Ouvrir les yeux. C’est tellement compliqué parfois.
Commencer l’horreur par la terreur. La douleur qui vient de l’intérieur et qui le noie. Je suppose que ça en réveille certains. Qu’ils se révèlent là-dedans. Alors que d’autres se font achever de l’intérieur, direct, avant même que tout commence.
La naissance est une séparation. L’existence une déchirure. L’amour des points de suture. On est tout seul. Pour toujours. Malgré nos efforts sincères ou nos pitoyables stratagèmes. Pas tout le temps bien sûr. Mais presque.
Y a le temps qui s’arrête juste au moment où t’as le doigt coincé dans la porte. Cet instant dans le vide, qui dure une éternité. L’agonie, droit dans les yeux.
On était beaux tous les deux avec ma femme. Dedans comme dehors. Frais. Joyeux. Qu'est ce qui nous est arrivé ? Ce mélange de tout et de rien justement.
Ça ne changerait rien. La mort aurait le même goût. Un goût de peur. Un goût de trop tard. Un goût de bien fait pour ta tronche.
Toutes ces conneries qu’on veut fuir quand on n’a rien à faire et puis qu’on chiale de pas pouvoir retrouver une fois qu’on les a perdues.
Disons qu’il y a des jours avec et des jours sans. Ou des années avec et des années sans. Ou des vies entières avec et des vies entières sans. Alors parfois je veux bien tendre la joue, mais d'autres fois j’envoie le front. Direct. Ça fait une sorte d’équilibre, ou mieux une impression de mouvement.
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Comment c’est là-haut ? Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce qu’il se passe quelque chose ? Est-ce que la terre se transforme en rouille pendant que les machines apprennent à pleurer pour nous? Est-ce que des renards blancs jouent dans la neige ? Est-ce que l’océan est rose ? Est-ce que deux femmes sont en train de s’entredévorer ? Est-ce qu’il reste un vieillard, aveugle, qui erre en demandant pardon ? Est-ce que des insectes sont sortis du fin fond des gouffres pour manger le ciel ? Est-ce que des enfants se battent nus dans la cendre contre des géants ? Est-ce que le vent quelque part caresse les pages d’un livre oublié sur un banc ? Est-ce que des liserons germent dans les cœurs en charognes ? Est-ce que tout recommence dans un grand trafic de sourires et de soupirs ? Est-ce que quelqu’un essaye de se souvenir d’une chanson ? Est-ce qu’un bateau prend le départ avec une hyène, une petite fille et une boîte de crayons ? Est-ce que la nuit couve ses œufs ? Est-ce qu’un bourreau pleure dans les bras d’un condamné ? Est-ce qu’il reste des fraises ? Des esclaves ? Des ombres ? Est-ce que le silence est brûlant ?
Putain putain putain! On va tous crever. On le savait en plus, dans le fond. Quel gâchis. Quel massacre. Quelle bande d'abrutis. Putain putain putain! Si les jurons étaient des incantations je serais le pape! Ça ne changerait rien. La mort aurait le même goût de peur. Un goût de trop tard. Un goût de bien fait pour ta tronche.