Ce noir qui remonte…
Ce noir qui remonte
Les trous d’obus les fosses
les tranchées et les tombes
sont les lieux de naissance privilégiés
du coquelicot
de même que les blessures les non-dits
les plaies et les silences
sont les nurseries habituelles
du poème
voilà le véritable mouvement
de la lumière
ce noir qui remonte
de tout au fond du monde
et fait pousser les fleurs
Au fond de la casserole
(à Roger Lahu)
Le pot-au-feu popote
dans la grande nuit qui tombe
les poireaux
les carottes
les patates et la viande
dessinent des fantômes
en buée sur les vitres
je vous attends
en mijotant
en bouillonnant
comme un vieux plat
d’automne
au fond de la cocotte
ma colère
mes silences
et ma connerie d’homme
quand vous serez là
la nuit sentira bon
et moi je serai
cuit
Bredouille
Toi
qui n’arrives pas
la pluie
qui ne tombe pas
les mots
qui ne viennent pas
j’attends
quelque chose
et je reviens
bredouille
de cette longue
marche blanche
à l’intérieur du jour
Dans ce grand wagon blanc
Trop souvent comme
dans un train
silencieux à côté des autres
polis
indifférents
dans ce grand wagon blanc
qui nous mène au néant
Soif
j’ai soif
je me lève
et j’ai soif
je me mets
en route
et j’ai soif
je creuse
et j’ai soif
j’arpente
ma soif
j’invente
l’eau
je presse
le soleil
comme un
citron
je le bois
je bois
la lumière
avec
je bois
le ciel
je bois
les yeux
qui regardent
le ciel
je bois
les mains
qui se tiennent
près des yeux
qui regardent
le ciel
je bois
les pieds
et la terre
sous les pieds
et les morts
sous la terre
et j’ai
toujours
soif
Météo
J’aime bien
qu’on fasse l’amour
lorsqu’il pleut dehors
j’aime bien
qu’on fasse l’amour
lorsqu’il neige dehors
j’aime bien
qu’on fasse l’amour
lorsqu’il fait chaud dehors
Les points cardinaux
je finis ton thé
range ton oreiller
y plonge le nez
je nettoie mon brouillard
de ta serviette humide
qui sent la chlorophylle
et la crème d’amande
j’écoute le souvenir
de ta lumière
en remontant
la piste aux trésors
Tout va bien
Une minuscule
araignée trapue
traverse la table
avec dans la bouche
une mouche
le vent souffle
sporadiquement
dès que je me retourne
plus rien ne bouge
si ce n’est
la nurserie ocre
du tilleul
que les abeilles
veillent
à savamment
piller
tout va bien
le monde court
après le monde
dans les paisibles
chuchotements
de nos agonies
veloutées
Conciliable
Des routes vierges
se faufilant
dans les gris
Des petits matins
simples
Des pluies
clémentes
Des envies
de pardon
Des espoirs
conciliables
J'escalade les petites gifles
de la pluie
contre le matin sale
je me hisse
au sommet
d'une braise morte
j'atteins
l'Aujourd'hui