rien.
— Un mauvais rêve, c’est toujours quelque chose.