Le billet d'humeur de Dame Geneviève pour
Collectif PolarLes enfants sont rois de Delphine de Vigan
Les dégâts terrifiants de générations qui ont vécu leur enfance ou leur jeunesse ou les deux au rythme des téléréalités, et qui ont pris la première d'entre elles, le Loft pour un paradis. Incapables de croire en autre chose que les apparences, convaincus que l'amour se mesure au nombre de likes des réseaux sociaux, ils entraînent leur famille dans le cercle infernal de la surexposition et de la surconsommation, persuadés que tout le monde est heureux puisque les paquets- cadeaux affluent et que leur vie se remplit de paillettes , de jacuzzi et de voitures démesurés, que les millions d'euros coulent sans avoir autre chose à faire qu'exhiber un bonheur dont ils ne se rendent même pas compte qu'il est factice.
Dire que leurs enfants et leur âme leur sont étrangers est une absurdité puisqu'aucune réalité n'existe. Et comme toujours, lorsqu'on tourne le dos à la réalité, elle finit par nous sauter dessus, forcément de façon bien surprenante voire douloureuse.
Tout cela est très bien analysé, agréablement raconté comme une tranche de vie au début que croisera aussi un récit policier, ce qui permet de donner une réalité aux personnages tout à fait bien campés et pour moi qui suis étrangère et même opposée à toute exposition personnelle, ce fut une lecture presque ethnologique. Sociologique en tout cas c'est certain et ce n'est pas rassurant.
Les parents de l'une des protagonistes, soixante-huitards assumés, vivaient dans un monde, – je cite le roman- « où tout devait être sans cesse, questionné, pensé. Et ils s'étaient trompés. Ils croyaient que Big Brother s'incarnerait en puissance extérieure, totalitaire, autoritaire, contre laquelle il faudrait s'insurger mais Big Brother n'avait pas eu besoin de s'imposer. Big Brother avait été accueilli les bras ouverts, le coeur affamé de likes et chacun avait accepté d'être son propre bourreau. Les réseaux censuraient les images de seins ou de fesses mais, en échange d'un clic, d'un coeur, d'un pouce levé, on montrait ses enfants, sa famille, on racontait sa vie. Chacun était devenu l'administrateur de sa propre exhibition, et celle-ci était devenu un élément indispensable à la réalisation de soi. »
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