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Citations sur Vialatte à La Montagne (26)

On vient d’enterrer Roger Nimier.
Il était jeune, il était beau, il était brillant, il était modeste et insolent, il était hussard, il était rapide, il est mort vite et d’un excès de vitesse.
C’était dans la logique des choses. Il ne pouvait finir qu’au galop. Son auto, son esprit, son cœur, allaient trop vite. Il a fini dans un écrabouillis. Jamais on ne vit pareil spectacle que celle de l’Aston-Martin dans laquelle il roulait au moment de l’accident.
Son style et son talent n’étaient pas moins rapides. Il cravachait les idées et les phrases ; si bien qu’elles donnaient l’impression non plus d’être successives, mais d’être simultanées ; on eût dit qu’il passait en foule. Jeune, il avait déjà la classe, l’autorité qui désigne les maîtres. L’âge aurait fait de lui notre plus grand écrivain.
On a tendance à croire frivoles ceux qui sont brillants, et mauvais cœurs ceux qui sont insolents. Il démontrait exactement le contraire. Il avait l’air de ne fréquenter que les bars et les salles d’entraînement, et il trouvait le moyen de diriger un journal ou d’être l’âme d’une maison d’éditions, d’avoir tout lu, d’écrire une œuvre et de consacrer à ses amis un temps qu’il prenait où ? On ne l’a jamais compris. Il avait pour eux des générosités de prince, des tendresses de nourrice, des délicatesses de maman, et sa pudeur savait aller jusqu’au cynisme.
Il avait certainement un secret. Le fond était certainement amer. Il le masquait par l’enthousiasme.
Qui était-il ? D’Artagnan, sûrement, et peut-être aussi Athos, d’une façon ou d’une autre : l’homme d’un mystère, et d’un mystère désespérant.

La Montagne – 9 octobre 1962
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Voilà, l'homme est zoologique : il naît, il meurt, il se reproduit ; comme la baleine et le surmulot. C'est à peu près tout ce qu'il sait faire. Il se reproduit même trop : il n'y a plus moyen de trouver de place à La Coupole, qui est pourtant immense, et qui fut un lieu agréable ; et historique.
Mais aujourd’hui c’est une catastrophe, le restaurant a envahi le café. On ne peut plus prendre un demi assis sur une banquette. Comment parler sur une chaise vacillante dans le va-et-vient qui bouscule les sièges et la pensée ?
Pour bien parler, pour réfléchir, pour être heureux, il faut une grande place pour les coudes et pour le derrière, c’est à dire pour l’âme ; pour la méditation, pour la spéculation, pour la stabilité du corps et de la pensée.
On ne médite pas sur une chaise cannée ; on se gaufre la peau à son contact, c’est tout le résultat qu’on en tire. Rien n’est plus ridicule, vu de dos, qu’un monsieur nu qui quitte une chaise cannée. On voit par là que l’homme se reproduit beaucoup trop.

La Montagne – 28 avril 1968)
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Ce qu’il y a d’amusant (d’amusant... du point de vue de Sirius, bien entendu), c’est de voir que, parallèlement, la Russie, qui faisait sa réclame et son succès chez les naïfs, avec le pacifisme et l’internationale, les colombes de la paix, l’antimilitarisme et les slogans contre les marchands de canons, la révolution, l’union libre et la liberté sexuelle, la grève et la libre pensée, prôner un idéal de vie qui se rapproche étrangement de celui des petits-bourgeois, défendre farouchement la pudeur et le mariage, et envoyer en Sibérie tout ce qui veut penser librement, faire grève, manifester, rêver à sa manière, avoir les goûts d’un pays différent. Ne permettre que l’art pompier. Se barricader dans le chauvinisme avec un mur. Enseigner la guerre à tout le monde (pourvu que ce soit à son profit). Colonialiser en Europe, en Asie, en Afrique, tous les pays qu’elle peut. Annexer de façon pure et simple. Se transformer en arsenal, vendre des canons à plein bord et s’enfermer dans le bigotisme de Karl Marx, au point de lui soumettre la science.
Se livrer à l’antisémitisme avec une ardeur médiévale. Et étouffer les gémissements."
La Montagne – 28 juin 1970)
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La poésie en naît de façon automatique. Par simple juxtaposition. Dès qu’on rapproche deux choses extrêmement différentes, la poésie est bien près d’en jaillir. La poésie filtre toujours à travers les fentes de l’insolite. 
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Ce qu’on pêche n’a pas d’importance. L’important est de l’avoir pêché.
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Le chien étant l’ami de l’homme, l’homme n’aurait plus d’ami. L’aveugle tâtonnerait en vain au bord de la rue à traverser, le voyageur périrait dans la neige sur les pentes du mont Saint-Bernard ; nous ne verrions plus dans les cirques le barbet jouer aux dominos, lire le journal, et compter jusqu’à douze ; les jeunes enfants, désorientés, seraient obligés d’attacher les casseroles à la queue du tigre royal ; les cousins pauvres entreraient sans vergogne dans la villa du cousin riche.
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L’instruction elle-même y concourt, qui permet de lire le même journal à tous les hommes. L’analphabète était bien obligé d’avoir ses idées personnelles,  de disputer, de juger, de décider par lui-même .
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Mais qu'il fait bon rester chez soi ! Le soleil de juin fait briller un vieux meuble, allume une fleur.
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L'homme fuit les HLM comme l'invasion allemande.
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Le bonheur ne serait fait que de souvenir et d’espoir. Il ne tiendrait pas aux circonstances, mais à une création de l’esprit, à certaine fécondité de l’âme.
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