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Citations sur L'été d'Olta (10)

Je ne pouvais m’empêcher d’imaginer les exploits de nos génies par-delà les frontières. Les génies albanais ! Je songeais aux inventions à venir, autres que ce premier tracteur dont j’entendais célébrer les mérites chaque jour à la radio et au journal télévisé. Mais tant de vantardise commençait à me lasser.
Mes parents aussi avaient droit à une progéniture géniale, ils ne pouvaient faire exception sans se couvrir de honte. À moi de toucher le sommet. Pianiste surdouée, fille d’une intelligence et d’une honnêteté hors pair, et quand je serai grande – point d’une importance cruciale –, femme immaculée et ainsi de suite.
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Une image du vieux Japon surgit, fulgurante, celle d’un pauvre pêcheur tombé à la mer et trimballé par des vagues insolentes. L’océan se riait de l’homme et avait décidé de s’en moquer jusqu’au bout. L’histoire, que j’avais lue quelque temps plus tôt, se serait achevée là, pitoyablement, par sa mort, si ce n’est que tous les hommes, à l’image de mes parents, possèdent une âme de force à changer le cours du monde. En ce jour lointain, le destin de l’homme que l’océan avait pris pour chiffon faillit en être changé.
Sur la rive, un maçon repéra son semblable qui luttait sans espoir contre le monstre de la nature. Il vit ses forces s’affaiblir. L’océan allait avoir raison de sa frêle personne. Indifférent au danger, l’ouvrier courut vers les eaux troubles pour sauver le chiffon épuisé. Et voilà qu’au terme d’une longue bataille les deux hommes sortent vivants des eaux fâchées. Pendant un moment, ils reposent l’un à côté de l’autre, leurs poumons ont du mal à se remplir d’air. Certes, vivre est un dur métier.
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Je ne connaîtrais plus le bonheur des nuits dans ce si bon lit, si fiable et tiède. Quelle invention magistrale, le modeste lit ! Je suis sûre que sa création – merveille sans pareille, trouvaille anonyme perdue dans la nuit des temps – est due au génie albanais ! Oh Dieu, Dieu, existes-tu ? Dieu, fais quelque chose, je suis en train de mourir ! Oh, Puçi, le chat du voisin, je ne le verrai jamais plus !
Une ombre austère, une odeur d’épouvante s’approcha de moi. Elle n’était guère différente des dessins que j’avais vus dans les livres. Sur son squelette flottait la toge noire, elle darda ses orbites vides sur mes yeux, déposant sa faux sur ma couverture. Elle semblait exaspérée. Bien sûr, dit-elle dans un souffle glacial, Bien sûr que je suis bien crevée, comment veux-tu qu’il en soit autrement ! Tu ne t’imagines pas combien de gens m’appellent, puis changent d’avis et se mettent comme toi à pleurnicher, Je ne veux plus mourir, mais je vous jure, Madame la Mort, que je voulais mourir, je ne plaisante pas ! Je voulais mourir de tout mon cœur, je voulais mourir véritablement, je n’en pouvais plus, mais, maintenant, maintenant, j’ai changé d’avis, ne m’emportez pas, s’il vous plaît ! Ils tremblent ces idiots ! Ils ont peur ! continuait la Mort assise sur mon lit. Comme si la Mort causait du mal ! Ils n’ont pas compris que c’est la vie qui est la cause de tout mal ! Prenons un exemple, tes parents veulent que toi, tu sois un génie, et toi, tu n’es pas un génie ma pauvre, tu es une fillette sans aucun intérêt, ainsi tu les déçois ! Tu m’appelles, et moi, vieille comme le monde, je viens jusqu’à toi, je prends la peine de venir jusqu’à toi ! Je ne sais pas si tu mesures cela ! Je te prends en considération, génie ou pas ! Tu comprends ? Est-ce que tu comprends cela au moins ? Moi, vieille comme je suis, je te prends en considération ! Mais la fillette, comme tant d’autres, change d’avis, et l’honorable Dame doit repartir !
