Avis de Passage
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L'exacte couleur de la lumière
a été aperçue
ce samedi 10 mai
entre deux virages de vent
au bord irisant des platanes
de la grande place
va leur dire
que puisque nous sommes
tous
irrémédiablement seuls
nous sommes
tous
ensemble
La vie n'est pas à nous
Qui a bien pu te faire croire
à ta faiblesse
tu as peur de perdre
ce que la peur
te fait perdre
d'avance
Qui a bien pu te faire croire
à cette bêtise
la vie n'est pas à nous
alors on ne risque rien
chaque soir
tu paies la terreur
comptant
sans rien lui devoir
viens
la partie
est jouée
tout partira
avant la fin
rien
de
grave
lève la tête
regarde-toi
tu es
l'immensité
et c'est le propre de l'immensité
de ne pas connaître
son immensité
chaque matin l'horizon
vient te manger
dans la main
vise le ciel
et tire
(P190)
parfois je prends ce qu'il y a à prendre
d'autres fois je le rate
Le temps d'écrire
Jamais à la hauteur
de l'instant
sans cesse à cultiver
des pensées des souvenirs
des peurs des projets
à nostalgier chaque moment
autant de moyens de m'en éloigner
de m'en protéger
mais qui me laissent l'impression
de regarder la vie
à travers la foutue vitre
d'un train toujours en retard
parce que sans le secours des mots
je suis un asticot effrayé
et que le temps d'écrire
qu'un oiseau chante
tu peux être sûr
qu'il a fini de chanter
(P350)
Recueillir
Juste avant de sombrer
dans le sommeil
j'ai senti la chaleur
d'un minuscule poème
se blottir contre mes tempes
deux petites phrases fragiles
qui cherchaient un refuge
pour passer la nuit
je l’ai laissé faire
sans bouger
hélas ce matin
en déroulant
mes yeux rouillés
je n'ai retrouvé
que des miettes
froissées
en dormant
je l'avais écrasé
Chaque mot
fait exister
quelque chose.
Prononce-moi.
Au cas où
Il y a un grâce réelle
à voir le jour se lever
sur la rouille des rails
et les herbes inutiles
toutes les gares sont belles
parce qu'elles ouvrent un possible
dans l'échappée du ciel
c'est un peu comme d'imaginer
la quantité de matins
qu'une vie entière comporte
ou le nombre de princesses
que toute la terre porte
sachant pertinemment
que nous n'y goûterons
qu'infiniment
si
peu
(P289)
- Maison -
Je suis monté
très haut
à l'intérieur de moi
très haut
et puis
je suis tombé
très bas
tout au fond
du très bas
plus d'une fois
à présent
j’habite
mon vertige
Calé
sur une chaise longue
dans le jardin bleu de la nuit
je me sens bien
assis dans l'ombre
à zyeuter le voie lactée
à penser aux gens que j'aime
en tirant sur ma clope
je cuve
les petites joies
de ma vie