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J’étais l’exception, née dépourvue de molécules du génie dans un pays où tout le monde en débordait. Mais désormais à l’article de la mort, une révolution s’emparait de moi et m’enflammait Je me fous du génie ! Je n’en suis pas un, et je ne veux plus mourir ! Oh mon Dieu, est-ce que tu m’écoutes ? Je ne veux plus mourir ! Voilà que je hurlais seule dans ma chambre, mon corps tremblait, ma voix n’était plus la même.
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Oh ! la vie devint plus féerique que jamais au moment où j’étais en train de la quitter ! Éblouissante et atroce. Devant ma mort imminente, pour la première fois, je fus capable de l’apercevoir dans toute sa splendeur. Mon Dieu, comment avais-je pu commettre une telle erreur ? M’enlever les jours ? Mes jours ? Pour une mauvaise note en maths ? Par peur du procès stalinien que ma mère risquait de m’intenter ?
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Le survivant ne pouvait l’accepter. Ne rien devoir à personne lui était plus cher que tout. Le voici qui court vers l’océan comme un insensé, cette fois-ci de son plein gré. Le sauveteur ne comprend pas ce que le chiffon, qui a à peine retrouvé ses esprits, cherche cette fois.
Étonné, il se lève pour regarder cet homme qui, à peine sauvé, se fait engloutir de sa propre volonté par les lames noires.
L’océan rit bien ce jour-là.
Le sacrifice de mes parents exige ma vie en retour : infinie gratitude, obéissance et surtout soumission. Je ne peux souscrire à la gratitude infinie. Cet infini m’est insupportable, il emprisonne. L’obéissance, je l’accepte seulement si elle est relative, quant à la soumission, non vraiment, cela m’est impossible.
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Notre pays déborde de surdoués, qui, par un mystère jamais percé, ont choisi de voir le jour sur ce petit bout de terre qui est le nôtre.
Choisissant un pays fermé au reste du monde, ils demeureront sains, purs, face aux terribles infections dues à la société capitaliste, ainsi, ils deviendront des humains de la dimension la plus sublime qui soit.
Ces jours-ci, on ne cesse de se vanter d’avoir construit notre premier tracteur, par le seul génie albanais, sans aides étrangères, pas même celles des pays avec qui on collabore.
Je ne me souviens pas d’où je tenais l’information que les terribles pays capitalistes possédaient déjà des tracteurs, d’innombrables même, d’une puissance à la mesure de leur méchanceté, d’une beauté qui était celle du diable.
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La perspective d’être grande m’était plus douce que celle d’être pianiste. Quant à mon père, rien ne pouvait lui faire plus plaisir, car chez nous c’est atavique, les jeunes couples rivalisent pour ne pondre que des génies.
Dans la plupart des cas, évidemment, c’est leur progéniture qui est la plus géniale. Quand les jeunes mariés se croisent dans la rue, ou lors d’une innocente visite le dimanche, après avoir échangé des gentillesses – Comment tu vas, Je vais bien, Comment tu vas, toi ? Je vais bien. Et toi ? Bien, bien, merci ! Et toi ? Comment tu vas ? Je vais bien merci ! Et vous, vous allez bien ? Pas mal, on fait aller comme on dit –, au bout d’un quart d’heure donc de révérences exquises, et une fois assurés que la santé est bonne, ils se passionnent pour leur propre descendance, les miracles qui la constituent et autres qualités ahurissantes.
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Le corps fait des miracles. Me voici m’entortillant sur la petite symphonie de Mozart comme si c’était la raison de ma vie. À côté de Nedi, il faut que je joue, tant bien que mal, ainsi je fais semblant de crever de sentiments pour la partition. Envoûtée par mon père, Nedi ne m’aide pas à être vraie, elle me regarde amoureusement et, comme moi, elle n’est pas là, son esprit est ailleurs.
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Ma vie à cette époque était figée sur une toile d’éternité nommée Toujours. Que la mort existe, déchire et emporte tout ? Je le savais, je connaissais cela du haut de mes sept ans, et depuis longtemps déjà. Je portais depuis toujours en moi cette conscience trouble et opaque qui parfois m’opprimait, et je sentais que ce magma oppressant avait à voir avec la mort, mais quand survint la disparition de mon père régnait une éternité qui ne tolérait aucune mise en doute. Les plus importants acteurs de ma vie, mère, père, soleil, nuits, chats, terre, étaient là, donnés à jamais, habituels, leitmotive.
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